ENEMY

Chapitre 3.

Les portes vitrées de la piscine étaient fêlées de partout et l'intérieur si maculé de poussière qu'il était impossible de voir quoi que ce soit au travers. Oikawa leva sa masse et l'abattit de toutes ses forces près des poignées. La vitre explosa littéralement et se désintégra en centaines de pépites étincelantes.

- Cool, commenta Iwa.

- Plus que cool, renchérit Tooru, qui n'aimait rien tant que casser quelque chose.

Les premiers jours du désastre, avant qu'il comprenne de quoi il retournait, Oikawa s'était baladé dans les rues avec bonheur, cassant, brûlant et broyant tout ce qui lui tombait sous la main, peinant à croire que personne ne l'arrête et qu'il puisse ainsi faire tout - mais alors, absolument tout - ce qu'il voulait.

Ce joyeux débordement avait tourné court lorsqu'il avait découvert que les adultes n'étaient pas tous morts et qu'il valait mille fois mieux se faire attraper par un parent, un professeur ou un policier que par ceux qui restaient. Un parent vous aurait privé de sorties, un prof vous aurait collé, un flic vous aurait arrêté, mais aucun n'aurait essayé de vous bouffer, comme le faisaient les croulants qui traînaient dans les rues ces temps-ci.

Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir toujours autant de plaisir à démolir quelque chose. Aussi se portait-il régulièrement volontaire pour partir en maraude.
Sa masse à la main, il recula d'un pas pour permettre à Bokuto d'inspecter les lieux.

- On va avoir besoin de torches, déclara celui-ci après avoir passé la tête dans l'ouverture et embrassé le hall du regard.

Chaque maraudeur était équipé d'une lampe à LED fonctionnant non pas avec des piles, mais avec un remontoir qu'il suffisait d'actionner pour recharger la batterie. Comme un seul homme, tous les cinq s'échinèrent sur les petites manettes du mécanisme. Trente secondes, et autant de cric-cric plus tard, les torches étaient assez chargées pour offrir trois bonnes minutes d'autonomie.

Ils pénétrèrent dans le hall, promenant le faisceau de leurs lampes sur le sol crasseux et sur les murs. Juste devant eux se trouvait le comptoir d'accueil. Sur la droite, derrière une barrière percée d'un tourniquet, s'ouvrait une petite cafétéria donnant sur le bassin. De l'autre côté, un large couloir conduisait aux vestiaires.

Le comptoir était couvert de toiles d'araignées et les affiches jaunies qui se décollaient des murs semblaient tout droit sorties d'un autre monde. On y voyait des jeunes gens tout sourire vanter les mérites d'un esprit sain dans un corps sain ou recruter pour les activités de différentes associations sportives. Quelques empreintes d'animaux se dessinaient dans la poussière et les débris qui jonchaient le sol, mais aucun signe ne permettait d'affirmer que les humains étaient récemment passés là.

- Si je me souviens bien, les distributeurs étaient par là, dit Hajime en levant le menton vers les tables et les chaises de la cafétéria.

- On check vite fait, dit Daichi.

Sans qu'on ait besoin de le lui dire, Kōtarō partit en éclaireur, grimpant d'un bond sur le tourniquet avant de se laisser tomber de l'autre côté, ramassé sur lui-même, la lance pointée.

- Rien à signaler.

Un à un, les autres lui emboîtèrent le pas, Keiji fermant la marche, la torche dans une main, le lance-pierre dans l'autre.
Ils avancèrent prudemment, à pas comptés. Plus ils approchaient du bassin, plus une odeur nauséabonde leur chatouillait les narines. La puanteur infecte de l'eau croupie.

Bokuto, sur le qui-vive, prêt à répliquer à toute attaque, espérait presque qu'un adulte surgisse devant lui sans crier gare. Daichi avançait en essayant de relever le menton et de bomber le torse, persuadé qu'une telle attitude entourait son petit groupe d'un rempart protecteur. Akaashi, quant à lui, jetait en permanence des regards inquiets derrière lui. Il était tellement habitué à surveiller les arrières, en queue de peloton, que marcher à reculons lui était presque devenu naturel.