Yukie flippa carrément en voyant ces foutus mannequins. Il faut dire qu'elle était à cran. Garder le contrôle des troupes à l'intérieur du magasin constituait un sacré défi. On avait dit de rester groupés, bon sang ! Tu parles. Dès que la patrouille d'éclaireurs était revenue de sa ronde en prétendant que la voie était libre, tout le monde s'était éparpillé là-dedans comme une volée de moineaux. Mais, elle, elle était inquiète. Les événements de ces deux derniers jours n'avaient rien pour la rassurer. Avec une telle piqûre de rappel, elle n'était pas près d'oublier la leçon : se méfier de tout. Partout. Tout le temps. Parce que c'est toujours au moment où on baisse la garde que...
À l'étage du dessous, la razzia sur le rayon homme s'était faire sans histoire. En revanche, dès qu'ils étaient arrivés au rayon femme, un vent de folie s'était emparé des filles. Kuroo avait raison. Rien de tel qu'un peu de shopping pour remonter le moral des troupes. En attendant, il suffirait qu'ils soient attaqués maintenant, en état de faiblesse, pour que tout le monde ravale à jamais ses cris d'allégresse. Et, au bout du compte, c'est elle qu'on tiendrait pour responsable. Car c'était sous son commandement que le groupe s'était introduit dans le magasin.
La plupart des articles avaient beau être trop grands pour eux, les marmots prenaient tout ce qu'ils pouvaient, à tour de bras, avidement. À chaque nouveau stand, l'excitation montait d'un cran. De son côté, Yukie essayait de garder la tête froide - ce qui ne l'empêchait pas de faire discrètement la liste des habits qu'elle aurait bien aimé porter. Au moins les garçons s'étaient-ils calmés. Vu que les fringues de filles ne les intéressaient pas, ils avançaient en regardant autour d'eux. Le problème, c'est qu'ils n'arrêtaient pas de se cacher derrière les présentoirs et les comptoirs pour se changer à l'abri des regards et abandonner leurs vieilles frusques. Donc, comme couverture, on faisait mieux.
Yukie dénicha un joli haut et un pantalon qui semblaient à sa taille. Elle fourra le tout dans son sac à dos. Elle se changerait plus tard, quand elle s'était certaine d'être hors de danger. Pour l'heure, elle était bien trop nerveuse pour un essayage. L'idée de tomber dans une embuscade alors qu'elle était à moitié nue lui fit froid dans le dos. Elle s'imagina poursuivie dans les allées avec son pantalon sur les genoux.
C'est alors qu'un blouson de cuir lui tapa dans l'œil. Comme aimantée, elle s'avança et regarda l'étiquette. Belstaff. Du costaud. Bien fini. Avec de nombreuses poches qui pouvaient se révéler utiles. Et puis, en cas de coup dur, ça lui apporterait une certaine protection. Autant d'arguments qui, au fond, ne servaient qu'à masquer une réalité beaucoup plus basique : elle le trouvait super. Après l'avoir enfilé, elle se regarda dans un miroir brisé. Difficile de juger dans la pénombre. Un petit peu grand, peut-être ? Mais, a priori, c'était pas mal.- Super ! résonna une voix dans son dos. Il ressemble beaucoup au mien.
Yukie fit volte-face. Kita était là, son arc à la main.
- Tu crois que c'est pour ça que je le prends ? Pour te ressembler ?
- C'est pas ce que je voulais dire. Simplement, je le trouve très beau.
- Et qu'est-ce que tu veux que ça me fasse, que tu aimes ou non ?
- Pas la peine de s'énerver. Je disais ça comme ça.
- Tu crois que je ne vois pas clair dans ton petit jeu ? Tu veux te racheter, c'est tout. Tu nous caresses dans le sens du poil pour qu'on devienne tes amis. Mais pas la peine d'y compter, Kita. On ne sera jamais tes amis, ok ? Pas après ce que tu as fait.
- Je sais ce que tu ressens, Yukie.
- Ça, ça m'étonnerait.
- Bon, oublie. Je suis désolé.
- Tu te prend pour qui, hein ? Avec ton arc et tes flèches là ? Eh bien, tu vois, pour moi, t'es rien. Que dalle ! Parce que la seule personne que t'as jamais tuée avec ton truc, c'est Daichi. Alors, ouais. Bravo ! Bien joué !
- Écoute, Yukie, répondit Shinsuke d'une voix tremblante, comme si il allait soudain se mettre à pleurer, je sais qu'il y a très peu de chances qu'on devienne les meilleurs amis du monde. Mais il va falloir faire avec, et trouver un moyen de ne pas s'embrouiller à tout bout de champ.
- Ah bon ? Et pourquoi ça ? Tu m'expliques ? De toute façon, si ça n'avait tenu qu'à moi, jamais on ne t'aurait admis dans le groupe.
- Si tu le prends sur ce ton, très bien. Je croyais seulement que tu étais plus fine que ça, voilà.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? demanda Yukie en faisant un pas en avant, l'air hargneux. Ne m'insulte pas, d'accord ?
- Ben voyons ! répondit Kita d'une voix rageuse. C'est toi qui m'insulte et tu voudrais que je reste là sans rien dire ? Écoute, je comprend ce que tu ressens, pour Daichi. C'était ton petit copain et...
- C'était pas mon petit copain, coupa Yukie.
Kita ouvrit la bouche, prêt à répliquer, avant de se raviser et tourner les talons. Ça n'en vallait pas la peine.
Yukie ressentit un bref sentiment de triomphe, bien vite balayé par un profond abattement. Pourquoi était-elle si agressive ?
Il n'y avait pas à chercher très loin la réponse. La fatigue, la peur, la déprime, et puis la disparition de Daichi qui, quoi qu'elle en dise, continuait de la tourmenter.
Rien à voir avec Kita. Elle le savait pertinemment. C'était un gars bien.Pestant et maugréant, elle s'éloigna du groupe en direction de l'immense patio. Elle avait besoin d'être seule pendant un instant. C'était plus calme par ici. Personne autour de la balustrade - et personne pour monter la garde non plus. Jetant un œil distrait par-dessus le parapet, elle promena le faisceau de sa lampe sur les étages inférieurs.
Elle retint son souffle.
Quelque chose avait bougé.- Hé ho ! Y a quelqu'un ? Hé ! On doit rester groupés !
Rien. Pas un bruit. Pas un mouvement. Avait-elle rêvé ? Nerveuse comme elle était, ça n'aurait pas été étonnant. Elle balaya la zone avec sa torche. Tout était parfaitement immobile.
Avec un grand soupir, elle se détourna et fit quelques pas le long du balcon.Kita était là, à environ quatre mètres, l'arc bandé, la pointe de sa flèche scintillant dans l'obscurité, le visage aussi tendu que la corde de son arc, les yeux fixes.
Yukie avala sa salive. Le sang battait à ses tempes. Au fond, que savait-elle de ce gars ? Si ça se trouve, il était capable de tout.- Surtout pas un geste, lança froidement Kita.
Quand bien même elle l'aurait voulu, Yukie en eût été incapable. Elle était clouée sur place. Ses jambes lui donnaient l'impression d'être en plomb.
Un éclair de regret traversa son esprit. Pourquoi avait-elle bêtement provoqué Kita ? Tout était différent, maintenant. Les règles du monde d'antan n'avaient plus cours.
Qu'est-ce qu'il allait faire ?
Yukie souffla :- Shinsuke. Je...
Pour toute réponse, celui-ci relâcha la corde de son arc. La flèche siffla dans les airs et passa à moins d'un centimètre de son bras droit.
Manqué.
Un bruit sourd résonna derrière elle. Yukie pivota.Un adulte se tenait là, la flèche plantée dans la poitrine. Il tituba en émettant un long sifflement chuintant, moulina des mains de manière désordonnée pour tenter de retirer la flèche. Et puis il heurta le parapet et bascula par-dessus. Yukie tendit le cou pour le voir tomber. Il s'abîma d'un trait, tournoyant lentement dans les airs avant de s'écraser sur une table dans un fracas énorme.
À ce raffut succéda un lourd silence. Les gamins s'était figés sur place comme un seul homme, tous les sens aux aguets.Bokuto se précipita vers Yukie. Dans un premier temps, elle eut du mal à le reconnaître. Il portait un élégant bombers noir, en tissu lustré, sur un tee-shirt bleu foncé.
- Que se passe-t-il ?
- Les croulants, répondit Yukie d'une voix éraillée, les mots peinant à se frayer un chemin hors de sa bouche cotonneuse.

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ENEMY
FanficL'épidémie a frappé tous ceux qui avaient vingt-deux ans passés. D'abord elle les a rendus fous. Ensuite elle a ravagé leurs corps. Et les a transformés en zombis terrifiants. Attention, certaines scènes peuvent choquer. UA Haikyuu Histoire lon...