15e point - 2e set

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Derrière elle, la porte du portail est savamment coincée par son sac de sport.

- A demain, lui sourit-elle.

- A demain, Atsuko.

Elle fait demi-tour en trottinant, et rentre définitivement chez elle.

Résigné, il remet son casque et reprend sa route à lui, s'éloignant de chez elle.

En rentrant, Atsuko monte tout de suite prendre une douche. Ne serait-ce qu'au nombre de sueurs froides qu'elle a eu pendant le match, elle mérite bien d'aller sous la douche de longues minutes.

Elle soupire en se déshabillant, allumant le chauffage au préalable, et en profitant pour attacher ses cheveux, pour ne pas les mouiller.

Elle attend quelques minutes, avec encore son t-shirt et ses sous-vêtements sur le dos, referme le couvercle des toilettes pour s'installer dessus, téléphone en main, et genoux remonté contre sa poitrine.

Quand le radiateur dégage assez de chaleur pour qu'elle ne frissonne plus, et que le long message qu'elle a écris à Kastu est envoyé, elle achève de se déshabiller, et fait couler l'eau.

Atsuko se glisse en dessous, frigorifiée par le début du jet, qui chauffe petit à petit.

Un autre soupir franchir la barrière de ses lèvres.

Ces derniers temps, elle a l'impression de tourner en rond, comme un lion en cage, regardant encore et encore ses camarades jouer ces matchs atrocement insipides, et mourir de fatigue à la fin. Elle a aussi l'impression que les entraînements passent par des phases cycliques, qui se défont à peine, au fil des jours.

Encore le lendemain, elle doit dévier sa tête de la trajectoire de l'une des balles de Tanaka, avec une nonchalance qui effraie Hitoka :

- Mais tu es sûre que ça va ? demande-t-elle paniquée tandis que l'adolescente marque l'énième raté sur sa feuille.

- La bande est toujours à cinq mètre de moi, dit-elle au joueur en guise de réponse à son amie.

- Désolé, Atsuko, soupire-t-il en se grattant l'arrière du crâne dans un tic nerveux.

- Tout va bien, il n'y a pas mort d'homme.

- Faites une pause, tout le monde ! en profite pour dire le coach.

Les joueurs laissent échapper quelques exclamations marmonnées, et Hitoka penche la tête sur le côté.

- Je ne comprends pas qu'il n'arrive pas à frapper...

Ce n'est effectivement pas la première fois de l'entraînement que Tanaka échoue, et l'adolescente demande soudain :

- Tu as déjà fait du volley, Hitoka ?

- Oui... Enfin... pour le cours de sport...

- Tu dirais que tu as quel niveau ? demande-t-elle de plus belle en posant ce qu'elle a dans les mains, prenant ce que la lycéenne porte également pour tout poser à côté des siennes.

- Je ne sais pas... je ne suis pas douée...

- Pour savoir ce qui pêche, dans le jeu de quelqu'un, il faut une chose, qui est : soit la connaissance parfaite de la situation ou du sport observé ainsi que de la personne interagissant dans cette situation, soit l'expérience personnelle de cette situation observée, ou alors avoir la capacité de calculer et de comprendre la situation dans son ensemble, sur le tas.

Atstuko attrape un ballon avec son pied, et se le lance entre ses mains, tout en poursuivant son discours :

- As-tu l'une de ses formes de connaissances ?

- Non.

- Alors prenons la plus simple. Mets-toi en position de manchette. Je vais te la lancer doucement.

Elle se met en position de passe, et lui passe la balle qu'elle renvoie difficilement en manchette.

- Okay, répond Astuko en rattrapant le ballon. Plisse les genoux, baisse les hanche, lâche tes épaules, et tend tes pouces, ils sont tous recroquevillés sur eux-mêmes.

Elle tente de s'exécuter.

- Tu vas te mettre à réfléchir. Pour rester dans la même position. Tu vas te crisper parce que tu n'es pas capable de penser à ta position et de penser à rattraper la balle. C'est normal. Détends-toi.

Elle la lance une seconde fois, et Hitoka manque le ballon.

- Désolée.

- Tu sais pourquoi tu n'as pas réussi à le faire ?

La petite blonde secoue la tête, les joues rouges de gêne.

- Regarde derrière toi, lui dit-elle avec un mouvement en menton.

Elle se retourne et regarde l'ensemble des garçons qui les regardaient faire depuis tout à l'heure.

Hinata a rattrapé le ballon, et l'a calé sous son bras.

- Ce qui fait que tu n'as pas réussi est un ensemble de choses. Ce sont les grandes inconnues de ton équations : tu ne sais pas si tu en es capable, on te regarde faire, tu espères faire mieux, tu n'as pas confiance en toi, tu ne veux pas échouer, ce genre de choses. Une fois que tu as connaissance de tout ça, tu te détends. Le problème t'es familier, tu sais que tu l'as déjà résolu par le passé. Alors tu peux dire à Tanaka de se mettre en position, et lui lancer la balle. Il sait ce qui ne va pas. Il se corrigera tout seul. Parce que ce n'est ni un problème technique, ni un problème physique.

Le lycéen se met en place avec un sourire, et elle lance la balle qu'elle a ramassé entre deux.

Il saute, la frappe, elle reste dans le terrain adverse.

La passe qu'elle a faite était sûrement la cloche la plus simple du monde. Mais elle était lente, bien placée, et Tanaka a pu prendre son temps.

Il serre le poing avec un rire satisfait, qu'Atsuko regarde, les mains sur les hanches, plus satisfaite que lui.

Les autres applaudissent, intrigués par son tour de force et admiratifs de son efficacité.

Elle dit à Hitoka fièrement, le sourire aux lèvres :

- Tu vois, les mathématiques, c'est simple, il suffit de bien compter !


« Il n'y a aucune garantie que l'arme qui a fonctionné en premier continuera à fonctionner jusqu'à la fin. Je dois continuer de progresser. Je dois continuer à avancer. Ma plus grande arme est de ne pas me faire prendre ! » (Shoyo Hinata)

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