25e point - 2e set

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Ils prennent le bus ensemble pour rentrer chez eux, en fin d'après-midi.

Ils auront finalement passé le plus gros de leur journée chez la grand-mère de Yamaguchi, qui n'a pas eu l'air de s'en soucier. Et pour la première fois, Tsukishima propose de la raccompagner, avant même qu'ils ne se séparent du troisième adolescent.

Il tente de ne pas s'en formaliser, et elle non plus, perdue dans ses pensées depuis un moment.

Yamaguchi s'apprête à proposer de les accompagner, mais se ravise au dernier moment. Même si son ami a demandé devant lui, il ne se sent pas se s'incruster entre eux, après une journée aussi difficile pour leur camarade.

- Rentrez bien, tous les deux, se contente-t-il de dire en faisant un signe de la main.

- A demain, lui répond le plus grand.

Atsuko ne dit rien, se contentant d'hocher la tête, suivant à peine la conversation.

Ils reprennent leur marche en silence, tandis qu'il tourne à droite, et les regarde s'éloigner.

- Est-ce que ça va aller ?

Il fronce les sourcils et s'en va.

- Je ne devrais pas m'en occuper, Tsukki est sur le coup.

De leur côté, Tsukishima et Atsuko marchent sans un mot, jusqu'à ce qu'il lui attrape le bras.

Elle sursaute, et il la tire en arrière brusquement pour l'éloigner de la route.

Même si la voiture a ralentit lorsqu'elle les a vus, ce n'est pas le cas de la jeune fille qui n'avait même pas conscience de son existence.

- Désolée... marmonne-t-elle.

- Ce n'est pas ce qui va te sauver si tu te fais écraser, tu le sais, ça ?

- Oui...

Il soupire, et garde son bras dans le creux de sa main encore quelques mètres, avant de s'arrêter devant un banc.

- Assieds-toi une seconde.

Elle le fait sans trop rien dire, et il la dévisage longuement, avant de s'assoir à côté d'elle.

- Tu n'as pas froid ? demande-t-il.

- Non. On est en été.

- Tu pourrais avoir froid, rétorque-t-il.

- Je vais bien, assure-t-elle doucement.

- Non, ce n'est pas le cas. Je ne sais même pas qui tu essaye de convaincre en disant une chose pareille.

Elle tourne la tête vers lui, pâle comme un fantôme, et l'air hagard.

- Je fais ce que je peux pour n'inquiéter personne.

- Mais moi, tu es sensé me raconter les choses, parce que je ne te juge pas, tu te souviens ? Ne me ménage pas. Je sais quand ça ne va pas, de toute façon.

- Tu es en colère contre moi ? demande-t-elle doucement.

Il se fâche :

- Oui, je suis en colère contre toi ! Comment tu veux que les gens soient au courant que tu ne vas pas bien si tu leur cache ? Et puis, non, ce n'est pas de ta faute, mais ça m'énerve quand même !

- Ah.

Il se fige et se tourne lentement vers elle.

Elle semble réfléchir, tirer ses lèvres, et finalement, elle se tourne vers lui avec un sourire, le même sourire qu'elle a habituellement sur le visage.

- C'est mieux ?

Il la détaille avec effroi, et met sa propre main devant sa bouche à elle de réflexe. Il ne sait pas si c'est pour cacher ce sourire qui lui donne la nausée ou pour qu'elle se taise, mais cette main avait ce besoin urgent de la couvrir.

Atsuko fait toujours ce sourire quand elle sourit. C'est un sourire tellement identique aux autres qu'il semble naturel. Mais de la voir travailler à le faire, prouve l'inverse. Elle ne sourit jamais vraiment, en fait. C'est toujours un sourire forcé.

- Tsukishima ? demande-t-elle en remuant les lèvres contre sa paume.

Elle a les sourcils légèrement froncés, et semble perplexe.

- Tu... ne fais pas ça. Jamais. Je ne veux plus voir tes lèvres faire ça. C'est horrible.

Il ne sait pas ce qu'il lui dit, il sait seulement qu'il ouvre la bouche, et sent ses cordes vocales vibrer.

Il voit ses yeux écarquiller, se baisser, remonter jusqu'à lui, et brusquement, les larmes coulent le long de ses joues.

Cependant, elle ne pleure pas. Elle n'est pas secouée de sanglots. Elle n'a pas de mal à respirer, il sent ses profondes inspirations et expirations caresser le flanc de sa main. C'est comme quand elle avait fondu en larmes chez lui la première fois. Comme quand elle l'avait fait chez elle, et qu'il était venu la sortir de cette maison.

Ce n'est pas de la colère, ou de la honte. C'est... une forme de soulagement.

Elle attrape sa main avec la sienne, et la baisse lentement, pour lui faire un sourire plus lumineux encore.

Celui-là, c'est un vrai.

Il le sait. Elle le fait en dormant.

C'est quelque chose qu'il ne voudrait manquer pour rien au monde. Mais pourquoi ?

Elle n'ouvre pas la bouche. Elle n'essuie pas ses joues. Elle le regarde, tout simplement. Et ils restent là, un moment, attendant que l'eau cesse de couler.

Ils attendent longtemps, mais lorsqu'elle se sent enfin prête à rentrer, il se lève, et elle aussi.

Tsukishima fait un pas, et elle lui attrape la main.

Il sursaute, la regarde, et se plonge dans ce bruit intense qu'elle fait en silence. Ce bruit qui ne le dérange pas, sans pourtant jamais en faire. En fait, ce qu'il entend, c'est les battements de son propre cœur. Il s'en rend compte maintenant. Tant que le ballon ne touche pas le sol, rien n'est terminé, et en cet instant, il vient de l'empêcher de tomber.

Elle ne sourit plus.

Elle ouvre la bouche, et avant qu'il n'ai eu le temps d'avoir peur d'entendre ce qu'elle avait à dire, elle soupire :

- Merci.


« Il ne fuit jamais. Il a le caractère d'un champion. » (Ryunosuke Tanaka)


Fin du deuxième set

InéquationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant