Chapitre 32.

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  Les gamins avaient sonné le rassemblement et un peloton de choc s'était aussitôt constitué autour de Bokuto. Mais, apparemment, il n'y avait aucun adulte nulle part.

- Peut-être qu'y en avait qu'un, supposa Lev, méconnaissable dans un pull bleu pétrole avec un impeccable col en V.

- Et ça ? répondit Iwaizumi en tendant le bras.

- Oh, la vache !

  Martelant les marches de l'escalier mécanique, une quinzaine d'adultes descendaient de l'étage supérieur. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils n'y étaient pas allés de main morte dans les rayons. Ils portaient un bric-à-brac de vêtements aussi flambants neufs que chamarrés, rehaussée de moult bijoux, chapeaux, ceintures et écharpes. À leurs bras pendaient de luxueux bagages en cuir. On aurait dit une bande de gosses qui auraient pillé la garde-robe de leurs parents. Ils avaient mis n'importe quoi n'importe comment. Ainsi un homme abordait-il deux blousons mais pas de pantalon, un autre était en robe, certaines femmes avaient mis leurs vêtements devant derrière et s'étaient barbouillé le visage de maquillage. L'une d'elles avait enfilé des sous-vêtements par-dessus le reste. Elle évoquait une sorte de super-héros grotesque, ce qu'accentuait encore l'abat-jour qu'elle avait sur la tête en guise de couvre-chef. Une vieille femme atrocement maigre portait un survêtement Nike de couleur criarde, un manteau de fourrure, une longue perruque blonde et plusieurs rangs de perles. Un appareil photo lui pendait à l'épaule. Le fait qu'elle n'avait qu'une chaussure - qui plus est à talon - n'arrangeait en rien sa démarche, déjà chaotique à la base.

  Le spectacle de cette meute descendant l'escalator inerte, tel un troupeau de touriste échappées de quelque asile d'aliénés, avait quelque chose de proprement surréaliste.

- Tuez-les ! cria Bokuto en brandissant sa lance.

- Non, attendez, ordonna Yukie. Je pense pas qu'ils nous attaquent.

- Et après ? répondit Bokuto. C'est des adultes. On les dézingue.

- Mais regarde-les. Ils sont pitoyables. Ils ne nous feront aucun mal.

- Ça, c'est toi qui le dis, répliqua Bokuto.

  Il s'avança vers le groupe qui s'était figé au pied de l'escalier mécanique. Ils s'enfuirent en courant. Kōtarō allait les poursuivre quand quelqu'un lui attrapa la main. Il fit volte-face, et croisa le regard bleuté de Keiji.

- Ça suffit, Kōtarō.

  Une lueur d'hésitation passa dans le regard de Bokuto. Yukie retînt sa respiration. Elle espérait de tout cœur qu'il renonce à cette folie. Ces adultes là, ils ne leurs avaient rien fait. Ils étaient parfaitement inoffensifs.
  Contre toute attente, après un instant de silence, Bokuto entrelaça ses doigts à ceux d'Akaashi.

- Très bien, grogna-t-il.

  Kuroo l'attrapa par les épaules et le tira en arrière.

- Calmos, mec, dit-il avec un signe de tête reconnaissant vers Keiji. Y a eu assez de morts comme ça. J'crois que personne ne veux en voir d'autres, ok ?

- Donc on les laisse partir ?

- On ne s'en occupe pas. À l'évidence, ils ne sont pas dangereux. Y sont juste venus ici comme nous, pour se payer de nouvelles fringues. Va savoir, c'est peut-être d'anciens accros de la mode. Allez... Viens, on est attendus au palais.

  Bokuto lança un dernier coup d'œil au groupe d'adultes, avant de céder, non pas sans râler. Keiji serra brièvement sa main dans la sienne, avant de la relâcher et de tourner les talons.
  Yukie croisa le regard de Kita, qui détourna les yeux.
  C'était pas l'heure des remerciements.
  Quelqu'un lui posa la main sur l'épaule. Kuroo.

- Tu as bien parlé. Fais gaffe à toi. On a besoin de gens dans ton genre.

- Merci. Et merci de m'avoir soutenue.

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