Chapitre 16.

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  Daichi avait des vertiges. Marcher en plein soleil faisait fumer son cerveau fiévreux. Il se sentait faible et avait de plus en plus de mal à respirer. Même s'il s'efforçait de ne rien laisser paraître, régulièrement, il trébuchait et vacillait. Il prit une nouvelle gorgée d'eau. La centième depuis qu'ils étaient partis, lui sembla-t-il. À ce rythme-là, il aurait épuisé sa réserve avant d'avoir atteint le château.
  La vérité, c'est qu'il était au plus mal. Et qu'il savait très bien que c'était sérieux. Des microbes s'étaient infiltrés dans la plaie ouverte et commençaient à sérieusement secouer son système immunitaire.

  Il en aurait pleuré. Si seulement Satori avait débarqué quelques heures plus tôt. Jamais Daichi ne serait allé à la piscine avec la section de maraude. Oikawa serait encore en vie. Shōyō aussi, sans doute. Et lui n'aurait pas reçu cette sale morsure au cou. Quelle cruelle ironie du sort que de se voir ainsi proposer une issue, une promesse de vie meilleure, pour se la voir ensuite arracher de la sorte !
  C'était trop injuste ! Si ça se trouvait, il allait succomber au seuil du palais.

  En attendant, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que tout le monde y arrive entier. Quand bien même ce serait le dernier acte de son séjour sur terre. Il fallait se concentrer là-dessus et éviter de ruminer. Oui, ce troupeau était le sien et, en bon berger qu'il était, il allait le mener jusqu'à la bergerie.
  Ce qu'il fallait, c'était penser à autre chose. Il avisa Hajime, qui marchait d'un pas lourd, le regard bas, la capuche relevée pour dissimuler son visage.

- Ça va, mon pote ? demanda Daichi.

  Iwazumi grogna. Ça aurait aussi bien pu être oui que non.

- T'es triste de quitter Waitrose ?

  Iwa haussa les épaules. Depuis le drame d'hier soir, il était plongé dans un sombre mutisme.

- T'as fait tout ce que tu pouvais, dit gentiment Daichi. Même si on avait sorti Tooru de là, il avait un tesson de verre dans le ventre. Le poumon était touché.

- Je sais, répondit Hajime. Ça n'empêche qu'il me manque. C'est tout. Je l'aimais. Personne ne me faisait rire comme lui. Avec lui, je pouvais oublier tout ça.

- Attend, je vais chercher une blague.

- Oublie, mon pote. T'es nul en blagues.

- Je sais, admit Daichi. Et depuis toujours, en plus. Heureusement que j'étais bon en volley, ça compensait. En fait, tu sais, c'est ça qui me manque le plus : jouer au volley. Dès qu'on sera arrivés, j'organiserai un match. T'en es ?

- Si on arrive...

- Bah, arrête ! Bien sûr qu'on va arriver.

- J'aimerais partager ton optimisme, rétorqua Iwazumi d'un ton amer.

  Daichi se garda de répondre. Il pouvait à la limite berner Iwa, en aucun cas se berner lui-même. Jusqu'à présent, ils n'avaient croisé aucun signe de vie, mais l'on pouvait légitimement douter qu'ils en soit ainsi tout du long. Tôt ou tard, en chemin, ils devraient affronter les adultes. L'indésirable image de la mère à la piscine - la sienne ? - lui revint en mémoire.

- C'était pas ma mère, dit-il tout haut sans le vouloir.

- Pas ta quoi ? demanda Iwazumi, ahuri.

- Rien, répondit Daichi en portant une paume à sa tempe. Écoute, Iwa, t'as raison. C'est pas gagné. Donc, si on veut réussir, il faut que tout le monde y mette du sien. Et, franchement, à te voir marcher comme ça en broyant du noir, la tête basse sous ta capuche, les petits vont commencer à flipper, alors sois vaillant pour eux, ok ? Essaie de faire bonne figure.

ENEMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant