6e point - 3e set

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- Atsuko !

Elle allait rentrer chez elle, plus ou moins toute seule, Tsukishima passant la première soirée de leurs vacances chez Yamaguchi, quand ce dernier l'a interpelée.

Elle se retourne, pinçant les lèvres, tandis que le grand blond les regarde, de loin, et que son ami trottine vers elle pour lui parler.

- Je voulais te demander... hum... comment dire... Tsukki et toi...

L'adolescente attend patiemment la suite.

- Vous avez géré, tout à l'heure. Pour Hitoka. Des fois, je suis un peu jaloux, vous pensez à la même chose alors que j'ai du mal à le comprendre de temps à autre.

Elle sourit.

- Tu sais quoi ? De quelqu'un qui partage son cerveau à toi, il tient beaucoup à toi. Et je sais que ça ne se voit pas toujours, mais... J'ai remarqué que... les marques d'affections ne sont pas toujours où on les attend.

Il lui fait un grand sourire.

- Merci. Enfin, je ne sais pas si j'aurais pu me transformer en Wonder Woman.

Elle éclate de rire.

- Wonder Woman version papier mâché, tu veux dire, j'étais terrifiée.

- Je sais. Enfin, je sais ce que c'est, et comment on se sent. C'est pour ça que vous avez été géniaux. Passe de bonnes vacances, à la semaine prochaine pour le stage.

- Merci, toi aussi.

Elle fait un grand signe de la main à Tsukishima, qui lui répond par un sourire.

- A dans une semaine ! crie-t-elle avant de se retourner.

Elle fait le trajet jusqu'à chez elle, les mains dans les poches. La température devient de plus en plus supportable à mesure que la nuit tombe, et elle savoure ce moment, à demi aveuglée par le soleil couchant.

Oui... il y a quelques temps encore, ils rentraient quand il faisait nuit. Ce ne sera plus le cas avant un moment, visiblement.

Mais ça ne la dérange pas. Pas vraiment.  Enfin, ce n'est pas cette gêne, qui pince le cœuret vous angoisse. C'est plutôt cet instinct, qui vous murmure que quelque chose va changer, sans que vous ne sachiez quoi, exactement.

Pourtant, Atsuko a une petite idée des changements qu'il pourrait y avoir. Et elle n'est pas certaine de vouloir les regarder arriver.

Elle tape doucement le code sur le pavé numérique, et le portillon s'ouvre. Elle fait un sourire à la caméra, pour saluer le gardien de jour, qui répond par un petit clignotement lumineux.

L'adolescente dépasse volontairement le pilier de béton et de pierre qui le tien, évitant du regard la boite aux lettres. Elle le fait depuis près d'une semaine. Ses résultats prennent du retard. C'est le genre de choses qui l'angoissent plus encore.

Tsukishima est passé l'autre jour, et lui a assuré qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Si elle ne l'avait pas, il la soutiendrait pour aller dans un autre cursus, et si elle l'avait, elle pourrait entre dans celui-là sans soucis.

Seulement, ce qu'elle ne lui a pas dit, c'était où se trouvait exactement ce programme. Si elle est prise et décide d'y aller, elle devra définitivement arrêter le club l'année prochaine, et emménager avec Aki.

Bien qu'elle adorerait vivre chez Katsu. Mais bon. Chez elle n'est pas une ménagerie, et ils y vivent déjà à trois.

Katsu... Elle lui a d'ailleurs proposé de passer quelques jours chez elle. Kuroo serait absent à ce moment-là, il partirait voir sa famille, et elle pourrait passer quelques jours avec elle et Haru, comme avant, du vivant de leur grand-mère.

Atsuko défait ses chaussures.

Personne ne vient l'accueillir, et même si ça la désole un peu, elle se fait rapidement une raison. Hors de question de passer le premier jour des vacances à se morfondre, surtout qu'elle a encore cours lundi, mardi, et mercredi !

Elle passe par la salle de bain, et en ressort avec un soupir d'aise, enroulée dans la buée de condensation, avec cette impression coupable qu'elle a passé plus de temps à rêvasser et à se détendre sous le jet qu'à se laver correctement, et que ses cheveux seront peut-être à relaver le lendemain. Les jours où elle est dans les nuages, ça lui arrive.

Elle enfile son pyjama, et se laisse glisser sur son lit, les cheveux humides.

Elle en profite pour fixer son écran de téléphone résolument noir, attendant un message qui ne viendra pas, pour lui dire "bonne nuit" alors qu'il est trop tôt.

On frappe à sa porte, et elle gémit, enfouissant sa tête dans l'oreiller.

C'est Hona, qui se permet de passer la première porte, pour frapper à la deuxième.

- C'est du courrier. Pour vous.

Atsuko gémit encore, de dépit, cette fois.

- Tout va bien ? Je crois que c'est les résultats pour votre programme.

- Papa l'a ouverte ? demande-t-elle peu convaincue.

- Non, je l'ai cachée avant. Vous vous seriez mise en colère, s'il avait fait une chose pareille.

- Oh, mais il l'a déjà fait, il avait même essayé de -

- ... recoller l'enveloppe.

- Il avait voulut me faire croire que c'était l'enveloppe qui s'était ouverte toute seul et que le postier avait un tube de colle contre ce genre de situations sur lui, marmonne-t-elle en s'asseyant.

- Votre père tient vraiment à vous.

- Je sais, soupire-t-elle en prenant la lettre.

Atsuko l'examine sous toutes les coutures, et lit l'adresse de l'expéditeur. S'il y avait encore un doute possible quand la gouvernante l'avait dit, elle est à présent certaine qu'il n'y en a plus aucun.

Elle se mord la lèvre.

Et déchire doucement le papier, prenant soin de ne froisser ni l'enveloppe, ni son contenu, se résumant à plusieurs feuilles de papier.

Elle parvient finalement à les extraire de leur prison blanche, et les déplie, lentement.

Au bout d'une attente interminable, Hona finit par demander :

- Alors ?

Le visage livide, Atsuko repose la lettre sur ses genoux.


« Toutefois, si nous levons les yeux au lieu de regarder droit devant nous, nous pourrions perdre pied. » (Keishin Ukai)

InéquationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant