Hinata doutait de pouvoir faire un pas de plus. Ainsi appuyé sur Kageyama, il était difficile de déterminer lequel des deux soutenait l'autre. Ils n'avaient pas ouvert la bouche depuis un bon moment, trop éreintés, affamés et terrorisés pour ça. Un minuscule crachin s'abattait sur eux avec régularité. Ils avaient froid et le moral dans les chaussettes. Voilà des heures qu'ils erraient comme des âmes en peine à la recherche de nourriture tout en jouant au chat et à la souris avec les nombreuses bandes d'adultes qui rôdaient dans le coin. Le briquet de Tobio avait fini par se vider totalement ; les ténèbres n'arrangeaient pas les choses. Ils avaient serpenté entre les tours de la ville et s'étaient perdus dans le tortueux labyrinthe des rues qui s'étendait devant eux, revenant sur leurs pas, courant se cacher, tournant en rond. Ils avaient bien tenté de se réfugier dans différents immeubles, mais aucun n'était sûr ; sans compter qu'il ne fallait pas espérer trouver de quoi manger dans des bureaux et qu'à l'intérieur le noir était encore plus oppressant que le dehors.
Le fleuve ne devait pas être loin. Une fois qu'ils y seraient, ils pourraient s'échapper sans problème, mais ils venaient à douter de jamais le trouver. Pour leur malheur, ils avaient parfaitement conscience que, s'ils ne tombaient pas dessus au plus vite, ils allaient devoir se résigner à trouver un endroit où passer la nuit. Et cette perspective les effrayait au plus haut point. Ce lieu était inhumain. Il n'y avait aucune maison digne de ce nom, seulement des entreprises, des bars et des magasins. Ils n'avaient qu'une envie : fuir ces gigantesques blocs de verre et d'acier qui, derrière leur façades impersonnelles, semblaient receler de terribles secrets.
En désespoir de cause, ils tentèrent un nouveau chemin que, jusqu'ici, ils ne s'étaient pas senti le courage d'emprunter en raison du délabrement avancé de la zone. À leur corps défendant, ils avancèrent en direction d'un pont de chemin de fer.
Fourbu de fatigue, soûlé de pluie, de faim et de soif - qu'il combattait en suçant à l'occasion un peu d'eau aux manches de sa chemise détrempée -, Hinata commençait à voir des choses : des points lumineux dansaient devant ses yeux, des forme indistinctes papillonnaient à la lisière de son champ de vision, des ombres mouvantes... Pourtant, dès qu'il tournait la tête, il n'y avait rien. Il ressentait une irrépressible envie de s'étendre sur place, de se rouler en boule et de s'endormir pour toujours.
Comme souvent dans ces cas-là, une petite voix résonna au fond de sa tête, lui ordonnant de continuer. Il le devait à Yachi, qui avait donné sa vie pour lui permettre de fuir. Il devait avancer encore, faire qu'elle ne soit pas morte pour rien.
Et Natsu ? Sa petite sœur avant besoin de lui. Il devait la retrouver. L'aider. Prendre soin d'elle.Soudain, ce fut comme si toutes deux étaient à ses côtés, l'encourageant, le poussant à mettre un pied devant l'autre. Yachi à droite. Natsu à gauche.
Sans prévenir, Tobio s'arrêta. Hinata se tendit.
Qu'avait-il remarqué ? D'autres adultes ? Y aurait-il confrontation, cette fois ? Shōyō serra le poing sur l'épingle à papillon. Cette nuit n'en finirait donc jamais.- Regarde, s'exclama Kageyama d'une vois qui n'était plus qu'un râle rauque, et il leva péniblement le bras.
- Quoi ? demanda Hinata en plissant les paupières pour scruter l'obscurité maussade. Qu'est-ce que je suis supposé voir ?
- Là, répondit Tobio. Tu vois pas ? Au fond. Du feu.
Hinata les apercevait maintenant : une rangée de lueurs qui faisaient comme des torches au-dessus d'un mur. Avec une petite bouffée d'espoir, il s'aperçut qu'il reconnaissait le bâtiment pour y être allé un jour, avec sa classe au collège.
Une sorte de tour. Comme c'était rassurant de découvrir enfin une silhouette familière.
Et, de toute évidence, quelqu'un avait allumé ses flambeaux le long du mur extérieur.- Y a des gens là-bas, murmura Shōyō.
- Des adultes ?
- J'en sais rien. Ils n'allument pas de feu en général, si ? Mais, encore une fois, rien n'est normal dans le coin.
- On devrait faire gaffe, répondit prudemment Tobio.
À peine avait-il dit cela qu'une voix sortie de la nuit retentit dans leur dos.
- Halte ! Pas un geste !
Une voix de jeune garçon. Pas un adulte.
- On est des mômes, cria Hinata. Rien que des mômes.
- Hum, je vois ça, admit la voix. Vous venez d'où ?
- De Waitrose.
- Waitrose ? répéta l'inconnu sans pouvoir réprimer une pointe d'amusement.
- Enfin Holloway, ajouta Hinata en pivotant lentement.
- C'est où, ça ?
- Dans le nord. Après Camden.
- Vous avez fait tout ce chemin ?
- Oui, j'essaye d'aller au château de Matsumoto.
- Pardon de vous dire ça, mais vous avez dû rater un embranchement quelque part, parce que là, vous n'y êtes pas du tout.
- Je sais. Je t'en prie, on est épuisés. On a très faim. On a passé la journée à essayer de sauver notre peau.
- Vous êtes que tous les deux ?
- Oui.
Quatre silhouettes émergèrent de l'obscurité et Hinata se sentit basculer plusieurs siècles en arrière en découvrant quatre garçons tout droit sortis du Moyen Âge. Ils étaient vêtus de sortes de chasubles, de hautes chausses et de divers éléments d'armure. Épées, boucliers et heaumes complétaient le tableau de l'équipage. L'un d'eux portait une arbalète.
- Vous voulez bien nous aider ? demanda Tobio. On est au bout du rouleau.
Les deux plus grands échangèrent discrètement quelques mots, puis l'un d'eux s'avança et retira son casque. Il aurait été beau garçon si une balafre verticale ne lui avait pas barré la joue d'une longue boursouflure, défigurant totalement la moitié de son visage. Il esquissa un sourire que sa cicatrice changea aussitôt en un rictus hideux. Ses yeux étaient doux, néanmoins. Pétillants.
- Quel âge avez-vous, tous les deux ? demanda-t-il en s'approchant de Tobio et Shōyō.
- Quinze ans, répondirent-ils en chœur.
- Et vous êtes venus tout seuls depuis le nord de Tokyo ?
- La crevette, oui, dit Kageyama. Moi, j'étais vers Spitafileds et puis je suis allé dans le métro. Là, je me suis grave perdu, et ensuite...
- Waouh, mollo, l'ami. Pas si vite, l'interrompit l'adolescent. Donc tu viens de Spitafields ? Qui s'est occupé de toi ?
Tobio haussa les épaules.
- Personne. Y avait bien quelques morveux avec moi à certains moments, mais ils sont tous morts à l'heure qu'il est. J'suis resté tout seul... jusqu'à ce que je rencontre mon pote le hobbit.
Le balafré secoua la tête en étouffant un petit rire incrédule.
- Nous qui nous prenions pour des petits génies, à jouer les durs dans notre donjon. Et v'là-t'y pas que deux mioches débarquent et nous font passer pour une bande de mauviettes.
- C'est sûr là-bas ? demanda Hinata.
- Dans la Tour, tu veux dire ? Oui, relativement.
- Certain ? demanda Hinata.
- T'as vu ce qu'y fallait pas, hein, le mioche ? (Shōyō acquiesça sans mot dire.) Eh bien, dans ce cas, dis-toi que ce n'est pas plus dangereux qu'ailleurs. Certainement moins en tout cas que la rue ou le métro.
- Vous pouvez nous emmener ?
- Bien sûr. Si vous voulez.
- Et on sera vraiment en sécurité ? Y a que vous ? Que des enfants ?
- On est soixante-sept là-dedans, répondit le balafré. Que des mômes. De tous les âges. C'est pas le paradis sur terre, mais on s'en sort. C'est fini, gamin, t'es au chaud, maintenant.
Hinata fondit en larmes, aussitôt imité par Kageyama. Le balafré ouvrit les bras et les serra contre lui le temps qu'ils cessent de pleurer. Puis, il les pris par la main et les emporta vers la Tour.
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ENEMY
FanfictionL'épidémie a frappé tous ceux qui avaient vingt-deux ans passés. D'abord elle les a rendus fous. Ensuite elle a ravagé leurs corps. Et les a transformés en zombis terrifiants. Attention, certaines scènes peuvent choquer. UA Haikyuu Histoire lon...