Inéquation

1er point - 1er set

Le directeur est dans le gymnase quand les garçons arrivent en tenue de sport. L'année vient à peine de commencer, mais les nouveaux semblaient investis quelques semaines plus tôt, et ont toujours l'air de l'être. A partir de là, les anciens joueurs n'ont plus qu'à faire leur deuil du départ des terminales tranquillement.

La fin de l'année a été particulièrement difficile, et ce début le sera sûrement tout autant. Les joueurs de Karasuno ne perdent pourtant pas espoir. La base laissée par les Senpaï est solide.

Ça ne les empêche pas d'être surpris. Le directeur étant déjà passé pour souhaiter la bienvenue aux secondes, il n'a concrètement rien à faire ici. Ce qui les intrigue le plus, c'est l'air ennuyé du coach, et la nervosité de leur professeur.

- Mais qu'est ce qu'il se passe, ici ? murmure Hinata.

Kageyama secoue la tête avec humeur :

- Mais comment tu veux que je le sache ?

- Bon. Bonjour à tous, commence le petit homme en costume. Aujourd'hui, nous accueillons une élève... comment dire, plus ou moins à temps très partiel dans cette école. Elle étudiait chez elle, mais pour des raisons personnelles, il serait bon pour elle qu'elle se fasse des amis. Il semblerait que son père connaisse la mère de votre manageure...

Les regards se tournent vers Hitoka, qui écarquille les yeux, avant de fourrer le nez derrière son cahier, demandant timidement :

- Moi ?

Le directeur acquiesce.

- C'est donc dans ce club qu'elle va passer du temps à partir de maintenant.

- Excusez-moi.

L'attention du petit homme se tourne vers Tsukishima, et son sourire narquois :

- Il a payé combien pour qu'elle ne vienne qu'aux activités de club ?

Yamaguchi lui fait les gros yeux, et il est loin d'être le seul.

- Souhaitez-lui la bienvenue, et traitez-la bien, elle arrivera d'une minute à l'autre, poursuit le directeur comme si de rien n'était. Grace à elle, vous pourriez voir votre budget augmenter. Vous ne lui lancez pas de ballon au visage, vous êtes aimables avec elle... parce que si elle ne se plaît pas ici, des têtes vont tomber, marmonne-t-il pour finir.

Il s'éloigne sans attendre de réaction, et sort le pas pressé.

- Tu pourrais te tenir, quand même, le reprend Ennoshita, devenu capitaine après le départ de Sawamura.

- Ouais, franchement ! rajoute Hinata.

Le coach soupire et l'on frappe discrètement à la porte extérieure. Un visage passe par l'encadrement, et les regards se rivent sur elle.

Tanaka qui avait encore le col de Tsukishima dans les mains le lâche, et tous essayent d'adopter une attitude relativement correcte.

Mais la fille n'entre toujours pas. Elle regarde les chaussures par terre.

- Excusez-moi, il fallait une paire propre ? Je n'en n'ai pas prise.

Ils comprennent alors qu'en définitive, elle ne se cache par derrière la porte, mais reste simplement dehors.

- Bonjour. Tu peux te mettre pieds nus, ou en chaussettes, pour cette fois, tente doucement le professeur Takeda.

Elle acquiesce vigoureusement, et sa tête disparaît. Les joueurs l'attendent impatiemment, et elle met finalement un pied nu à l'intérieur, le pantalon retroussé jusqu'au milieu du tibia.

Elle est plus grande qu'Hinata, mais pas franchement plus petite que Tanaka. C'est donc une fille assez grande d'un bon mètre soixante-quinze, les cheveux noirs, et tout à fait banale. A ceci-près qu'elle a toujours les mains dans le dos, et les lèvres pincées dans un sourire nerveux.

- Excusez-moi de vous déranger, je m'appelle Atsuko Kaneko. Merci de m'accueillir.

Pour une raison qu'il ignore, le coach tend la main, comme il a l'habitude de serrer la main des fournisseurs de son magasin, et elle fait de même, sûrement par habitude.

Mais elle regarde sa main, la ramène vers elle au dernier moment et lui fait un sourire gêné.

- Désolée, c'est du cambouis... je n'ai pas trouvé d'évier pour me laver les mains en arrivant.

Elle a les manches de son gilet retroussées jusqu'aux coudes, et le noir poisseux à moitié sec s'étend au moins jusque là aussi.

- Ah...

- Je vais lui montrer ! s'écrie Nishinoya.

Il l'attrape par le bras, et elle se retrouve dehors avant d'avoir le temps de faire ouf.

- Comment tu t'es retrouvé avec du noir sur les mains ?

- J'ai aidé à réparer un moteur en chemin, c'était la première fois que je regardais un...

Elle s'arrête en cours de route et secoue la tête.

- C'était un moteur de moto, abrège-t-elle en arrivant devant l'évier.

- Tu t'intéresse aux motos ? demande-t-il en serrant les poings, ravi d'avoir une information que les autres n'ont pas encore.

Atsuko hausse les épaules, soudain moins enthousiaste.

- La mécanique en général.

Le libéro perçoit sa baisse d'entrain, et clos le sujet :

- En bref, tu en as plein les mains.

- Oui. Tu crois que tu pourrais me donner mon mouchoir dans mon sac, s'il-te-plaît ?

Il hoche vigoureusement la tête, et s'approche d'elle.

- Toute première poche, derrière mon portefeuille.

Il le trouve du premier coup, et lui tend, le mouchoir en tissu noir.

- C'est... bizarre comme couleur.

Elle secoue la tête tout en s'essuyant les mains.

- C'est celui que j'utilise quand j'ai les mains très sales. Ça évite de voir les tâches.

- Ah.

Elle le garde en main, la peau toujours humide, et demande simplement :

- C'est bon pour toi ?

- Oui, on peut y retourner, si tu as terminé.

Elle a encore la peau noirâtre, mais ça ne semble pas vouloir partir, peu importe le temps qu'elle a passé à frotter les zones déjà rouges. Le reste ne partira pas tout de suite.

« C'est parce qu'ils n'ont pas d'ailes que les gens veulent apprendre à voler.» Coach Ukaï