Chapitre 47

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-"Tu viens jouer avec nous, papa?"

Ma bouche s'ouvrit pour ne rien dire.

Ce tableau idyllique, presque irréelle, ou devrais-je vous avouer, trop parfait me comprima la poitrine. Toujours dans les bras de Connors qui s'était agenouillé pour les serrer tendrement, nos deux filles affichèrent une moue adorable devant leur père, les étoiles pleins les yeux en attendant avec impatience sa réponse.

-"Tu viens, papa?"

Papa.

Ce simple mot fut l'élément déclencheur. Ce simple mot signifiait tellement de choses pour nous deux. Des choses dont nous révions.

Subitement, ce test d'ADN me sembla lointain. Savoir s'il était leur père ou leur oncle m'importait guère, sachant du tréfonds de mon coeur qu'un test ne changerait point à nos sentiments. C'était indéniable. Connors était leur père peut importe le résultat. Un vulgaire morceau de papier n'allait rien y changer.

Toutefois, l'unique chose qui se jouait inlassablement dans ma tête fut sa proposition et entendre nos filles  l'appeler pour la toute première fois papa ne pouvait que renforcer sa demande de cette alléchante proposition de cohabitation.

-"Becca?"

Je n'eus nul besoin de relever la tête pour savoir d'où venait cette voix ferme dont l'intonation profonde me fit frissonner. Pourtant, je le fis malgré tout, regrettant mon geste la seconde suivante, dès que mon regard s'arrima à un océan, cette paire de yeux bleus, toujours aussi scintillants, toujours aussi ardents, une lueur pétillante et singulière y régnant au fond.

Une flamme darda au creux de mes reins aussitôt. Mon souffle devint haché. Nos yeux n'arrivaient plus à se détacher de chacun. Comme des aimants, nous restions là à nous dévisager, moi captivée par ces aigues-marines qui s'étaient tout à coup assombris tandis que lui m'embrassait du regard. Un léger sourire couvrit finalement ses lèvres fines. Je sentis ses aigues-marines couler sur moi, m'arrachant ma mobilité, demeurant une statue devant cette paire de yeux scrutateurs et assombris, proche à des lapis-lazulis, qui empourpra mes joues de cette couleur trahissante tandis que mon coeur martelait mes tempes, composant un maelström digne d'un orchestre d'opéra.

-"Maman, on peut jouer?"

J'entendis la voix de mon père répondre immédiatement à ma place. 

-"Il se fait tard, mes chéries,"

-"Mais, on est en vacances!" se plaignirent nos filles, en chœur.

-"Je sais, mes princesses," renchérit mon père, loin de céder à leurs caprices.

-"Aller, dis oui, papa, s'il te plait!"

Toujours troublée, alors qu'aucun son ne pût en sortir de ma bouche, mon regard vrilla vers mes filles qui supplièrent Connors du regard.

La scène se passa en ralenti sous mes yeux. Je vis mes filles grimper sur Connors, sauter sur lui alors que ce dernier toujours s'agenouillé, les chatouilla redoublant leurs rires, un sourire béant aux lèvres tandis que ses yeux bleus brillaient intensément. Si on m'avait dit un jour que cela se produirait, j'aurais sûrement rit au nez à cette personne. Toutefois, ce ne fut pas le cas aujourd'hui.

Pas après tout ce qui s'était passé.

Et entendre nos filles l'appeler papa ne pouvait que me redonner le sourire même si une épée de damoclès, nommé procès, était prêt à me frapper d'un moment à l'autre. Néanmoins, je devais me l'admettre que depuis le retour de Connors, nos quotidien avait chamboulé. Je ne pouvais pas affirmer cependant que j'étais tombée de Charybde en Scylla.

Impardonnable Tome DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant