A sa grande surprise, le lendemain après-midi, Tsukishima est adossé au mur à l'angle de sa rue, de la musique sur les oreilles.
- Qu'est ce que tu fais là ?
- Je faisais une course. Je t'ai attendu.
Il laisse cette explication tomber bruyamment dans sa tête, comme s'il listait le contenu de la course en question, d'un ton morne. Mais cette marque d'affection soudaine la perturbe à peine qu'il s'éloigne sans l'attendre.
- Tu sais que je n'ai pas besoin de toi ? dit-elle dans un souffle.
- Oui, pourquoi ?
Il préfère regarder les gens en face, quand ils parlent. C'est cette raison qui le pousse à s'arrêter malgré tout, et à se tourner vers elle.
- Ne m'attends plus en bas de chez moi, persiffle-t-elle. T'es maso ou quoi ? Tu ne vois pas que je ne t'apprécie pas et qu'on ne s'entend pas ?
- Et t'es obligée d'être aussi désagréable ? soupire-t-il.
- Avec toi ? Oui. Tu me rends désagréable et tu sais quoi ? A chaque fois que tu ouvres la bouche, ça me rend agressive, j'y peux rien.
Elle marche vers lui et le dépasse.
- Tu es sûre que c'est à cause de moi que tu es agressive, petite pomme ? demande-t-il narquoisement dans son dos.
Elle se retourne et hurle :
- Ne m'appelles jamais comme ça ! Jamais !
Elle est dans cet état de furie complète qui n'existe que dans les livres, celui où le personnage principal se transforme en monstre ou créature mystique.
Mais Atsuko n'a aucun pouvoir de transformation, ni une once de magie dans le sang. Elle n'est qu'une adolescente en colère dans un monde aussi beau qu'injuste.
- Désolé, je ne voulais pas te fâcher à ce point, répond-il calmement.
Les observer tous les deux dans la rue, c'est comme observer une tempête. Elle est la tornade ravageuse qui passe sous lui, le nuage impassible.
Et bientôt, la pluie s'en mêle, et de nombreuses perles d'eau salée coulent le long de ses joues, avant qu'elle n'éclate en sanglots, le visage encore rouge de rage.
- Désolée. Je sais. Je sais que c'est de ma faute. Excuses-moi, je ne voulais pas crier. Mais... pourquoi une pomme ?
- Parce que ça coûte cher, et que tu as l'air en sucre. Pourquoi, tu avais autre chose en tête ?
Elle secoue la tête en se remettant à pleurer.
Il regarde autour de lui la rue déserte, gêné, et se rend compte qu'ils sont encore tout près de chez elle.
Il lui attrape alors le poignet et la tire avec lui en direction du lycée, la trainant le temps qu'elle se calme. Il ne manquerait plus que son chauffeur flippant s'en mêle, et il serait foutu.
Elle pleure encore un long moment. Assez pour qu'ils soient obligés de s'arrêter pendant la traversée du parc, pour qu'elle reprenne ses esprits.
Atsuko se laisse tomber sur le banc le plus proche, et s'essuie les yeux avec sa manche de gilet.
- Il faudrait que tu rentre chez toi, finit-il par dire.
- Hein ?
- Tu ne te sens pas bien, et tu as le visage tout rouge.
Elle s'essuie soudainement les deux yeux.
- Tout va bien. Je vais y aller. Je leur dirais la vérité, c'est tout.
Elle renifle bruyamment, et s'évertue à s'essuyer, des joues au cou, et la gorge nouée profondément.
- Tout va bien, maintenant. C'est tout bon.
- Tu ne te sens pas mieux.
- Pas encore. Mais ça va passer. Tout passe toujours, de toute manière. Je pense que ça ira. Et si je pleure encore, je finirais desséchée et puis c'est tout.
Il la regarde dubitatif, et elle plante brutalement ses yeux dans les siens. De yeux comme tous les yeux marrons, avec le même aspect larmoyant qu'après une pluie salée, ou encore la même taille que ceux de n'importe qu'elle lycéenne.
Et c'est peut-être cet air atrocement familier qui le pousse à accepter.
- D'accord, on y va alors. Mais ne dis à personne que j'ai été te chercher, hein.
Elle hoche la tête en soufflant un rire.
- Tu es trop fier, Tsukishima.
- Je sais. On y va ?
Elle se lève avec toute la force dont elle dispose, et mangue de tomber.
Il soupire, et attrape son bras jusqu'à ce que son vertige cesse.
Atsuko a sûrement un visage horrible. Elle vient de pleurer pendant une demi-heure, et c'est comme si toutes ses forces l'avaient quitté. Mais une chose certaine reste : elle a terminé de pleurer.
Ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas autant pleuré que c'est comme si ça lui avait manqué. Elle retrouve le goût mi-sucré mi-amer des larmes, l'impression que sa tête va exploser, et ce sentiment profond d'être vide. A croire qu'il fallait vider la baignoire pour reprendre une douche.
Finalement, c'est l'heure d'y aller, et elle ne tient toujours pas debout. Il la traine encore une fois.
Quand ils arrivent au gymnase, elle semble complètement vidée, marche à peine droit, et ses yeux gonflés se voient plus que sa manche de pull étirée, avec laquelle elle a essuyé le plus gros de son chagrin.
- Tout va bien ?
C'est Yamaguchi qui arrive en courant.
Gêné, le blond la lâche et elle perd l'équilibre.
- Elle s'est transformé en zombie plein de morve en cours de route, répond Tsukishima en la rattrapant au vol. C'est tout.
- Hein ?
- Laisse-la tranquille. Elle dit que c'est passé.
Son ami la regarde, puis lui, la main toujours serrée autour de son bras, et presque passé sous son épaule sans qu'elle ne semble s'en plaindre.
Il aurait pu l'aggriper par le poignet, mais en l'état, elle se serait juste vautré par terre, et se serait écorché les genoux. De quoi faire pleurer une madeleine.
- Tu as quelque chose à manger ?
- Je vais chercher ça.
- Merci.
Son seul mot enroué le cloue sur place, avant que Yamaguchi lui offre un charmant sourire.
- De rien. Je reviens vite, vas t'asseoir à l'intérieur.
Le plus grand marmonne quelque chose disant vaguement qu'il ne s'était pas transformé en escorte personnelle, et l'accompagne.
Résultat, même si Atsuko renifle encore pendant l'entraînement, elle ne pleure pas une seule fois.
« Tu as besoin d'une raison pour ne pas vouloir perdre ? » (Shoyo Hinata)
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Inéquation
FanficPasser le temps. Passer le temps en se faire des amis. C'est la mission qu'Atsuko s'est confiée cette année pour que ses parents la laissent tranquille, entre deux révisions pour intégrer ce superbe programme de mathématiques avancé. Et pour la prem...