3e point - 3e set

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- Bonjour.

Il la regarde, distrait, et retire son casque.

- Bonjour.

Ils sortent ensemble depuis trois jours, maintenant. Mais c'est la première fois qu'ils "sortent ensemble", littéralement. Puisque la fuite de Tsukishima au petit matin n'était pas vraiment un moment de sortie.

Là, pourtant, ils vont au club.

Elle a remis une jupe, et il ne peut s'empêcher de demander :

- Tu as acheté de nouveaux vêtements ?

Atsuko serre la lanière de son sac, nerveuse.

- Non, pourquoi ?

- Tu mets des robes et des jupes, en ce moment.

- Oh... j'en ai envie, c'est tout.

- D'accord.

Un silence flotte.

- Tu veux qu'on se tienne la main ?

Elle sursaute.

Elle a soigneusement évité de regarder quoi que ce soit qui pourrait le faire interpréter ce genre d'envie.

- Jusqu'au lycée ? demande-t-elle perturbée.

- Pas si t'en n'as pas envie.

L'adolescente regarde la main qu'il vient de sortir de sa poche, et ils s'arrêtent une seconde.

- Hum...

Elle glisse la sienne à l'intérieur, et il frissonne. Sa main est gelée, alors que c'est l'été.

- Pas besoin d'être nerveuse comme ça, lui dit-il un brin railleur. Si tu ne veux pas faire quelque chose, dis-le, c'est tout.

- Mais c'est  juste que c'est bizarre ! La dernière fois que j'ai tenu la main à quelqu'un, ça fait plusieurs années !

Il hausse les épaules, baisse leur main comme pour reprendre la marche et les regarde avec insistance.

- Ouais, tu as raison, ça fait bizarre.

- Ah ! s'exclame-t-elle. Merci !

- Je pense que c'est un coup à prendre.

Atsuko acquiesce, du même avis.

- Mais du coup, on ne tiens pas la main au lycée, t'inquiète, ajoute-t-il alors qu'ils se remettent à marcher. Au moins le temps de s'habituer.

Au bout de quelques mètres, elle tente de changer sa main de position.

- Désolé, je serre trop fort ?

Ils s'arrêtent à nouveau dix mètres plus loin.

- Mais c'est impossible, ce truc ! s'énerve-t-elle.

Ils tentent à nouveau de changer de position, Tsukishima tout aussi contrarié qu'elle.

- J'y crois pas, c'est si compliqué de se tenir la main ?

Peu importe ce qu'ils essaient, le fait qu'il soit plus grand qu'elle fait qu'il lui serre la main trop fort sans s'en rendre compte, qu'ils emmêlent leurs doigts, qu'elle doit lever la main...

Ils finissent par laisser tomber pour le moment, se décidant tout de même à arriver à l'heure à l'entraînement.

Ils retentent l'expérience le soir, sans succès. La seule chose qui semble bien se passer, c'est le "Bonne nuit !" qu'ils se lancent avant de se séparer, chacun exaspéré de sa propre performance.

Astuko s'empresse de téléphoner à Katsu, et lui fait rapidement un topo de la situation.

- Hum... je pense que c'est parce que vous essayez de bien le faire. Il n'y a pas vraiment de bonne façon de faire. Peut-être aussi que ce n'est pas votre truc, et que tu lui tiendras le bras, ou ce genre de choses. Quand on sort avec quelqu'un, on n'est pas obligé de lui tenir la main, dit-elle sérieusement.

Cet instant s'arrête pour qu'elle demande, conspiratrice :

- Et alors, vous vous êtes embrassés ?

Elle secoue la tête !

- Non ! Enfin, il m'a embrassée sur la joue. Une fois. Mais c'est tellement perturbant ! Je n'ai pas l'habitude de toucher les gens, je ne suis pas tactile. Mais je crois que lui non plus. Et en plus, les trucs que je trouve sur internet n'aident pas.

- Oublie internet ! Faites comme vous le voulez ! Et c'est important pour la suite, mais selon ce qu'il te dit, ne te fâche pas contre lui, c'est contre-productif.

- Dans quel cas ?

- Quand il te parle de ce qu'il veut. Et dis-lui quand tu ne veux pas quelque chose, c'est important. Et dis-lui aussi si tu as envie de quelque chose.

Astuko récite d'un air lasse :

- La base d'un couple, c'est la communication.

- Non, tu peux lui cacher tout ce que tu veux, répond tout de suite Katsu. Tant que ça ne concerne pas votre relation.

- Ah... ?

- Testuroo croit que je suis encore à la fac. Je suis dans un bar. J'avais envie d'être tranquille, un peu. Quand ton couple fonctionne bien, tu peux te permettre ce genre de choses. Parce que s'il s'en rend compte, il se dira que j'en avais besoin, et c'est tout. Tu vois ce que je veux dire ?

- Quelque chose ne va pas ? Tu veux que je te rappelle plus tard ?

Son interlocutrice rit de l'autre côté du combiner.

- Du tout ! Ne t'en fais pas. Je suis juste allée boire un verre. En plus, c'est une bière, et j'en prendrais qu'une. Je serais rentrée d'ici une heure. Ne t'en fais pas. Tu ne me dérange jamais. Je serais toujours là pour toi.

- Tu m'aides, tu m'aides, mais je ne fais jamais rien pour toi.

- Ce n'est pas vrai. Quand j'ai besoin de penser à autre chose, tu appelles, ou tu m'envoie un message. Quand je passe du temps avec toi, je me rends compte que je ne suis pas toute seule dans ma galère, et que je peux tout te raconter. Et même si en ce moment on ne se voit pas beaucoup, ce n'est pas grave. Tu m'aideras le moment venu, on le sait toutes les deux et c'est ce qui fait que nous sommes amies. Tu peux compter sur moi. C'est tout.

Katsu lui semble... pas maussade, mais vidée. Elle a beaucoup de travail, en ce moment, Atsuko en a conscience. Elle élève son petit frère, paye sa propre maison, leur école à tous les deux, dirige son club de journalisme, écrit ses romans pour payer les factures... trouve le temps de passer un coup de fil entre deux cours, et le tout en essayant de ne pas rester debout trop longtemps, pour pouvoir rentrer chez elle à la fin de la journée.

Avec des journées aussi remplies que les siennes, elle aussi serait vannée.

- M'enfin ! Tu me tiens au courant, hein... je veux savoir pour ce baiser...

Astuko lève machinalement les yeux au ciel, et son téléphone vibre. Elle a reçu un message.

- Je te laisse, dit Katsu avec entrain en entendant la notification. Je suis sûre que c'est ton prince charmant.

- Mais pourquoi tout le monde me dit ça ?

Elle rit :

- Parce que c'est vrai ! Bonne soirée, Atsuko.

Elle sourit à son tour :

- Bonne soirée.

Elle raccroche et lit le SMS qu'elle vient de recevoir.

"Je pense que j'ai trouvé comment faire, je te montrerais, la prochaine fois."

Elle sourit.

Prince, non, mais charmant... pourquoi pas !


« Tu peux voler encore plus haut. » (Tobio Kageyama)

InéquationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant