Chapitre 18.

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  Yukie était assise avec Daichi sous le pont peint en bleu de la station de métro Camden Road. Elle l'avait transporté là pour qu'il soit à l'abri du soleil. Il grelottait, mais, à l'évidence, pas à cause du froid.

- Faut que tu les gardes soudés, murmura-t-il.

- T'inquiète pas pour ça, répondit Yukie.

- J'aimerais bien.

- Quoi ?

- Ne pas m'en faire.

- Tu dois pas, Daichi. T'as été mordu, t'es malade.

  Il lui agrippa le bras.

- Quelle différence ça fait ? demanda-t-il. C'est comme je disais à Iwa. (Il s'interrompît, perdu.) Je lui ai dit ou pas ? J'me souviens plus.

- Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ?

- On devrait pas avoir à se taper toute cette merde, Yukie. On est que des gosses. J'ai jamais eu conscience de ça avant. Parce que c'étaient nos parents qui se coltinaient les problèmes à notre place. Ils s'occupaient de tout. Ils réglaient les choses difficiles. Pour qu'on puisse continuer à être des gosses. On se moquait d'eux et on les traitait de nazes, mais c'étaient eux qui nous protégeaient en faisant de ce monde un endroit assez sûr pour qu'on puisse y jouer sans se soucier du reste. J'veux pas être un adulte, Yukie. J'veux retourner à mon état d'enfant. Mais c'est pas possible. Je sais. Au contraire, il faut que je sois le père de tous ces gamins. Et toi la mère. Ils ont besoin de nous. J'aimerais bien te dire autre chose, mais je peux pas. Regarde autour de toi : je m'assieds cinq minutes pour me reposer et tout part en sucette.

  Yukie se redressa. Daichi avait raison. L'excitation d'être dehors rendait tout le monde insouciant. Un air de fête flottait sur le cortège. Des gamins discutaient, perchés sur des voitures, tandis que d'autres prenaient le soleil sur le trottoir.
  Yukie appela Kuroo. Il s'approcha de sa démarche souple et féline.

- Qu'est-ce qu'y a ?

- On ne va pas pique-niquer au parc ! répondit Yukie. Faut qu'on reste sur nos gardes. En formation. Parés à toute éventualité.

- On est parés, répondit Kuroo en haussant les épaules.

- Non, on ne l'est pas !

  Tetsuro la regarda d'un air perplexe.

- Euh, la seule qui n'est pas à son poste, c'est toi ma fille.

- Je m'occupe de Daichi.

- C'est pas à quelqu'un d'autre de le faire ?

- Si, t'as raison, répondit Yukie.

  Et elle alla chercher Shimizu.

  A l'arrière du peloton, Keiji jetait des coups d'œil nerveux sur la route qu'ils venaient de parcourir. Les autres artilleurs, armés de javelots, de lance-pierres et de cailloux, étaient accroupis à l'ombre d'une camionnette et discutaient de sport. Akaashi aurait aimé qu'ils prennent leur mission plus à cœur.

- Y a un souci, dit-il en essayant d'attirer leur attention.

- Calme-toi, le rembarra un des Morrisons. Y a pas un rat.

- C'est bien ça qui m'inquiète, répondit Keiji.

  Il plissa les paupières et lorgna vers le sommet de la cote qu'ils venaient de descendre.

- Il devrait y en  avoir. Je vous rappelle que ça fait des siècles qu'on ne vient plus par ici parce que ça grouille de croulants. Alors ? Y sont où, maintenant ?

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