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Elle n'hésite pas à mettre un pied dehors. Enfin... pas vraiment.

Ce qui la fait hésiter, c'est de ne pas savoir si on l'attend au coin de la rue.

C'est presque angoissant, de se dire qu'en un mois de punition, elle remet les pieds dans la vraie vie, sans même que personne ne lui ait dit quoi que ce soit avant qu'elle ne parte, ou ne la mette en garde.

Son père avait longuement regardé Tsukishima, et avait finit par demander :

- Est-ce que c'est ce que tu veux ?

A la suite de quoi, il avait déclaré qu'il s'occupait de tout, et qu'elle ferait ce qu'il lui chante à partir de maintenant.

C'est un petit pas pour n'importe qui, et un fossé de traversé pour elle.

Elle met un pas devant l'autre, assez incertaine, et au moment de passer le coin de la rue, un visage apparait.

- J'ai cru que t'arriverais jamais, soupire l'adolescent et faisant glisser son casque de sur ses oreilles. J'allais venir te chercher.

- Et tu aurais fait quoi, rit-elle en croisant les bras. Tu aurais sonné jusqu'à ce qu'on t'ouvre, et tu aurais crié au scandale devant mon père ?

Il répond avec un sourire en coin :

- Parce que ça n'a pas bien marché, la dernière fois ?

- Si.

- Alors on y va. Avant qu'il ne lui vienne l'idée de revenir te chercher en courant.

Ils se mettent en marche, et font le trajet dans un silence relatif engoncé dans quelques regards sous-entendus, et de mimiques mémorables.

Ils s'arrêtent finalement à l'entrée du parc, interrompus dans leur tranquillité par un groupe de sauvages noirs aux allures d'enfants.

- Moi j'dis qu'y en a marre ! On va la chercher et puis c'est tout !

- Ouais, en plus, même le jouvenceau s'y met... soupire Tanaka dans un cri approximatif.

- Ouais ! Et s'ils veulent pas ouvrir, on passera par dessus le portail ! hurle Hinata.

- Je pense que ça se fait, répond Kageyama en réfléchissant.

- Tu ne leurs as pas donné d'explication pour ton absence de mercredi dernier ? murmure-t-elle à son voisin.

- Non, pourquoi j'aurais fait un truc pareil. Viens, on les contourne avant qu'ils ne nous voient.

- Pour qu'ils prennent d'assaut ma maison en mon absence ? Hors de question.

Elle fait un pas de plus et entre dans le champs de vision de Nishinoya.

Ce n'est que lorsqu'il hurle que Tsukishima relève :

- Attends, il m'a appelé le "jouvenceau" ?

- Oui.

- Et tu as compris qu'il parlait de moi ?

- Oui.

Elle échappe à son regard médusé quand une sangsue s'accroche brutalement à elle, en la faisant vaciller.

- Atsuko ! Je suis tellement contente de te voir ! Tu as eu mes gâteaux ? Je ne les ai pas faits moi-même, mais je les ai achetés dans une très bonne boulangerie !

- Si, ils étaient délicieux, merci.

- Elle n'a rien eu, répond Tsukishima d'un air profondément blasé.

Le petit groupe se fige, le regarde, et elle a le temps de lui murmurer :

- Ils n'ont même pas remarqué qu'on est arrivés en même temps ?

- Pas le temps, ils sont trop contents de te voir.

- Au fait, quand est-ce que tu es arrivé, Tsukki ?

- Bonne question, tiens, fait Atsuko en le défiant de mentir du regard.

Il hausse pourtant les épaules.

- Bah en fait, je viens d'arriver. C'est difficile de vous louper, j'ai dû repasser par chez moi. Mais au fait, c'est réglé, alors ? Tu peux revenir ?

Elle lutte contre une envie flagrante de lui répondre qu'il sait mieux que tout le monde ce qu'il en est, mais elle se contente de l'imiter en haussant les épaules :

- C'est réglé, je vais pouvoir rester.

- C'est génial !

- Fantastique !

- Je suis trop contente !

- On devrait y aller, intervient soudain Ennoshita. Le coach va nous remonter les bretelles si on arrive en retard.

- Remonter les bretelles ? demande Hinata. C'est quoi cette expression ?

La bande fait demi-tour en se battant à moitié, et Atsuko a l'impression vague de manquer quelque chose. Comme si les situations étaient jusqu'à présent trop lisses, et les personnages de sa vie aussi. Comme si le fait de ne pas les avoir vus depuis longtemps, les mettait tous en relief.

Elle se sent soudain morose.

- Hey. Ne traine pas derrière. Tu vas encore te faire suivre par des types louches.

Elle rentre la tête dans les épaules, et le rejoint.

- Tout va bien ? demande Yamaguchi quand elle arrive au même niveau qu'eux deux.

Elle hoche la tête et son téléphone vibre.

- Oui, ça va, pourquoi ?

- Pour rien.

Elle lit le message rapidement : "Je t'accompagne aussi ce soir ?".

Son angoisse passagère s'efface, et elle sourit à demi en répondant.

A sa droite, Tsukishima ne regarde pas son téléphone lorsqu'il vibre dans sa poche. Après tout, il connait déjà la réponse.

Ils suivent la troupe sans un mot, et l'ambiance s'allège à mesure qu'ils arrivent au lycée.

- Vous n'avez pas vu l'heure ?!

En dépit de leur retard, le fait qu'ils arrivent en riant, au pas, les mains dans les poches et parlant trop fort doit avoir joué en leur défaveur.

- Prévisible, marmonne Tsukishima en passant comme s'il n'était pas concerné.

Son ami le regarde faire en souriant, et Atsuko sauve le reste des meubles en se mettant en avant avec un sourire :

- Bonjour ! Désolée pour le retard ! J'ai fait attendre tout le monde !

Le professeur et le coach la dévisagent, et semblent s'adoucir.

- Sans rire ! Tu es revenue !

- Mais votre père...

- J'ai parlé avec lui, et avec un peu d'aide, j'ai pu avoir l'autorisation de revenir. Tout va bien.

Tsukishima passe la porte du vestiaire avec un temps d'hésitation.

- Elle vient de me remercier, là ?

- Alors le jouvenceau ! Content de revoir la demoiselle ?

Le cri de Tanaka le fait soupirer.

Finalement... elle n'aurait pas pu rester chez elle ?


« Cette "insignifiante fierté" qui est la mienne, vous feriez mieux de vous en souvenir. » (Tooru Oikawa)

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