Inéquation

12e point - 2e set

L'équipe patauge un peu dans la semoule depuis plusieurs minutes. Hinata et Kageyama se sont déjà télescopés une fois, Nishinoya s'est envoyé un ballon dans le visage, et Tsukishima a atterri sur les pieds de Yamaguchi par un ordre des choses assez improbable.

Le tout en dix minutes, et dix-sept points gagnés par l'adversaire, dont sept par fautes de Karasuno.

- Ah !!

Hinata sort quelques minutes pour se calmer, et regarde le massacre de l'extérieur.

- Comment on peut jouer aussi mal ? se lamente-t-il en s'asseyant par terre.

Ses coéquipiers le regardent d'un air inquiet. Lui qui est toujours debout à sauter dans tous les sens d'excitation s'est littéralement assit sur son enthousiasme.

De son côté, Hitoka panique complètement. Si bien que le Coach lui demande aimablement d'aller prendre l'air.

- Ils sont terriblement indisciplinés aujourd'hui, commente un adolescent dans les gradins.

- Tu crois que c'est à cause des interventions des autres tout à l'heure ? demande son voisin.

- Tu plaisante ? Avant ça, ils dormaient debout !

En passant la porte, Hitoka rentre dans une personne, ou plutôt dans une poitrine, et avant même de partir en arrière avec le rebond du choc, elle est rattrapée par...

- Atsuko !

- Tout va bien ? Tu as l'air d'être au bord de l'anoxie.

- De quoi ? demande-t-elle surprise en se remettant sur pieds.

- C'est quand tu n'as plus d'oxygène dans le sang. C'était pour te changer les idées. Ce n'est pas vraiment possible de faire l'anoxie si on ne fait pas de crise cardiaque, alors...

- Ah... C'était une blague.

- C'est ça.

- C'était peut-être un peu trop recherché pour moi.

- Désolée.

Elles se regardent un temps, avant de rire doucement.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Tu es en train de louper le match, dit la petite blonde.

- Je venais te voir. Tu avais l'air de faire une petite crise d'angoisse.

- Une crise d'angoisse ? Non ! C'est juste la crise, qui m'angoisse, tout va bien !

Mais Hitoka est tellement fébrile qu'elle tient à peine sur ses deux jambes. Son amie doit la tenir par le coude pour l'emmener s'asseoir.

- Je n'en n'aurais pas vu grand chose, de ce match, finalement, soupire Atsuko.

- Ah, oui, tu es partie, déjà tout à l'heure.

- Ne t'en fais pas. J'avais besoin de reprendre l'air. Comment sont les joueurs, en bas ? Ils ont l'air assez perturbés.

Hitoka s'apprêtait à répondre quand la réponse fait un détour dans son esprit :

- Tu es vraiment amoureuse de quelqu'un  de l'équipe ?

- Quoi ?! croasse-t-elle en écarquillant les yeux. Non, dit-elle en secouant la tête, les joues un peu rouges. J'ai juste une petite préférence, mais notre relation est strictement amicale, pourquoi ?

- Oh, pour rien. Comme ils font tous des erreurs bêtes...

- Tu crois que c'est à cause de moi ? demande-t-elle inquiète.

- Oui, répond-elle tout de suite. Enfin, non... pas comme ça... Mais, c'est qui ?

- Demande, soupire-t-elle, tu verras bien. Mais qu'est-ce que tu veux dire par "erreurs bêtes" ? Ils se sont bousculés une ou deux fois, mais... ça n'est jamais arrivé l'année dernière, alors c'est vraiment anormal. Je veux dire... sur une aussi longue période de jeu ensemble.

- Je comprends. Comment va le pied de Yamaguchi ?

- Les deux, gémit Hitoka en enfonçant son visage entre ses mains, les coudes posés sur les genoux. Il a marché sur les deux...

- Ah... mais il va bien ?

- Oui, il aura peut-être juste des bleu. Il peut encore marcher, mais il aurait vraiment pu se faire mal. Hinata s'est pris le coude de Kageyama quand ils se sont rentrés dedans, il a l'œil un peu enflé, je pense que ça finira en coquard.

- Comment il va faire, si ça enfle trop ?

Cette fois, la jeune fille ne semble pas inquiète.

- Il fermera les yeux. Ne t'en fais pas. Ils savent jouer comme ça. Ils le faisaient au départ. Hinata n'arrivait pas frapper les balles de Kageyama en les regardant. Il fermait les yeux, et Kageyama lui envoyait la balle dans le creux de la main.

- Incroyable.

- Oui, pas vrai ? dit-elle fière d'eux. C'était très drôle de voir les réactions de ses adversaires. Ils ont beaucoup travaillé pour en arriver là.

- Je me doute.

- Tu sais, c'est un peu la même chose pour Nishinoya, même si je n'ai pas vu l'évolution moi-même. Il s'est beaucoup entraîné pour rattraper toutes les balles. Et Yamaguchi s'est acharné sur les services flottants pour être le plus utile possible. Même Tsukishima a travaillé dur. Au départ, il était persuadé que ce n'était qu'une activité de club, et puis un jour, il a rencontré Bokuto et Kuroo. Ils lui ont appris quelques trucs. Et plus tard, quand il a contré un joueur que personne n'avait jamais contré...

- Il a adoré ça, sourit Atsuko. C'est bien son genre de ne se rendre compte que les choses sont bien qu'après l'avoir expérimenté. C'est une joyeuse bande de têtes de mules. Aucun d'entre eux ne serait arrivé là s'il avait abandonné. Alors dis-moi, de quoi tu as peur ?

Hitoka sourit.

Atsuko a raison. Ce n'est pas encore les matchs pour aller au national. S'ils perdent là, ce n'est pas si grave. Même s'ils n'ont pas encore affronté Dateko...

- Tu devrais y retourner. Tu es un peu ce qui les calme. Dis-leur de ma part que c'est mieux quand ils bougent. Mais qu'ils ne doivent pas oublier qu'ils ont de très bonnes statistiques. Ah ! Et dis à Tsukishima que leur ailier droit marque toujours à...

Elle lui explique rapidement quelques phrases statistiques.

- Avec ça, ils devraient avoir moins de mal, sourit-elle narquoisement.

Hitoka acquiesce.

- Tu veux qu'il le provoque avec ses chiffres.

- Il est le meilleur pour ça. Et ne t'en fais pas. Les autres suivront quand il aura bien enfoncé le clou.

La petite manageuse sourit en se levant.

- Je me sens mieux, merci.

- Il n'y a pas de quoi. On est amies, non ? C'est toi qui a dit qu'on devait se rendre service.

Elles se font un signe de la main, et elle se lève à son tour.

- Allez, le résultat ne doit pas être si catastrophique...

« Même si nous ne sommes pas convaincus que nous allons gagner, même si les autres nous disent que nous avons aucune chance, nous ne devons jamais nous le dire.  » (Daichi Sawamura)