Chapitre 27.

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  Les mômes se réveillèrent aux premières lueurs du jour. Enfin, pour ceux qui avaient fermé l'œil, car la plupart d'entre eux étaient restés étendus dans l'herbe ou assis en petits groupes, collés les uns contre les autres, trop effrayés pour dormir. Ils avaient passé la nuit dans un square clos par une grille au bout de la place Portland. Le jardin était semi-circulaire et entouré de rues, tel un rond-point géant coupé en deux. Il y avait de l'herbe, des buissons et des grands arbres, mais rien ne pouvait approcher sans être vu de loin, sans compter que l'endroit était clos d'une grille en fer forgé hérissée de pointes de lance. Trop terrorisés, fatigués et abattus pour continuer leur périple après la débâcle du parc, les gamins y avaient vu un bon endroit pour passer le reste de la nuit. Qui pouvait dire quelles horreurs les attendaient encore, tapies dans l'obscurité ? Aussi avaient-ils escaladé la grille, allumé un feu et posté des sentinelles sur les toits des petites baraques, sortes d'abris de jardin améliorés, qui s'élevaient à chaque angle.
  C'était ce qu'ils pouvaient faire de mieux. Par chance, le reste de la nuit fut calme. Maintenant, le soleil se levait, embrasant le ciel d'une lueur violacée, qui virait rapidement au gris rosé. Bientôt, il serait d'un bleu éclatant. Une belle journée s'annonçait. Les gamins s'étirèrent, bâillèrent et se serrèrent mutuellement dans les bras, trop contents d'être encore en vie.

  Yukie avait assuré le premier quart. Quand Keiji était venu la relever, elle s'était pelotonnée dans son sac de couchage, sous un buisson, et avait immédiatement sombré dans un profond sommeil sans rêves, presque un coma.
  Résultat, au réveil, elle eut le plus grand mal à retrouver ses esprits. Luttant contre la léthargie qui l'envahissait, elle se hissa sur les coudes et s'assit, tous les muscles ankylosés. Passant une main dans ses cheveux, elle essaya machinalement de défaire quelques nœuds. Peine perdue. Elle avala une grande bouffée d'air pur. Ça faisait partie des petits plaisirs de la vie post-catastrophe : plus une voiture pour cracher ses gaz d'échappement dans les rues, plus d'usines pour polluer l'atmosphère. Tokyo n'avait pas dû sentir aussi bon depuis au moins deux siècles.

  Assis à côté du feu mourant, elle vit Kuroo qui discutait tranquillement avec Satori. Elle se leva et alla les rejoindre en se frottant les yeux.

- 'Jour.

- Bonjour, dit Tendō. T'as pu dormir ?

- On dirait, maugréa Yukie.

- Tant mieux. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui ça devrait être plus facile.

  Yukie balaya du regard la foule de gamins éparpillés un peu partout dans le parc.

- Bon, va falloir s'organiser.

  Suite au chaos de la nuit, une cohue indescriptible s'était emparée des troupes, qui avaient investi le square dans le plus grand désordre. Yukie ne savait même pas combien de gamins ils avaient perdus en route.

- Kenma a fait l'appel des nôtres, dit Kuroo.

- Ok, répondit Yukie, je vais aller trouver Ryû pour voir ce que ça donne de notre côté. Je suis sûr qu'il a déjà fait les comptes. C'est toujours lui qui se lève en premier.

- Yukie...

  Elle se retourna et croisa le regard de Kuroo. Il voulait dire quelque chose, les yeux pas encore en face des trous, elle refusait de chercher quoi.

- Oui ?

- Tanaka n'est plus là.

- Comment ça, Tanaka n'est plus là ? Qu'est-ce que tu racontes ?

- Il était en train d'aider des petits quand quatre singes l'ont attaqué. Il est tombé les armes à la main. C'était un type courageux. Il n'avait peur de rien.

ENEMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant