Chapitre 29.

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  Hinata n'aurait su dire depuis combien de temps le type le trimballait dans le dédale de tunnels. Car il s'agissait bien d'un homme. De cela, au moins, il était sûr - même si celui-ci était bien différent de tous ceux qu'il avait pu croiser depuis le désastre. Il était rasé de près et, bien qu'il ne fut pas noir, de longues dreadlocks à la propriété douteuse pendouillaient sur ses épaules. Sous un épais pardessus, il portait un jean et un pull tricoté main qui baillait aux manches.
  Et il ne puait pas.
  Autre incongruité, il avait une lampe torche. Pas une petite loupiote à poussoir comme en possédaient les gamins. Non, un gros machin à piles d'où jaillissait un large pinceau de lumière qui crevait la nuit sur plusieurs dizaines de mètres.

  Juste avant de partir, il avait demandé à Shōyō comment il s'appelait. Et s'il était seul. Après quoi il n'avait plus décroché un mot.
  Hinata n'en était pas revenu. D'où il parlait çui-là ? Quand tous les autres adultes, le cerveau rongé par le miasme, étaient incapables d'aligner deux syllabes à la suite, lui, non seulement il articulait parfaitement, mais, en plus, il se servait d'outils et d'armes. Comment il avait fait pour échapper à l'épidémie ? Et puis, qu'est-ce qu'il trafiquait là-dessous ? Où l'emmenait-il ?

  Autant de questions qui tournaient dans la tête de Shōyō, mais l'homme qui avançait d'un pas rapide et décidé dans les galeries ne paraissait pas disposé à y apporter de réponses. Au moins donnait-il l'impression de savoir où il allait.
  Jusqu'ici, ils avaient passé deux stations, sans qu'à aucun moment le type, tenant toujours aussi fermement le petit sous son bras, ne montre le moindre signe de fatigue. Hinata commençait à avoir mal partout.

- Ça va, finit-il par protester, craignant que ses dents ne se déchaussent à être ainsi ballotté. Je peux marcher, vous savez. Pas la peine de me porter !

- Plus rapide comme ça. D'façon, on y est presque.

- Presque où ?

- Tu verras, répondit l'homme dont la voix se perdit dans le tempo de ses pieds martelant les flaques, de plus en plus profondes depuis qu'ils avaient quitter la dernière station.

Ils abordèrent bientôt une portion où l'eau lui montait jusqu'à la taille. Plus loin, le fond remontait un peu. Malgré tout, quand ils parvinrent à la station suivante, les rails disparaissaient encore sous trente centimètres d'eau. Moorgate. Ça aurait pu être Pékin que ça ne lui en aurait pas dit davantage.
Enfin, le type s'arrêta et assit Hinata sur la bordure du quai. Sûrement pour se reposer un peu.

- Avant, y avait des pompes, dit-il après un silence.

Surpris de s'entendre ainsi adresser la parole, Hinata mit un instant à réagir.

- Quoi ?

- Des pompes, répéta le type.

Il n'avait pas l'accent du pays. Non, ses intonations douces trahissaient plutôt quelqu'un d'étranger, sans que Shōyō parvienne à savoir l'origine.

- Tous les tunnels étaient équipés de pompes, reprit le bonhomme. Ceux du métro comme ceux des égouts. Pour drainer l'eau. Mais, maintenant qu'y a plus personne pour les entretenir, elle se répand partout. Moi, ce que j'en dis, c'est que toute la ville va finir sous la flotte.

- Où m'emmenez-vous ?

- Tu verras, répondit l'homme en esquissant un sourire.

Et puis il attrapa le gamin et redémarra.
Ce n'était pas loin jusqu'à la station suivante. Mais c'était déjà trop pour Hinata, qui en avait plus qu'assez d'être ainsi trimballé comme un vulgaire sac de patates. Contre toute attente, lorsqu'ils arrivèrent en bordure du quai, le type le déposa sur la plate-forme et grimpa à sa suite.

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