20e point - 1er set

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Atsuko se rend compte qu'au fond de son sac, il y a cette petite pomme qui à un moment donné, avait sûrement été jaune, mais maintenant est bleue. Elle sourit doucement, se souvenant des petites pommes bleues que son père avait l'habitude de glisser dans le fond de son sac.

- Dépêche toi, tu vas être en retard.

Sa fille de huit ans le regarde, les sourcils froncés.

- Quoi ? demande t-il

- On ne dit pas dépêche-toi, on dit s'il te plaît.

Il glisse son sac à dos sur ses épaules, en souriant :

- Oui ma petite pomme.

Elle croise les bras, d'un air faussement agacé, d'un air en fait très bien fait pour son âge.

- Je suis trop grande, pour être une petite pomme. Ne m'appelle pas comme ça s'il te plaît.

Il rit.

- Oui mademoiselle.

Il regarde partir Atsuko, et bien plus loin, il entend ses amis demander :

- « Petite pomme » ?

- Oui, c'est le surnom que mon papa me donne.

Sa copine ouvre de grands yeux, et demande ensuite :

- Moi aussi je peux t'appeler comme ça ? « Ringo-chan » ?

Atsuko sourit de toutes ses dents.

- Avec plaisir !

A cette époque-là, elle allait encore à l'école. Et ça l'amusait, d'aller apprendre de nouvelles choses. Elle n'avait pas de vrais amis sur qui compter, mais plus ou moins comme tous les enfants de cet âge-là : c'est assez courant de changer d'amis plusieurs fois par mois, et elle ne savait pas encore à quel point les enfants peuvent être cruels les uns envers les autres.

Elle sourit amèrement en croquant dans sa pomme bleue.

Enfant, elle avait vaguement décidé qu'il était hors de question qu'elle mange des fruits ou légumes qui ne serait pas bleus. Pourquoi ? Parce qu'en dépit de ces cinq ans et demis, Atsuko savait déjà que les fruits et légumes bleus n'existaient pas. Son père avait alors eu l'idée d'essayer de tremper des pommes jaune pâle dans du colorant. Depuis, il lui glisse régulièrement dans son sac des pommes bleues.

- Ta pomme... commence Hitoka, pourquoi elle est bleue ?

L'adolescente hausse les épaules, avant de répondre ironiquement :

- Parce que mon père est un enfant.

La petite blonde ne pose pas plus de question, et la laisse tranquille.

Hitoka s'assoit à côté d'elle, l'air terriblement serein.

Atsuko tourne vers elle un regard nostalgique, tout en frôlant l'eau de la rivière avec ses pieds nus.

- À quoi tu penses ? demande finalement la petite blonde.

Elle sourit.

- Si ma sœur avait été avec nous, je me rends compte qu'elle aurait tout de suite su comment retrouver son chemin. Peut-être même qu'on ne se serait pas perdus. Elle aurait fait un truc dingue, comme regarder le soleil, mime-t-elle en levant la tête les yeux mi-clos, et aurait trouvé sa position exacte par rapport à nous. Elle aurait ensuite c-

Elle s'arrête net et rouvre les yeux.

- Elle aurait quoi ? demande Hitoka qui l'avait imité.

L'absence de réponse lui fait tourner la tête vers elle, et le visage interdit d'Atsuko la fige.

Tsukishima les regardait de loin depuis un moment. Et il s'apprêtait à faire une remarque quand Atsuko ouvre en grand la bouche.

- Bon sang Hitoka ! commence-t-elle avec humeur, comment as-tu pu me laisser être aussi stupide ? Tu as toujours ton stylo avec toi ? dit-elle ensuite avec plus de douceur.

La petite blonde lui tend sans savoir quoi répondre à quoi, et Atsuko tourne à nouveau son visage vers le soleil, puis autour d'elle, pour trouver une ombre verticale exploitable.

Elle la trouve plus rapidement qu'elle le croyait et se plante dessus, se remettant face au soleil, avant de regarder où est son ombre à elle.

De là, son cerveau retrouve une mécanique apprise par coeur, et qui lui semble d'une limpidité effarante.

- Si je fais ça comme ça... marmonne-t-elle, je pourrais faire ça comme ça... et utiliser tout simplement Pythagore pour ça...

Finalement, elle se rassoit, pour écrire ligne après ligne, des calculs qu'elle effectue brièvement de tête.
Les autres s'approchent peu à peu d'elle, après l'avoir vu s'affairer dans son coin comme une folle.

- Qu'est-ce qu'elle fait ? demande le capitaine.

- Je ne sais pas, répond Hitoka. Enfin, je ne crois pas savoir.

Au bout d'une dizaine de minutes, Atsuko se lève droite comme un « I », et lance en tendant le doigt :

- C'est par là !

Ils la dévisagent et pendant une seconde, elle pense qu'ils vont dire quelque chose, avant que Kageyama n'intervienne :

- Bon, dit-il en haussant les épaules, alors on y va.

Il est bientôt rejoint par Hinata, puis Nishinoya, Tanaka, et le reste de la clique suit. Seul Tsukishima est toujours à côté d'elle quand elle tourne la tête vers lui, et il hausse les épaules.

- Bah quoi ? T'es pas sûre de ta direction ?

Elle le dévisage.

- Et c'est tout ?

- Euh... oui ? Pourquoi ?

Elle ne sait pas du tout quoi répondre à ça.

En fait, personne ne saurait quoi penser dans cette situation. A moins de normaliser la chose.

Au bout d'une autre heure de marche, le club finit par retrouver le chemin. Ils sautent de joie, crient, se jette à nouveau dans la boue, pendant que la seule adolescente présente ne faisant pas partie de leur lycée les suit, livide et coite.

Ils ne lui ont pas posé de questions.

Ils ne lui ont pas fait de remarques.

Et ils ne se sont pas moqués d'elle.

Et ça, pour elle, ce n'est pas une attitude normale.

Ils ont simplement fait comme si rien ne c'était passé.

Une courte angoisse lui noue la gorge, avant qu'Hitoka ne lui attrape le bras, s'accrochant à elle, pour marcher d'un air joyeux :

- Je crois que je ne me plaindrais plus jamais des mathématiques !

Devant eux, Hinata se retourne pour rajouter avec un grand sourire :

- Moi non plus !

Kageyama hoche la tête à son tour et deux heures plus tard, ils sont finalement sortis de la forêt.

« Une défense sans trous n'existe pas. » (Ushijima Wakatoshi)


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