Chapitre 12.

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- J'viens pas.

- Comment ça, tu viens pas ?

- Je reste là. Je me sens chez moi ici, Daichi. C'est ma maison. Et j'aime bien ma maison. Et puis c'est fortifié. Donc, je ne pars pas avec vous. D'ailleurs, jamais vous n'y arriverez.

- Suguru, tu ne peux pas rester ici tout seul.

- Oh, mais je ne serai pas seul. D'autres voudront rester, j'en suis sûr.

- Mais... Daishō... Ils sont déjà tous dehors à attendre... C'est fini. Le sujet est clos.

- Ah ouais, eh ben demande-leurs à tous s'ils préfèrent partir ou rester ici avec moi.

- On a voté, répondit Daichi d'un ton las.

- Non, on a pas voté. La question, c'était la campagne ou le centre-ville, pas partir ou rester. Alors, vas-y, demande-leur.

- Fais-le, toi.

- Non, refusa Suguru d'un ton catégorique. J'sors pas d'ici. J'suis bien là.

  Joignant le geste à la parole, il se laissa tomber dans un vieux fauteuil et croisa ostensiblement les bras sur sa poitrine.

- Bon, et après, dit Sawamura. Quand bien même quelques irréductibles voudraient te tenir compagnie, comment vous feriez pour survivre ? Daishō... c'est du délire.

- C'est moi qui suis le seul juge de ce qui est du délire ou pas, rétorqua-t-il d'un ton courroucé. Vous autres, vous partez comme dans la fable, là. Le joueur de flûte quand il emmène les petits pour qu'y se fassent bouffer ou j'sais plus quoi...

- C'est pas ça, l'histoire.

- Oui, ben, peu importe. Quoi qu'il en soit, ça finit mal. Mais pourquoi vous faites confiance à ce mytho, hein ? C'est clair qu'il fabule.

  Daichi balaya du regard ce lieu où il avait passé l'année écoulée. Une année de sa vie. Dans un supermarché. Ils étaient au rez-de-chaussée, au milieu de dizaines de rayons vides qui lui sortaient par les yeux.

- Suguru, dit-il calmement, tout vaut mieux que rester ici et se faire dégommer un par un.

- En quoi ce serait une fatalité ? Et puis, de toute façon, tu fais ce que tu veux et moi aussi. Je reste.

- Impossible.

- Et pourquoi ça ?

  Comment répondre quand, à la seule pensée de quitter cet endroit détesté, Daichi se sentait pousser des ailes. Il avait passé une sale nuit. La douleur dans son cou avait empiré. Il doutait même d'avoir dormi. Résultat, il avait les yeux secs et irrités, et il suait comme un bœuf. Donc tout, plutôt que s'éterniser ici à se biler sur l'état d'avancement de l'infection.
  Il fixa Daishō, obstinément enfoncé dans son fauteuil, comme si rien ne pouvait le faire changer d'avis.

- Et si les adultes réussissent à entrer ?

- Pourquoi voudrais-tu qu'ils viennent ici s'ils croient que c'est vide ?

- Ils essaieront sûrement, crois-moi. Et alors, tu feras quoi ?... Bon sang, Daishō, redescend ! Qu'est-ce que tu vas manger ?

- Je peux marauder aussi bien que vous. Et, si on est moins nombreux, ça fera moins de bouche à nourrir. Si ça se trouve, on s'en sortira mieux que maintenant.

- Et à supposer qu'y ait que toi ? Qu'est-ce qu'on fait ?

- Tu parles, y en a plein d'autres qui vont vouloir rester. Y  z' ont dit qu'y venaient parce que tu leur a forcer la main, mais si tu leur demandes ce qu'ils veulent vraiment, là, ce sera plus la même chose. Tu verras...

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