Chapitre 63.

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  Au même moment, de l'autre côté de la ville, du haut des remparts de la Tour, Hinata contemplait la houle qui roulait paresseusement à la surface de la rivière, large ruban d'argent scintillant au clair de lune. Son niveau avait monté d'un mètre ou deux depuis le désastre, rendant à la Tour son aspect d'il y a plusieurs siècles, avec sa ceinture de douves remplies d'eau. Hinata avait l'impression de vivre une folle aventure médiévale.
  Lorsqu'ils étaient arrivés, Tobio et lui avaient pris un repas chaud, étanché leur soif d'eau claire et dormi dans des lits douillets. Hinata avait encore du mal à y croire. Pourtant, c'était bien la réalité. Ils vivaient dans un château, à l'abri de tous les dangers qui rôdaient dans Tokyo.
  Le menton posé sur le bras, Kageyama se tenait à son côté, au sommet des créneaux.

- À quoi tu penses ? demanda Hinata.

- Au fromage.

- Au fromage ?

- Avant, je raffolait du fromage. Malheureusement, j'en ai pas mangé depuis un bail. Du bon fromage. Fromage, fromage, fromage... Au fait, t'as vu ? En bas ?

- Quoi ?

- Ils ont une vache tout ce qu'il y a de plus bovine. Une tondeuse à gazon qui meugle et qui fait des bouses.

- Ah oui, je l'ai vue. Ils ont aussi des poules, des cochons et une chèvre.

- Logiquement, si y a une vache, y a du lait, non ? Et qui dit lait, dit éventuellement fromage.

- Ça se pourrait, répondit Shōyō d'un ton évasif.

  Il ne voulait pas désespérer Tobio, mais il était quasi certain qu'il fallait un taureau si on voulait qu'une vache fasse du lait, même si l'articulation générale du processus lui échappait.
  Mais, bon, qui sait ? Si ça se trouve, ils avaient aussi un taureau ?

- Et toi, Babybel ? demanda Kageyama. À quoi tu pensais, tout seul sur ton rempart, si tu pensais pas au fromage ?

- À ma petite sœur. Natsu.

- Tu crois qu'elle va bien ?

- J'espère qu'elle est quelque part, qu'elle a réussi à rejoindre le palais et que l'on s'occupe aussi bien d'elle là-bas que de nous ici. J'veux dire, si moi, Hinata Shōyō, j'ai réussi à traverser Tokyo tout seul...

- Hé ! Je compte pour des prunes ou quoi ?

- Tu vois bien ce que je veux dire. Si deux bambins comme nous ont survécu, raison de plus pour que Natsu, avec tous ces grands - Bo', Iwaizumi, Tanaka, Daichi et les autres -, y arrive aussi.

- Je suis sûr qu'elle est guez, dit Tobio.

- Euh... ça veut dire bien ?

- Top moumoute.

- T'es vraiment bizarre, tu sais ?

- Pas bizarre, différent, nuança Tobio. Mon grand-père disait toujours que j'étais moitié génial, moitié débile et moitié maboul.

- Ça fait trois moitiés, ça.

- Différent, je te dis...

- Une fois qu'on aura repris des forces, tu viendras avec moi ?

- Où ça ? Au palace ?

- Oui. Retrouver Natsu.

- Bien sûr que je viendrai, répondit Tobio en passant un bras autour des épaules de Shōyō. Ça sera une nouvelle aventure du duo infernal. On écrira des livres sur nous. Tu verras ce que je te dis. Des romans-fleuve. Rien ne nous séparera, microbe. On est une team. Comme Batman et Robin des bois.

  Hinata se blottit dans cette étreinte chaleureuse, avec un sentiment de paix qu'il n'avait pas ressenti depuis bien longtemps.

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