Chapitre 35.

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Keiji remporta son pari encore plus tôt qu'il ne l'imaginait. En effet, le gros de la troupe n'avait pas traverser Berkeley Square que Bokuto et Yamamoto, partis en éclaireur, déboulèrent ventre à terre.

- Des adultes, haleta Bokuto. Juste devant.

- Moyen de les contourner ? demanda Yukie.

- Ils sont en train de s'acharner sur une poignée de gamins, répondit Yamamoto. Z'ont l'air de prendre cher.

- Les adultes, y sont combien ? s'enquit Kuroo.

- J'sais pas, une quinzaine, peut-être vingt.

- On se les fait ?

- Allez, insista Kōtarō, une flamme dans les yeux. On se les fait !

- Ok, dit Yukie. Moi, je reste ici avec mon équipe. Faut quelqu'un pour garder les petits et les non-combattants. Kuroo, tu prends tous les autres et vous y allez. Dès que c'est dégagé, tu envoies quelqu'un pour nous le dire.

- C'est comme si c'était fait.

Moins d'une minute plus tard, Yukie avait parqué les petits en sécurité au centre de la place tandis que Kuroo, Tendō et les commandos s'éloignaient au pas de course.
Ils ne tardèrent pas à disparaître au coin d'une rue.

- Ennemi à midi, cria Bokuto.

Kuroo ralentit l'allure et beugla :

- Lev, flanc gauche. Akaashi et Kita, à droite. Feu à volonté dès que vous le pouvez. Les autres, on attend que le déluge s'arrête et on fonce dans le tas pour finir le travail.

La rue ouvrait sur le haut de Piccadilly. Devant eux s'étirait une large avenue à quatre voies, avec de grands arbres qui se dessinaient dans le fond.
Au milieu de la rue, une bataille sanglante faisait rage entre cinq gamins et un groupe d'adultes beaucoup plus nombreux qu'eux. Et cette meute-là avait l'air farouche ; rien à voir avec les pitoyables loques croisé au magasin de vêtements. À peine vêtues, leurs silhouettes paraissaient fines et sèches, endurcies par les combats : douze pères torse nu et cinq mères en débardeur qui faisaient immanquablement penser à des habitués d'un club de gym d'avant le désastre et qui, d'une manière ou d'une autre, avaient réussi à s'entretenir depuis. Entretenus, mais atteints. Leur peau était couverte de plaies et de plaques purulentes. Ils massacraient les jeunes - trois étaient déjà tombés à terre, l'un d'eux quasiment en charpie. Quatre croulants s'acharnaient sur un petit qui devait déjà être mort. Ne restaient que deux enfants debout, une fille et un garçon. Le visage en sang, la fille semblait encourager le garçon qui, une épée à la main, semblait jeter toute ses dernières forces dans la bataille. Un rang d'adultes se refermaient sur eux. La fin semblait proche.

Personne n'avait encore remarqué l'arrivée des Holloway.

- Évitez ceux du cercle, dit Keiji en armant un tir de lance-pierre. On pourrait toucher les mômes. Visez d'abord ceux qui sont autour.

Il n'avait pas terminé sa phrase que les adultes prirent soudain conscience qu'ils avaient de la compagnie. Ils firent volte-face ensemble. Une folie meurtrière brillait au fond de leurs yeux. Sans crier gare, dans un même élan, ils chargèrent.
S'ils pensaient pouvoir s'en tirer comme ça, ils se fourraient salement le doigt dans l'œil. La bataille s'acheva pour ainsi dire avant même d'avoir commencé.

À la première salve décochée par Akaashi et ses artilleurs, six d'entre eux allèrent au tapis. Ensuite, Kuroo, Bokuto et les autres se chargèrent de suppléer les artilleurs. En effet, trop stupides pour interrompre la charge, les adultes survivants poursuivaient leur assaut. Le contact avec les commandos, toutes armes en avant, leur fut fatal. Décimés, ils s'effondrèrent sur le bitum. Seul trois d'entre eux parvinrent à passer au travers et à fuir sur le côté. Le peloton de Lev en dégomma aussitôt deux, Akaashi et Kita firent mouche ensemble sur le dernier, la flèche de l'un se plantant entre les omoplates au moment exact où le plomb de l'autre faisait voler l'occiput en éclats.
Méthodiquement, Bokuto et Yamamoto achevèrent les blessés.

L'accrochage n'avait duré que quelques secondes. Tous les adultes gisaient sur l'asphalte, morts et bien morts.

- Fchh ! siffla Satori avec admiration. Vous avez pas traîné sur ce coup-là ! Du beau boulot, ma foi.

- Tu peux dire adieu à tes carottes, dit Keiji en se tournant vers Kita.

Mais il n'y avait aucune gaieté dans sa voix. La vue des gamins morts était bien trop affligeante. Kuroo appela le peloton de Lev.

- Allez vite chercher Kiyoko. J'crois qu'on va avoir besoin d'elle. Dis-leur que tout est dégagé, mais retenez les petits le temps qu'on se débarrasse des corps. J'veux pas qu'y voient ça.

Pendant que Bokuto et Yamamoto balançaient les dépouilles des adultes dans les escaliers du métro, Kuroo alla s'enquérir de l'état des enfants.
On ne pouvait plus rien pour les trois qui étaient étendus par terre. Ils étaient bel et bien morts, leurs corps si mutilés qu'ils en étaient méconnaissables.

- On ferait bien de se débarrasser de ceux-là aussi, dit Kuroo. On n'a pas le temps pour de nouvelles funérailles.

Assise par terre, la tête du garçon posée sur ses genoux, la fille le berçait doucement, le regard perdu au loin, les yeux vides, et sourde à ce que lui disait Tetsuro. Elle avait une énorme entaille au visage.

- Tout va bien se passer, c'est fini maintenant, répétait Kuroo.

L'ombre de Satori se dessina au-dessus de lui. Il leva les yeux.

- J'croyais que t'avais dit qu'y avait pas d'adultes dans le coin, dit-il en plissant les paupières dans le soleil.

- C'est pas comme ça d'habitude, répondit Satori, un peu embarrassé.

- Si tu nous as menti...

- C'est pas comme ça d'habitude, répéta Tendō avant de se baisser pour ramasser l'épée tombée des mains du môme.

Shimizu arriva, la trousse de secours déjà ouverte. Elle s'agenouilla et examina la fille.

- Faut que je désinfecte et que je panse, dit-elle en dévissant le bouchon d'une fiole en verre. Et lui ?

Kuroo posa les yeux sur le garçon, étendu de tout son long dans une inquiétante immobilité. Il tâta son pouls et secoua la tête. Puis il dénoua gentiment les doigts de la fille accrochée au revers de son blouson et emporta le corps.
Akaashi et Kita avaient fracturé une boutique de prêt-à-porter proche et confectionné un brancard de fortune à l'aide de deux barres de penderie et d'un rideau. Ils se précipitèrent au chevet de la fille blessé et l'allongèrent dessus. Quand le reste des troupes déboucha dans l'avenue, il était difficile de croire qu'une bataille s'était déroulée là quelques minutes plus tôt. Tout était calme et silencieux, à l'exception de l'essaim de mouches qui, déjà, bourdonnait au-dessus des escaliers du métro.

Yukie fit traverser les petits et les conduisit dans Green Park où, malgré le soleil qui jouait dans les branchages et le chant des oiseaux, tout le monde avança prudemment en se remémorant l'attaque de la nuit passée. Aussi, lorsque, quelques mètres plus loin, cessant enfin de jeter des œillades inquiètes autour d'eux, ils découvrirent Canada Gate, là, juste au bout du parc, avec, en arrière plan, la masse titanesque du château de Matsumoto, ce fut un choc.

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