6e point - 1er set

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Il n'y a rien de mal dans le fait d'être une fille au vingt-et-unième siècle. Strictement rien. Et pourtant, elle en vient à penser rapidement :

- Et en plus, je suis en pantalon.

Ce n'est pas ce qui empêche ce groupe de trois garçons en terminale de la regarder passer, de ricaner, et de la suivre depuis quelques mètres.

C'est samedi midi, son chauffeur n'est peut-être même pas au courant qu'elle est dans ce quartier-ci, et elle n'a personne à appeler en cas de problèmes de ce genre. Qui arriverait aussi vite ?

Une tête brune passe au loin, et un rire qu'elle connait lui donne un brin d'espoir.

- Yamaguchi.

Elle augmente la foulée de ses pas, et le rattrape. Il est avec Tsukishima et doivent retourner au lycée, c'est le match parfait pour elle.

Elle leur attrape chacun un bras en se glissant entre eux deux et sourit :

- Bonjour ! Est-ce que je peux faire au moins cinq cent mètres avec vous ?

L'immense lycéen tourne la tête pour regarder derrière eux et elle l'arrête au dernier moment :

- Ne regarde pas. S'il-te-plaît. Merci.

Il regarde à nouveau devant lui en faisant un moment comme si elle n'existait pas, jusqu'à ce qu'ils tournent au coin de la rue :

- Je ne sais vraiment pas ce qu'ils te trouvent.

- Quelque chose que tu ne trouve pas ? tente-t-elle sèchement avant de secouer la tête. De toute façon, peu importe ce qu'ils ont, j'en n'ai rien à faire.

Elle ne veut pas les lâcher, même si les garçons ne sont sûrement plus derrière elle. Et les cinq cent mètres demandés sont pourtant dépassés depuis un moment.

Mais Yamaguchi lui fait un sourire rassurant, et Tsukishima l'ignore royalement. Autant en profiter un peu.

C'est ce qu'elle se dit avant qu'il ne les fasse tous les deux tourner à l'angle d'une autre rue, qui ne mène pas au lycée.

- Qu'est-ce que tu fais ? lui demande son ami.

Il hausse les épaules :

- On peut bien la ramener chez elle, elle va rester plantée au milieu de la rue, si on la laisse en cours de route.

Le brun sourit :

- Tu as un raison, un seul malheur à la fois.

Elle les regarde tous les deux éberluée, se rendant soudainement compte qu'ils la trainent alors qu'elle avait ce rôle plusieurs minutes au paravent.

- Merci. Mais comment vous savez où j'habite ?

- On ne sait pas, répond sobrement l'adolescent à lunettes.

- Hinata nous a expliqué que tu vivais à l'autre bout du monde, et que ta maison était la plus grande du quartier. Je pense que ça nous aide à la localiser un peu, explique Yamaguchi. Tu sais comment faire pour rentrer chez toi ? A partir d'ici ?

Elle hausse les épaules.

- Attends.

Elle réfléchit longuement, et finit par dire :

- A gauche à la suivante intersection. Ensuite à droite, deux fois deux en ligne droite. Il y a même un moyen qu'on fasse le trajet en seulement vingt minutes et que vous soyez au lycée en quinze en passant par... le parc.

Atsuko ouvre de grands yeux.

- Je n'avais jamais pensé à prendre ce chemin là, d'ailleurs.

Elle leur tient le bras jusqu'à ce qu'ils mettent un pied dans sa rue. A ce moment là, elle les lâche tous les deux, et les remercies.

- Tu es sûre que ça va aller ? lui demande Yamaguchi.

Elle sourit à son tour.

- Si je me fais enlever devant mon portail, je jure de crier "à l'aide".

Il sourit à son tour.

- D'accord. A tout à l'heure alors.

- Merci de m'avoir ramenée. Je viendrais au club en voiture. Je vous déposerais en rentrant, si vous le voulez. Je crois que j'ai eu ma dose de marche pour la journée.

Elle leur fait un rapide signe de la main, et s'éloigne, son sac en bandoulière sur l'épaule.

- Tu crois qu'elle avait terminé ses courses ? demande le plus petit en la regardant partir.

- Ses courses ?

Il hausse les épaules.

- Elle n'avait pas le même sac que d'habitude. C'est tout.

Ils font demi-tour, et passent par le parc, comme elle l'avait dit un peu plus tôt. Ils gagnent effectivement un temps certain. Ils évitent la course de justesse pour arriver à l'heure, et passent la porte du gymnase trois heures plus tard avec pour Yamaguchi un immense sourire, et pour Tsukishima, l'air le plus blasé du siècle.

- Hey ! Vous êtes en avance, vous aussi, leur sourit Atsuko tout en tirant le filet.

- Attends, je vais t'aider à mettre les poteaux, avant d'aller me changer, lui dit-il avec un sourire.

Le lycéen à lunettes le regarde faire, silencieux, avant de se décider à aider pour le deuxième.

- Décidément ! On dirait que ça va bien plus vite à plusieurs ! sourit-elle doucement. Merci, vous m'aidez vraiment beaucoup, aujourd'hui.

Tsukishima s'éloigne sans demander son reste et Yamaguchi l'observe faire.

- Désolé. Il est un peu brut de décofrage.

- Ne t'en fais pas. Il n'est pas méchant, j'en suis consciente.

- T'es bien la seule ! ricane Tanaka en entrant dans le gymnase. T'es pas encore changé, Yamaguchi ?

- Il m'a aidée à mettre les poteaux avec Tsukishima. Ils sont un peu en retard à cause de moi.

- Ne t'en fais pas, dit le capitaine en faisant son entrée, ils ne sont pas en retard. Merci pour le coup de main. C'est assez agréable de pouvoir jouer plus rapidement.

Elle hoche lentement la tête.

- De rien. Merci de m'avoir pris avec vous.

- Tu parles d'un effort, lâche Kageyama en passant la porte à son tour.

- Hé ! Tu pourrais être un peu plus sympa ! le reprend Hinata.

Hitoka intervient pour dissiper le malentendu :

- Non, attends, c'est une expression que je lui ai apprise dans la semaine ! Ce n'était pas méchant, ça veut dire que ce n'est pas quelque chose qui demande beaucoup d'effort. Ce qu'il voulait dire, c'était que ce n'était pas un effort de l'avoir avec nous, explique-t-elle fièrement. C'est génial que tu t'en souviennes ! lui dit-elle ensuite.

Les joueurs entrent à leur tour en les regardant faire, un sourire sur les lèvres.

Et puis finalement, le professeur Takeda arrive essoufflé, mais d'un air joyeux qui ne veut dire qu'une seule chose :

- Vous avez un match amical avec Nekoma dans deux semaines !


« Bonjour, je suis le joueur ordinaire. » (Kei Tsukishima)

InéquationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant