Avoir la plage en étant à la capitale, c'était quelque chose qu'elle n'aurait pas pensé vrai avant de faire une recherche internet. Et maintenant, Atsuko a les deux pieds dans le sable, et est adossée à l'une des barrières, sa veste noire de Karasuno sur le dos, et sa jupe longue volant au vent.
Elle n'a pas l'uniforme depuis longtemps, seulement deux semaines. Et avant de lui donner, Hitoka avait dit :
- J'avais jamais remarqué parce que t'es toujours super bien habillée, mais t'as pas encore l'uniforme. Bienvenue au club ! avait-elle terminé en lui tendant, sorti de derrière son dos.
Et en faisant sa valise, l'adolescente ne s'était brusquement pas sentie partir sans.
Elle regarde une coureuse adolescente faire le troisième aller-retour depuis qu'elle est arrivée, et soupire. Cette fille est la seule source de distraction qu'elle peut trouver ici. Après tout, il n'est pas encore tout à fait huit heures du matin, et même si elle n'avait pas envie de se sentir oppressée par la grande ville, elle se dit qu'elle aurait peut-être dû rester au lit encore un peu, histoire de boire autre chose que le chocolat chaud pâteux qu'elle a dans le gobelet en carton qu'elle tient.
- Bonjour ?
Elle sursaute.
C'est la fille qui courrait sur la plage.
- Excuses-moi de te déranger, mais j'ai vu ta veste de loin, tu fais partie du club de volley de Karasuno ?
Atsuko la dévisage.
- Oui ? répond-elle.
L'adolescente devant elle tend la main.
- Je suis le capitaine de l'équipe de Parkour Relais. On est dans le même lycée.
Sa manière de parler lui est étrangement familière, mais l'éclat vif qu'elle a dans ses iris marron clair contrebalance totalement sa voix trainante.
Atsuko la serre.
- Je ne suis pas vraiment du lycée, dit-elle. Seulement du club.
- Je vois. C'est pour ça que t'es là en pleine semaine ?
Elle détourne le regard :
- J'avais besoin de prendre l'air.
- Je comprends.
- Et toi ?
- Mon grand-père s'est fait hospitaliser hier. On voulait aller le voir en arrivant, mais il était trop tard, plus de visites. On y va tout à l'heure.
- Oh, désolée.
- Faut pas. Il va bien. Juste une petite déshydratation, je ne m'inquiète pas. Les médecins nous ont dit au téléphone qu'il allait sortir dans moins de deux jours. Ce n'est pas très inquiétant, pas vrai ? Mais ça fait toujours plaisir de voir du monde quand on est là-bas. Personnellement, je n'aime pas les hôpitaux.
- Moi non-plus. Peu importe où on va, ça sent... l'anesthésiant?
- Et l'antiseptique, ajoute la capitaine en s'appuyant à côté d'elle.
- Tu cours vite. Tu as une bonne endurance.
- Courir me détend. Et on va bientôt avoir une compétition. Je ne peux pas être à la traine. Tu es coordonnatrice, c'est ça ?
- J'ai l'air si peu sportive ?
- Tu as surtout "club masculin", d'écrit sur ta veste.
Atsuko regarde, gênée.
- Ah... désolée.
- C'est rien. Tu as l'air d'avoir des soucis, on ne peut pas t'en vouloir d'être ailleurs.
L'adolescente tourne la tête vers elle.
- Qu'est-ce que tu ferais si tes parents n'avaient pas confiance en toi ? Et qu'ils ne voulaient pas que tu ailles quelque part, professionnellement parlant, j'entends.
La coureuse la regarde longuement, concernée, et fronce doucement les sourcils avant de répondre :
- Tu ne peux pas te permettre d'attendre que les autres aient confiance en toi. Si tu as confiance, tout ira bien. Tu n'as pas à te préoccuper de ce que pensent les autres. Tu seras sans doute blessée qu'ils ne croient pas en toi.... mais ne laisse pas ça t'atteindre plus que ça. C'est mauvais pour le moral. Et le moral, c'est la santé.
Elle marque une courte pause.
- Si tu n'as pas confiance en toi... je ne sais pas comment ça marche. Je ne crois pas que ce soit possible, si ? Dans tous les cas, quand je croise quelqu'un qui n'a pas le moral parce qu'on ne croit pas en lui... j'ai juste envie de le secouer et lui dire que s'il était utile, on le serait tous.
- Attends, quoi ? l'arrête Astuko.
Sa voisine sourit.
- Pourquoi sommes-nous nés ?
- Parce que nos parents...
- Faux. Nous sommes nés parce que les êtres vivants se reproduisent. Même si on n'en n'a pas conscience, le fait de vouloir des enfants, c'est perpétuer son espèce. On ne nait pas pour être utile. Sinon, pourquoi existent la plupart des gens ? Si tu crois que tu as besoin d'être utile, c'est que quelqu'un autour de toi prend soin de toi, et que tu lui es redevable. Ou que tu dois gagner de l'argent pour vivre. Mais tu ne fais pas la plupart des choses dans la vie pour être utile, sauf si tu aide. La plupart du temps, tu ne fais que répondre à tes besoins.
- J'ai du mal à être d'accord avec toi, commence Atsuko au bout d'un silence.
L'autre rouvre la bouche mais elle la coupe :
- Mais je comprends ton point de vue. Je pense... que la question de l'utilité se pose chez les gens qui n'ont pas confiance en eux.
- Et toi ? Tu as confiance ?
Atsuko tourne la tête vers elle.
- Peut-être ?
Parler avec cette fille étrange est simple. Très simple. Elle a l'impression de se parler à soi-même, mais physiquement. Comme si son interlocutrice pouvait être totalement empathique à ce qu'elle dit.
- Tu rêvasse au milieu d'une conversation ? la ramène-t-elle.
- Ah, désolée.
- Tu me fais penser à l'une de mes coureuses, dit-elle en se redressant, un léger sourire sur les lèvres.
Atsuko la regarde faire un pas, puis un deuxième.
- Bon, on se reverra sans doute au lycée.
L'adolescente acquiesce.
- Oui. Je te saluerais.
- Je le ferais aussi, répond la coureuse en lui faisant un signe de la main. A plus.
Elle repart en courant, et bientôt, la seule chose qu'il reste de sa présence, ce sont les traces de ses pas dans le sable.
- La confiance, hein ? marmonne Atsuko avant de terminer son gobelet. Ouais, je devrais en être capable.
Elle le jette et quitte la plage, les mains dans les poches.
Après les vingt minutes de train de ville pour rentrer chez Katsu, elle devra se mettre au travail. Après tout, si elle veut intégrer cette école sans passer par la classe préparatoire, elle va devoir mettre les bouchées doubles.
« La chance ? Non, tu es un as seulement si tu es capable de créer des miracles. » (Tsutomu Goshiki )
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Inéquation
FanfictionPasser le temps. Passer le temps en se faire des amis. C'est la mission qu'Atsuko s'est confiée cette année pour que ses parents la laissent tranquille, entre deux révisions pour intégrer ce superbe programme de mathématiques avancé. Et pour la prem...
