ENEMY

Chapitre 7.

Ce soir-là, les enfants tinrent conseil dans le patio. Avec le temps, ils avaient aménagé l'endroit du mieux possible, ajoutant à ce qui s'y trouvait déjà divers éléments chapardés dans les immeubles voisins. Il y avait des plantes en pot, des meubles de jardin pour s'asseoir, des tables ainsi que deux gros barbecue sur lesquels ils faisaient l'essentiel de leur cuisine.
Quelques lampes à énergie solaire et des bougies dans des verres assuraient l'éclairage. Ils avaient en outre allumé un feu dans le tambour de machine à laver que Atsumu et Osamu avaient converti en brasero.

Natsu, la petite sœur de Shōyō, sanglotait en silence. Kiyoko la tenait par l'épaule pour la réconforter, mais la plupart des autres l'ignoraient. Ils avaient déjà tous perdu quelqu'un et ils ne tenaient pas à revivre ces mauvais souvenirs.
Yukie faisait ce qu'elle pouvait pour ne pas croiser regard de la petite, pour ne pas compatir à sa douleur. Et s'il n'y avait eu qu'elle...Mais il y avait également Hajime, retiré dans un coin sombre avec son propre chagrin. Il n'avait pas décroché un mot depuis qu'ils étaient rentrés.

- Comme vous le savez tous, déclara Daichi, nous avons perdu deux des nôtres aujourd'hui. La situation empire de jour en jour. Je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir tenir ici.

Un concert de protestations chagrines lui répondit aussitôt.

- Mais... Où on va aller... ? demanda un petit.

- On est a l'abris ici, répondit un autre.

- Dehors c'est l'enfer, ajouta un troisième.

- Tu verras, on va s'en sortir. On trouvera de quoi manger...

- Oui, et Daichi tuera tous les adultes !

- Non ! S'insurgea ce dernier d'une voix cassée.

Ce fut comme un électrochoc. L'assistance se mura dans le silence. On n'avait jamais vu le chef s'énerver comme ça.

- Non. C'est impossible ! Y en a trop. Jamais je ne pourrais les tuer tous. On ne peut pas continuer ainsi. Nos forces s'épuisent chaque jour un peu plus.

Un lourd silence s'installa. Les petits avaient l'air terrorisé. Ils n'étaient pas de taille à affronter la réalité d'une situation qu'ils avaient occultée jusque-là.
Un grand blondinet, Tsukishima Kei, fut le premier à rompre le silence.

- Écoute, Daichi, pour l'instant, tout se passe bien ici. On ne crève pas de faim ni rien. Aujourd'hui, tu nous as même ramené un chien.

- Et après ? Répondit ce dernier d'un ton amer. Combien de temps croyez-vous qu'on pourra tenir comme ça, à manger des chiens, en attendant que les adultes nous enlèvent un par un jusqu'au dernier ? Hein ? Combien de temps ? On est tombés sur Kuroo et les Morrisons tout à l'heure. Et ils sont du même avis. Les croulants sont de plus en plus mauvais. Ils nous harcèlent. Ils nous tuent a petit feu.

Daishō se leva et s'avança dans le halo vacillant du brasero.

- Daichi, tu fais peur aux petits. On sait que la journée a été dure, que tu as été blessé, qu'on a perdu Tooru et tout ça. Effectivement, y'a de quoi être en colère, tout le monde peut le comprendre, mais... c'est pas une raison pour en rajouter, d'accord ?

- Tu as raison. Pardon, répondit Sawamura en essuyant les gouttes de sueur qui perlaient à son front.

Suguru resta debout.

- Je peux dire autre chose ?

Daichi acquiesça en silence.

- Partir d'ici serait la dernière chose à faire.

- T'as pas entendu ce que je viens de dire ?

- Au contraire, j'ai très bien entendu, poursuivi Suguru. Mais, ici, c'est chez nous. On a eu la poisse aujourd'hui. Ça arrive. A l'avenir, il faut simplement qu'on soit plus prudents. En attendant, c'est nous qui avons sécurisé cet endroit, qui l'avons fortifié. On apprend tous les jours. On a survécu jusque-là, pourquoi ça ne continuerait pas ? J'ai passé presque toute la journée sur le toit, je vois ce qui se passe autour et, crois-moi, ce n'est pas beau. Pas beau du tout...

Comme pour illustré son propos, un gros bruit résonna dans la rue en contrebas, suivi d'un cri affreux. C'est alors que, penché par-dessus la rambarde du nid d'aigle, Tanaka hurla :

- Y a kekchose en bas !