ENEMY

Chapitre 21.

- J'savais pas. J'suis désolé. J'savais pas... Comment j'aurais pu savoir ?...

Daichi gisait là où il était tombé, encerclé de cadavres d'adultes, sous le regard pétrifiée de Yukie, de Kuroo et des autres gamins de Holloway, qui n'en croyaient pas leurs yeux. Le garçon était agenouillé près de lui, d'où saillait la tige en acier d'une flèche.
  Yukie ignorait son nom - et elle ne voulait pas le savoir. Il était grand, élancé, avec quelque chose de noble et d'altier qui lui déplut dès le premier regard. Ses cheveux gris parsemé de noir tombaient en cascade sur son front. Sa peau diaphane était aussi lisse que dans une pub. Il portait un blouson de cuir noir et des bottes de moto qui lui arrivaient aux genoux.

  Debout derrière lui, serrés les uns contre les autres, observant la scène avec méfiance, se tenait le reste de sa bande. Quelques gamins, tous minces et secs, la peau tannée par la vie au grand air. Leurs yeux possédaient quelque chose d'animal. Ardents, vigilants, perpétuellement inquiets.

  En nombre, le groupe des Holloway les surpassaient largement.
  Ils avaient abattu Daichi.

- On suivait le troupeau d'adultes, se défendit le garçon. On était sur les dents parce que c'était la première fois qu'on les voyait se comporter comme ça. On sait rester discrets, se fondre dans le paysage, mais quand on les a vus avancer vers nous au pas de charge, en pleine rue, on a pris peur, on s'est dit que c'était pour nous. Alors on a tiré... Jamais on n'aurait cru qu'il y avait un jeune parmi eux. (Il marqua une pause, posa tristement la main sur l'empennage de la flèche.) C'est une des miennes. Je suis désolée.

- C'est pas ça qui le ramènera, répliqua Yukie d'un ton hargneux. Être désolé n'a jamais rien changé à rien.

- C'est un accident, plaida Akaashi.

  Yukie le fusilla du regard. C'est alors que Kiyoko s'avança et s'agenouilla au chevet de Daichi.

- Il est pas mort, dit-elle après avoir posé l'oreille sur sa poitrine et palpé l'artère à son cou.

- Dieu soit loué ! s'exclama Yukie en s'effondrant au côté de Shimizu.

  Les joues mouillées de larmes, indifférente à ce que les autres pourraient penser, elle colla son visage à celui du blessé et murmura à son oreille :

- Daichi. Ne meurs pas.

  Les lèvres du garçon s'entrouvrirent. Il balbutia un mot, dans le plus minuscule filet de voix qu'il leur ait été donné d'entendre. Toutefois, le silence qui planait sur la scène était tel que personne n'eut la moindre peine à comprendre ce qu'il disait.

- Non.

  Entre ses larmes, Yukie esquissa un sourire.

- Non, il ne va pas mourir, s'exclama-t-elle. Parce qu'il est vaillant et fort. Parce que c'est notre chef. Il va nous conduire au palais...

- Au palais ? répéta l'inconnu.

- Oui, intervint Satori. Je les emmène au château. C'est sûr, là-bas.

- C'est sûr nulle part, dit le garçon. On le sait, on a été partout.

- Vous êtes allés au centre-ville ? demanda Tendō.

- Euh... Là, non...

- Donc comment vous pouvez dire que vous êtes allés partout ?

- De toute façon, il ne vient pas avec nous, dit Yukie en se relevant. Pas après ce qu'il a fait à Daichi.

- Je ne voulais pas.

- Ouais, acquiesça Kuroo. C'était un accident. S'ils veulent venir avec nous, c'est bon. Le soutien de quelques archers ne serait pas de trop. On a perdu sept des nôtres dans la bataille.