3e point - 1er set

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- Tu rentres à pieds ?

Atsuko regarde les autres partir avec un air de chien battu. Pas parce qu'elle a trouvé sa journée trop longue, ou trop courte. Ni parce qu'elle n'a pas envie de rentrer chez elle. Elle passe trois heures en dehors de chez elle par jour et pour ce club, c'est déjà bien suffisant.

Non, ce n'est pas le problème.

Le problème, c'est qu'elle n'a plus de pages dans son cahier de recherche, qu'elle vient tout juste de s'en souvenir, et que la papeterie est déjà fermée à cette heure là.

- Oui. Enfin, non, j'attends qu'on vienne me chercher.

- Bah tu ne vas pas attendre toute seule, on va rester avec toi ! sourit Hinata.

Kageyama râle tout de suite :

- Ne décide pas à la place des autres !

- Mais c'est vrai, quoi ! On ne laisse pas une fille qui ne sait pas se débrouiller toute seule dehors !

Atsuko soupire. "qui ne sait pas se débrouiller". Elle ne le connait pas depuis longtemps, mais elle commence à se faire à ses remarques assez radicales et brutales, par dessus le marché. Alors elle ne s'en formalise pas trop. Pas tant parce que ça ne l'a pas blessée, mais surtout parce que ce n'est pas vrai.

Si elle n'habitait pas à une demi-heure à pieds de là, elle rentrerait sans soucis. Mais il fait froid, et sombre. Elle n'a pas vraiment envie de faire le trajet toute seule non-plus. Mais il faut savoir qu'elle sait le faire, aller en ville toute seule. Elle sait prendre le train, et le bus. Tout comme elle sait passer une commande en magasin, ou aller boire un café ou manger dans un restaurent. Elle n'est pas empotée, seulement solitaire et un brin casanière. Mais à qui la faute ? Quand on n'apprend pas à son enfant à avoir l'habitude d'être dehors ou d'avoir des amis, on ne peut pas s'en plaindre après !

Atsuko baisse les manches de son maillot et de son gilet, et zippe la fermeture vers le haut.

- Vous n'êtes pas obligés de rester. Mon chauffeur va bientôt arriver. Mais si vous voulez, on peut vous déposer quelque part.

Ça aussi, elle le sait. Quand les gens de son âge connaissent sa situation, ils ont tendance à vouloir en profiter, même s'ils ne le montrent pas toujours.

Mais Hinata secoue la tête.

- Non merci, ça va, ne t'en fais pas ! Je rentre en vélo de toute façon, tu ne vas pas mettre un vélo dans une voiture, ça ne sert à rien.

- Dis plutôt que tu es un sadique et que tu aimes pédaler dans le noir, rétorque son immense voisin aux cheveux noirs.

- Et toi, tu habites loin ? lui demande-t-elle.

Il secoue la tête.

- A peine dix minutes à pieds. Le nain m'accompagnera, t'inquiète.

- Hé ! Tu pourrais me demander mon avis avant !

- Parce que tu me demande le mien, peut-être ?

Une voiture blanche s'approche, et s'arrête à leur niveau. Atsuko se penche pour attraper son sac, et dit :

- C'est pour moi. A demain. Merci d'être restés.

- Pas de soucis.

- Ouais ! A demain ! sourit le numéro 10.

L'adolescente monte dans la voiture, et les deux coéquipiers poursuivent leur chamaillerie, prêts à en découdre sérieusement.

- Tout va bien, avec ces deux là ? demande le vieil homme une fois qu'elle est à l'intérieur.

Le chauffeur de sa famille, monsieur Midoyama, est assez rentre-dedans. Si elle avait un problème quelconque avec qui que ce soit en voulant à son intégrité physique, elle pourrait compter sur ce vieillard ancien yakuza pour prendre soin d'elle, elle n'en doute pas une seconde : ce n'est pas parce que le serpent est immobile qu'il n'est pas dangereux.

- Non, ils sont comme ça tout le temps. Ne vous en faites pas.

- Tout le temps ? demande-t-il.

Elle acquiesce dans son rétroviseur central, et il démarre la voiture, une fois qu'elle est attachée.

- Je croyais que votre père t'avait inscrite dans le club de volley féminin...?

- Ne vous en faites pas. C'est très sympa.

C'est à son tour de hocher la tête. Il a beau être employé par son père, et payé par lui, la petite maîtresse de la maison peut elle aussi compter sur le personnel qui l'a vu grandir. Si elle dit que tout va bien, et qu'elle semble aller bien, pour le moment du moins, il se rangera à sa demande.

Ils roulent quelques minutes, et elle lui demande de ralentir lorsqu'ils passent près d'un duo de deux adolescents. A l'uniforme, monsieur Midoyama devine tout de suite de quel lycée : Karasuno.

Atsuko baisse sa vitre.

- Est-ce que vous voulez qu'on vous dépose ? demande-t-elle.

Yamaguchi écarquille les yeux, tandis que Tsukichima secoue la tête sans s'arrêter, le regard vissé sur son trottoir, droit devant lui.

- Non merci, ça ira.

Gêné, le plus petit se range à l'avis de son ami en se passant une main derrière la tête, passant sur sa bosse encore douloureuse.

- Non merci, c'est gentil de proposer, mais nous ne sommes plus très loin. On se voit demain après-midi, dit-il avec un peu plus d'explications.

Elle sourit doucement à son tour, remonte sa vitre, et la voiture repart.

- Qu'est-ce que tu as contre elle, Tsukki ? Elle est gentille. Et elle aide.

- Elle ne le fait pas parce qu'elle en a envie, elle le fait parce qu'elle a du temps à tuer.

- Tu faisais la même chose l'année dernière, lui rappelle son ami. Tu ne venais pas au club parce que tu en avais envie.

- Je sais, grogne-t-il. Mais je ne la supporte pas. Elle est naïve. Sérieusement, qui invite des gens qu'elle ne connait pas à monter dans sa voiture ?

- Elle ne l'a peut-être pas fait par naïveté, mais parce qu'elle nous a vu, et qu'elle a pensé qu'il serai impoli de ne pas nous le proposer. Imagine qu'elle ne se soit pas arrêtée. Demain, on la voit descendre de la même voiture, et on lui fait la remarque qu'elle nous a ignoré dans la rue.

Le grand blond secoue les épaules dans un haussement approximatif.

- Il faudrait en avoir quelque chose à faire, qu'elle ne s'arrête pas.

Yamaguchi sourit vaguement.

- Tu dis ça parce que tu es contrarié d'avoir laissé passer ces sept balles sur quinze, tout à l'heure, hein ?

- Je ne suis pas contrarié ! Et de toute façon, je ne pouvais pas les avoir, grommelle-t-il ensuite.

Son camarade lève les yeux au ciel, amusé.

- Tu es vraiment de mauvaise foi, quand tu le veux !


« Le fait qu'il soit différent des autres personnes finira probablement par être sa force. » (Utsui Takashi)

InéquationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant