11e point - 2e set

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- Haru ?

Elle l'aura trouvé plus facilement que prévu, finalement. L'idée de retourner à l'intérieur tout de suite ne l'enchante pas, mais elle veux savoir si ses amis ont réussi à garder le cap.

Atsuko est encore légèrement nauséeuse, mais habituée, elle se force à marcher droit, et à se concentrer sur autre chose que le malaise léger qu'elle est en train de faire. De toute façon, d'ici quelques minutes, les bouffées de chaleur vont s'estomper, et elle aura à nouveau l'impression de marcher sur le sol, et non sur des œufs en mouvement.

Le garçon se tourne vers elle, ses lunettes éhontément posées sur le sommet de son crâne, et le visage lumineux.

- Atsuko ! Si j'avais su que tu  étais dans les parages, je serais venu te saluer plus tôt.

- Vous n'avez pas école ?

- Katsu appelle ça "l'école buissonnière".

L'adolescente rit doucement.

- Oui, ça lui ressemble bien, mais ça va aller pour vous ? Je veux dire... vous êtes assez bons pour louper une journée ?

- Ne t'en fais pas. Taeki sait faire tout ce que je ne sais pas faire, et inversement. C'est peut-être pour ça d'ailleurs qu'on est toujours aussi mauvais, rit-il ensuite.

La remarque arrache un sourire à son ami qui restait discret jusque là.

- Taeki, je te présente Atsuko. C'est une bonne amie de ma soeur. Atsuko, je te présente Teaki. C'est un peu comme mon guide, dans la vie.

Ils rient à la plaisanterie, et il explique plus sérieusement :

- C'est mon ami qui est venu à Tokyo avec nous pour ses études. Sa mère est plus rassurée de le laisser y aller en sachant que je suis dans les parages, et Katsu est plus sereine quand il n'est pas loin. On va dire que c'est un bon arrangement.

- Surtout que d'après ta soeur, vous êtes naturellement toujours fourrés ensembles, tous les deux... Au fait, elle vous cherche, tous les deux.

- Ah ! Oups, c'est de ma faute, je suis sensé regarder l'heure, je suis désolé, s'excuse l'ami.

Il est cinq centimètres plus petit qu'Haru, et a ces dents déjà bien droites sans appareil dentaire qui font défaut à l'autre, qui a les lignes métalliques dans la bouche depuis six mois maintenant. Ils semblent se compléter dans les deux sens. Ce que l'un n'a pas est à l'autre, et ainsi de suite. Les deux collégiens sont tout de même très mignons, pour des garçons de leurs âges.

- On te suit, dit théâtralement Haru.

Elle sourit.

- Bien, monsieur !

Haru attrape joyeusement le bras de son ami, remet ses lunettes, et sort sa cane pliable de sa ceinture.

Ils partent sans un mot de plus, et arpentent les couloirs.

Finalement, Atsuko s'est perdue. Et il n'y a pas de quoi en rire, parce qu'elle ne capte pas dans le bâtiment, et ne voit pas à qui demander son chemin puisque les couloirs sont déserts.

Mais c'était sans compter Haru et son radar, qui se retourne soudain avec l'expression solaire d'un sourire plus que lumineux.

- Elle n'est pas encore là, l'informe Taeki dans un air de monotonie.

Quelques secondes plus tard, le visage de la grande sœur apparait à l'angle du mur.

- C'est incroyable, soupire Atsuko dans un souffle. Il ne se trompe jamais.

Le jeune garçon est déjà en route pour rejoindre sa sœur aînée, et son ami répond à l'adolescente :

- Non, il ne se trompe jamais. Et parfois, il sent sa présence cinq minutes avant qu'elle n'apparaisse. C'est fou.

Elle s'avance avec lui vers la fratrie, et Katsu demande, l'air inquiet :

- Tu vas bien ?

Atsuko hausse les sourcils.

- Oui, pourquoi ?

- Parce qu'on t'a pas mal charriée tout à l'heure. Je ne voudrais pas t'avoir blessée.

La plus jeune secoue la tête, soudain préoccupée par l'état de son équipe.

- Non, tout va bien, ne t'en fais pas. J'ai pu prendre l'air...

- Et on a eu le temps de se perdre, ajoute Haru dans un sourire.

- Et on a eu le temps de se perdre, répète-t-elle avec un soupir. Mais comment se passe le match ?

Plutôt que de lui répondre, son amie lui fait signe de la suivre, et ils retrouvent le chemin en moins de deux. A croire qu'ils étaient passés devant la même porte encore et encore, alors que cette même porte était celle à franchir pour apparaitre dans les gradins.

- Regarde ça.

Karasuno est remonté au score pour ce deuxième set, mais après avoir lourdement perdu le premier, elle n'a pas la moindre idée de la tête qu'aura le troisième, s'ils parviennent à rester en tête.

Les points montent à vingt-sept, vingt-huit... Ils ne sont jamais qu'à un point les uns des autres, et les joueurs n'ont plus l'air de vouloir lâcher quoi que ce soit. L'amas mou de lycéens qu'ils formaient avant qu'elle ne parte à la recherche d'Haru s'est à nouveau métamorphosé en une fière équipe de corbeaux fabuleux.

Un rire retenti à côté d'eux, et elle se tourne vaguement vers le frère de son amie pour le voir raconter une blague aux allures hilarantes qui fait rire Kuroo. Ce garçon de nature tellement joyeuse quand il est avec les autres, n'était pas comme ça, d'après Katsu, avant l'accident. Il était bien plus calme. Et elle... comment était-elle ?

La pensée s'échappe de son cerveau aussi vite qu'elle était arrivée.

Karasuno vient de marquer le deuxième point qui les sépare de leur adversaire.

Elle soupire de soulagement.

- Tout n'est pas perdu, après tout.

Le match va se poursuivre encore sur un set.

Les garçons semblent plutôt joyeux, mais gardent leur gaieté pour plus tard. Pour le moment, ils ont encore un ennemi à abattre.


« Si tu veux frapper, frappe jusqu'à ce que ça se brise. » (Toru Oikawa)

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