Chapitre 57.

25 6 2
                                    

- Ce serait quand même plus facile si tu venais avec moi à l'infirmerie. J'ai tout ce qu'y faut là-haut.

- Pas question, man. C'est trop comme un hôpital, ton truc, répondit Bokuto, affalé torse nu sur un des gros fauteuil de la salle du trône.

  Azumane était en train d'examiner son oreille. Il lui avait administré un analgésique et, après un minutieux inventaire de ses multiples entailles, faisait de son mieux pour nettoyer les blessures avec du désinfectant. Bokuto grimaçait, se tendait, tressaillait, sans cesser de se plaindre. En un mot, il ne lui facilitait guère la tâche.
  À sa décharge, son corps n'était plus qu'une plaie.

- T'as quelque chose contre les hôpitaux ? demanda Azumane en tamponnant son oreille déchiquetée.

- Tu m'étonnes. J'y suis allé assez pour toute ma vie quand j'étais môme.

- T'étais malade ?

- Pas moi, ma mère. Elle avait la sclérose en plaques. Pas cool. C'est le souvenir que je garde d'elle : une malade toujours alitée. Depuis, je peux plus voir un hôpital en peinture. Le seul point positif, c'est qu'elle est morte avant que tout parte en vrille. Au moins, je l'ai pas vue devenir cinglée. Aïe ! Qu'est-ce que tu fabriques là ?

- Désolé. C'est ton oreille.

- Eh ben ?

- Je vais devoir essayer de la recoudre.

- T'as déjà fait ça avant ?

- Euh... Pas vraiment.

- Tu sais ce qu'il faut faire ?

- Euh... En gros, oui.

- Combien j'ai de chances que tu t'en tires avec les honneurs ?

- Aucune, répondit Azumane. Mais, au moins, tu ne la perdras pas. Berk ! C'est pas joli, joli. De toute façon, ça ne peut pas être pire que maintenant.

  En effet, la lame de Yūji avait tranché net le haut du pavillon auriculaire, qui ne tenait plus que par un petit centimètre de peau, au niveau du lobe.

- J'aurais dû l'achever, marmonna Bokuto.

- Je suis content que tu te sois abstenu.

- Mais je me suis fait un ennemi, maintenant.

- Vous étiez ennemis avant ça.

- Pas faux.

  C'est alors qu'on frappa à la porte. Ils tournèrent la tête ensemble et virent deux membres de la garde prétorienne du palais faire irruption dans la pièce. Ils escortaient un garçon - un mignon petit gars râblé aux cheveux foncés dont l'attitude fière masquait mal le malaise, voire la timidité.

- Désolé de vous déranger, dit l'un des gardes, mais ce morpion arrête pas de nous asticoter. Impossible de s'en débarrasser. Il dit qu'il veut te parler, Kōtarō.

- Si tu préfères, je peux revenir dans une minute, proposa Azumane.

- Non, non, continue ta couture, répondit Bokuto avant de se tourner vers le gamin. Qu'est-ce que tu me veux, l'ami ?

- Je peux te serrer la main ? dit le gamin.

- En quel honneur ? demanda Bokuto avec un sourire.

- Je te trouve trop cool.

- Ah ouais ? s'exclama Bokuto en éclatant de rire, et il tendit la main.

- Pas de blague, hein ?

- Juré-craché.

  Le petit gars monta sur l'estrade et serra vigoureusement la main de Bokuto.
  Azumane commençait à recoudre ensemble les deux bouts d'oreille.

- C'est de la bombe, ce que t'as fait, dit-il en regardant d'un œil ébahi l'aiguille s'enfoncer dans les chairs.

- T'étais pas censé retourner avec les tiens ? lança Bokuto, déterminé à ne manifester aucune souffrance face au gamin alors qu'il se sentait à l'agonie.

- Pour quoi faire ? Je suis avec vous, moi. Vache, tu dois bien dérouiller quand même...

- Bof, dit Bokuto dans un haussement d'épaule hautain.

- Bouge pas, le rabroua aussitôt Azumane.

- Bon sang, poursuivit le gavroche, à ta place, je crois que je serais déjà tombé dans les pommes.

- Comment tu t'appelles ? demanda Bokuto.

- Yamaguchi. Tadashi Yamaguchi. Mais appelle-moi comme ça te chante, je m'en tape. Ce que je veux, c'est que tu m'apprennes tes trucs, pour que j'arrive à me battre comme toi. Je t'aiderai. Je serai ton serviteur. Je prendrai soin de tes armes. Je les aiguiserai, je les bichonnerai, je les porterai pour toi jusqu'à la bataille. Tu sais... comme le type qu'on voit toujours avec le chevalier. Comment on dit déjà... ? Un écuyer !

- Yams ? dit Bokuto d'une voix amusée. Ça me va. Ça sonne bien. Bonhomme, tu viens de te dégoter un job.

ENEMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant