48. Discuter, rien de plus

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-3 avril 2014-
-Trois mois plus tard-

Respire Jen.

Tu l'as déjà fait. Tu peux le refaire. Il ne va rien t'arriver. C'est bientôt fini. Ne t'inquiète pas, c'est bientôt fini...

Ces mots tournaient en boucle dans ma tête. Ils avaient tourné toute la journée, mais c'était maintenant que j'en avais le plus besoin. Je me les répétais inlassablement pour me rassurer. C'était dure, bien plus que je ne le pensais...

Les cameras étaient toutes autours de nous, scrutant nos moindres faits et gestes, attendant patiemment le coup d'envoi des producteurs. Il avait décidé de placer beaucoup de caméras car il était près de deux heures du matin et nous étions un peu fatigués. Personne n'avait envie que notre dernière scène de la journée -si ce n'est la première- s'éternise.

Les producteurs avaient décidé de nous faire faire la scène deux fois : une pour le dialogue donc les plans rapprochés pour qu'on ne voit pas la perche et une fois avec énormément de caméra seulement pour la prise de vue, donc les plans de loin en comptant les rapprocher.

Nous n'avons tourné qu'une fois pour le moment et grâce au ciel, Adam et Eddy nous ont trouvés parfait du premier coup. Tout le monde était à bout de force alors nous espérions que la deuxième partie se passerait tout aussi bien. Malheureusement, j'avais peur et je sentais que quelque chose n'allait pas aller. J'avais l'horrible pressentiment que quelque chose allait se produire, quelque chose d'imprévu et de mal.

Je ne savais pas si c'était la fatigue, le froid ou l'événement qui allait suivre qui nous rendait ainsi mais, ni lui ni moi ne parlions. Assis sur les chaises en métal, on avait tous les deux nos énormes manteaux pour nous protéger. Je ne savais absolument pas quoi faire. Je ne pouvais pas m'empêcher de le regarder quelques secondes avant de rapidement détourner les yeux, et ça depuis une bonne dizaine de minutes déjà.

Il regardait au loin, certainement quelques fans encore courageux pour nous voir à cette heure, loin dans la rue de Steveston. Il se grattait la lèvre du pouce et la lumière des projecteurs faisait grandement briller ses yeux. L'air chaud qui s'échappait de ses poumons se transformait en petit nuage de fumée blanche, ce qui donnait bien un aperçu de la température qu'il faisait, sans parler de celle entre nous.

Ça va aller... Ça va aller... Tout va bien se passer...

« En place », a crié Eddy de derrière la caméra.

Quelqu'un est venu chercher nos vestes à moi et Colin, puis on s'est mis en place à notre tour. Je me suis levée pour rejoindre l'intérieur du restaurant et je me suis placée juste derrière la porte.

Je n'ai eu que le temps de le voir s'assoir confortablement en sortant sa flasque avant que la scène ne commence. Je suis donc sortie du restaurant et je me suis assise à côté de lui, sur l'exacte même chaise sur laquelle j'étais il y avait trois secondes à peine, puis nous avons commencé notre dialogue.

J'étais hors de moi-même. J'agissais, sans même sentir mes propres mouvements, comme vide de l'intérieur, paralysé par la peur. Je récitais mes lignes si aisément que j'en oubliais presque mon rôle.

« Tout redeviendra comme avant, tu y crois ? », ai-je dis machinalement.

« Il a raison. Sinon je me souviendrai d'avoir embrassé cette fille de la taverne. »

« En quoi c'est une preuve, ça ? »

« Je sais comment tu embrasses, je ne l'aurais pas lâché. »

Ses mots se sont alignés dans mon esprit et ont fait ressortir certains souvenirs. C'est vrai, je l'avais embrassé pour le tournage, plusieurs fois, pour plusieurs scènes maintenant. Mais quelque chose avait changé depuis la première fois...

Un Flocon d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant