Inéquation

17e point - 1er set

Il vient presque tous les mercredis, la chercher pour le club. Une heure de latence entre son dernier cours et l'entraînement semble s'être libérer, et il a apparemment besoin de "tuer le temps".

Sa mère et sa soeur sont retournées à leurs activités respectives plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru, mais au moins, elle a la paix.

- Je peux inviter une amie à la maison, demain ? demande-t-elle à son père en entrant dans son bureau.

Travailler à la maison au lieux du siège de son entreprise lui coûte beaucoup, mais il estime nécessaire d'être là pour sa fille. Quel genre de personne laisserait son enfant seule à la maison pour la protéger ? Ou avec du personnel ? Même si ça a beau être presque de la famille, ce n'est pas pareil. Aussi, la voir débarquer de cette manière le conforte dans l'idée que c'était une bonne décision. Elle peut le voir, et même s'il travaille de la même manière sans être sur son dos, ces moments les ont rapprochés. Il a l'impression qu'elle compte sur lui.

Alors quand elle lui parle d'amie pour la première fois en trois ans, il saute presque de joie.

- Bien sûr ! Qui tu veux inviter ?

- Hitoka.

- Oh d'accord. Si tu as d'autres amies au club, tu peux les inviter aussi, tu sais ?

- Oui, mais non merci. Juste Hitoka.

Il sourit.

- D'accord, juste Hitoka.

Elle sourit.

- J'y vais !

Atsuko sort de chez elle plus vite qu'elle n'est entrée dans le bureau de son père, et retrouve son camarade, au coin de sa rue, casque vissé sur les oreilles. Il se met en marche quand elle le dépasse, et elle ne s'arrête pas pour lui dire bonjour.

Le silence est assez naturel, et elle enfile une paire d'écouteurs, elle aussi.

Le trajet se passe comme ça depuis trois semaines, maintenant.

Une quasi éternité pour un adolescent. C'est donc ce qu'elle appelle communément une "habitude", maintenant.

Ils arrivent au gymnase tout aussi silencieux, et une voix - Hinata au hasard- se met à hurler.

- Sérieusement ?! Mais c'est génial !!

Kageyama entre dans la grande salle en hochant fièrement la tête, et Atsuko se tourne vers eux.

- Qu'est-ce-qui est génial ?

Les deux garçons se tendent, et Hinata bafouille :

- Ah... tu es déjà là... encore...

- Comme tous les jours, idiot, répond laconiquement Tsukishima en entrant à son tour, passé par le vestiaire en cours de route.

- Franchement, Hinata, rit Yamaguchi juste derrière.

Le petit rouquin rougit, et Kageyama tente de noyer le poisson :

- C'est rien, il est encore surprit par mon génie, c'est tout.

- Génie, hien ! ricane Tanaka en passant à la porte à son tour. Tu es loin d'être un génie ailleurs qu'au volley, tu le sais ?

- Tu parles de leurs mauvaises notes ? demande Atsuko d'un air désinvolte.

La pique est rude, et les deux joueurs semblent vouloir disparaitre dans le parquet.

- Ne vous en faites pas, chacun son domaine, leur dit-elle avec un clin d'œil.

Combien de temps a-t-elle réellement passé avec eux pour être aussi familière ? Elle a perdu le compte. Elle ne sait même plus quand elle est arrivée.

- Bonjour tout le monde !

Hitoka arrive, lumineusement... lumineuse, et Atsuko lui sourit, et répond en même temps que tout le monde "Bonjour !".

- Comment tu vas ? lui demande-t-elle juste après.

L'adolescente détourne brièvement les yeux avant de répondre :

- Pas besoin de me demander à chaque fois, tu sais ? J'ai déjà dit que ça allait mieux la dernière fois.

- Moui, mais "mieux", ce n'est pas "bien".

- Alors je dirais "bien", la prochaine fois ! rit Atstuko.

Hitoka se renfrogne un peu, se promettant de ne pas la croire, et finalement, elle demande :

- Au fait, c'est bon pour ce soir ?

- Oui, y a pas de soucis. On peut aller chez moi pour réviser. C'est le concours pour ton école, c'est ça ?

- Pour la classe préparatoire, en fait. C'était la seule qui le proposait en cours supplémentaires, donc je l'ai choisi. Je ne voulais pas prendre le risque de devoir partir un an trop tôt, dit-elle en désignant le reste du groupe.

Celui-ci ne les regarde pas, occupés à installer le terrain et à commencer à jouer avec les ballons d'une manière qui ne correspond pas du tout à leur utilisation normale.

- Quand vous aurez terminé de jouer à la balle, on pourra peut-être se concentrer sur ce qui arrive bientôt, non ? retentit la voix du coach.

- Surtout que c'est important, sourit le professeur Takeda à côté de lui.

- Très, sourit à son tour le capitaine. Dites, vous savez quand on sera dans deux semaines ?

C'est Atsuko qui répond hésitante :

- Ce n'est pas la première compétition de volley ?

- Si, c'est l'Interhigh, répond Takeda à deux doigts de sauter d'impatience. Et bon, la dernière fois, on n'avait pas encore le coach, mais cette fois-ci, ça ira sûrement mieux !

- Mieux... répète lentement Nishinoya avec amertume.

Mieux sans ses compagnons de l'année dernière, ce n'est pas "mieux". C'est "différent". Un point c'est tout. Il a presque envie de rectifier le tir, mais se tait, le visage obstinément fixé sur les ballons à côté d'eux.

Atsuko remarque la brève agitation chez les premières, incertaines de ce qu'il adviendra d'eux sans les terminales de l'an dernier, alors que les terminales actuelles tentent simplement de ne pas grimacer, du mieux qu'ils le peuvent.

- Tout va bien ? demande-t-elle à Yamaguchi, le plus proche d'elle.

- Ouais... ouais, tout va bien, répond-il vaguement sans la regarder.

Même Hitoka s'est tendue.

Avec les résultats qu'ils ont, elle s'étonne qu'ils soient aussi inquiets, surtout qu'elle a fait les statistiques sur les derniers matchs de leurs adversaires et franchement, ils n'ont pas trop d'inquiétude à avoir...

- Heu...

Elle n'a pas le temps de parler que le coach reprend :

- Ce n'est pas pareil que l'année dernière, puisque vos aînés sont partis, il va falloir repenser votre jeu, et restructurer l'équipe. Contre Nekoma, c'était pas mal, mais ça aurait pu être mieux. C'est bien de jouer contre eux avant les Inter-lycées, ils font ressortir tous vos plus gros défauts.

Atsuko pince les lèvres.

- Super. Même moi, je m'étais rendue compte que leur défense était un gruyère à l'arrière.

- C'est parti ! termine-t-il en frappant des mains.

« Mon arme, c'est la stabilité. » (Koushi Sugawara)