Chapitre 8.

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Daichi balaya les petits du regard. La peur se lisait sur leurs visages. Daishō avait raison. Tout ce qu'il avait réussi à faire, c'était les effrayer. Il aurait dû peser davantage ses mots, garder son sang-froid, ne pas attaquer comme ça, bille en tête. Les gamins le regardaient avec de grands yeux. C'étaient des certitudes qu'ils attendaient de lui, pas des doutes.
Mais le ver était dans le fruit. Il ne se sentait plus la force de faire semblant. Sans compter que lui aussi avait peur. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et ça le rendait malade d'être ainsi aux aguets en permanence, tel un animal traqué.

Et maintenant ça. Ce qu'il redoutait le plus. Une blessure. Déjà, les premiers picotements. Une furieuse envie de se gratter. Et cette chaleur malsaine qui semblait irradier de la plaie. Il porta une main à son pansement. Il avait le tournis, comme s'il avait souffert d'un mauvais rhume.
Pourtant ce n'était pas la blessure qui l'avait changé. Non, c'était l'adulte à la piscine. La mère. Dans son regard, il avait cru reconnaître quelque chose.
Il secoua la tête. Impossible. Il avait dû rêver.
Un cri le ramena à la réalité :

- Daichi, c'est quoi, ça ?

C'était Suguru. Il avait l'air totalement paniqué.

- Ils nous attaquent ? C'est ça ?

Tous ces gamins qui dépendaient de lui, qui attendaient qu'il leur dise quoi faire, le pressaient de toutes parts. Peu importe qu'il commette une erreur ou non, il devait leur donner l'impression de maîtriser la situation. Pour les sentiments, on verrait plus tard.

- Non, répondit-il en se redressant. Ils n'ont jamais attaqué le camp.

- Mais tu as dit toi-même qu'ils étaient en train de changer.

- Pas à ce point-là, coupa Daichi.

Il franchit la porte coulissante en verre de la cantine. Un autre fracas résonna en bas. Un bruit sourd accompagné d'un horrible craquement, comme si quelque chose essayait de forcer l'entrée. Se pouvait-il que, déjouant tous les pronostics, les adultes attaquent bel et bien Waitrose ?
La cantine était située à l'angle du bâtiment, directement sous la coupole. Ses fenêtres ouvraient sur un balcon filant qui dominait d'un côté Holloway Road et de l'autre Tollington Road. Daichi ouvrit la baie vitrée et sortir.

Une épaisse couche de nuages qu'aucune lune ni aucune étoile ne parvenait à percer obstruait le ciel. Quant à l'éclairage public, cela faisait plus d'un an qu'il était hors service. Tout ce qu'il distinguait en se penchant sur la rambarde, c'étaient des ombres mouvantes.

- Quelqu'un peut m'apporter une torche !

- Quoi ? Qu'est-ce qu'y a ? Répondit une voix dans son dos. Qu'est-ce qui se passe dehors ?

- Rien. Taisez-vous.

Tsukishima se précipita pour lui apporter une lampe à dynamo. Un modèle beaucoup plus puissant que celui que Daichi avait sur lui. Chargé à bloc. Il l'alluma et promena le faisceau sur la rue en contrebas jusqu'à ce qu'il voie.
Un père à la face cramoisie et boursouflée, les yeux suintants, grimaça d'un air mauvais en levant le regard dans le pinceau de lumière, révélant deux rangées de dents cassées.

- Des adultes !

- Mais t'avais dit que...

- Qu'importe ce que j'ai dit, coupa Daichi.

Alors qu'il balayait à nouveau le sol avec sa torche, une autre silhouette apparut. Celle d'un garçon d'environ dix-sept ans, vêtu de vieux tissus de couleur criardes, une vieille musette en cuir accrochée à son épaule.

- Ouvrez, je vous en prie !

- Non ! Laissez fermé ! Laissez fermé !

Un groupe d'adultes se précipita vers le garçon, qui disparut dans la nuit. Daichi essaya désespérément de le retrouver. En vain.
Un attroupement s'était formé sur le balcon. Tout le monde voulait voir ce qui se passait. Un vent de panique s'empara des troupes. Des voix s'élevèrent.

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