Chapitre 36.

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Ils approchèrent de l'édifice à pas comptés, peinant à croire qu'ils étaient arrivés à bon port. Sous leurs yeux se dessinait un des monuments les plus célèbres du pays qu'ils voyaient, certains pour la première fois, comme un possible lieu de vie et non comme un des hauts lieux du tourisme japonais. Devant la grille se trouvait un vaste carrefour de couleur rose au centre duquel, au sommet d'une volée de marches solennelles, s'élevait le monument en pierre noire.

Protégeant le palais, d'immenses grilles noires lourdement ouvragées, surmontées de pointes dorées, ceinturaient la cour d'honneur, là où, en d'autre temps, se tenait la fameuse relève de la garde. Et puis, derrière, le bâtiment lui-même. Pas vraiment le genre de château de conte de fées, plutôt un gros édifice grisâtre. Massif. Qui, bien haut d'au moins cinq étages, aurait presque paru trapu, tant sa base était gigantesque. Des rangées de fenêtres ordonnancées avec un sens de la fantaisie toute militaire couraient d'un bout à l'autre. Une arche se dessinait au centre du bloc médian, et, partant du balcon, quelques colonnes venaient apporter une touche de luxe au lieu déjà presque irréel.
Au milieu du toit joliment recourbé, un mât auquel pendait le drapeau du pays défraîchi, en berne faute de vent, s'élançait fièrement vers les cieux.

Les mômes constatèrent bientôt que des sentinelles étaient en faction dans les guérîtes. Ils ne s'y attendaient pas. Bien sûr, ils avaient imaginé que des enfants monteraient la garde, mais pas dans les postes existants, là où les soldats d'avant s'était un jour tenus. D'ailleurs, ces juvéniles sentinelles portaient un uniforme : blazer d'écolier rouge sur pantalon noir et casquette de base-ball noire. Ils avaient des fusils et une pose martiale. Voyant approcher la troupe, ils furent les premiers à s'animer. Deux d'entre eux s'engouffrèrent sous l'arche au pas de course tandis que les autres avançaient vers les grilles, fusil à l'épaule. Quelqu'un cria quelques mots depuis le balcon et, soudain, des visages apparurent aux fenêtres. Rapidement, des gamins passèrent la grande porte voûtée pour envahir la cour d'honneur et se presser aux grilles, exactement comme les touristes avant, mais dans l'autre sens.

Ils observaient en silence, les mains accrochés aux barreaux, à la fois curieux et hésitants. Ils devaient être à peu près une vingtaine, enfants de tous âges, propre et bien habillés.
Satori agita le bras et appela.

- Hé ! C'est moi, Tendō. Je suis revenu. Et regardez ce que je ramène !

De l'autre côté de la grille, des visages s'illuminèrent. Les gamins accompagnèrent le groupe qui avançait vers les volutes de métal du haut portail aux allures solennelles.

- Ouvrez ! cria Satori.

Un petit gamin surgi de l'arcade traversa la cour en courant, tenant dans ses mains un lourd trousseau de clés. Après quelques hésitations et autant de bruits de serrure, les portes finirent par s'ouvrir et ils passèrent l'imposante grille. Les soldats se rassemblèrent pour faire front. Deux rangs de gamins silencieux s'alignèrent autour d'eux.
Lev dévisagea ce cercle d'yeux fixes. Ça lui rappelait les matchs de volley dans une autre école. Tout le monde essayait de se jauger. La suspicion régnait. Qui donc étaient ces pitres ? Duquel fallait-il se méfier en priorité ? Qui pouvait-on ignorer sans risque ? Qui pourrait être un ami ? Qui un ennemi ?

Un cri retentit sur le balcon. Tout le monde leva les yeux et découvrit un garçon qui devait avoir presque dix-huit ans, flanqués de six gamins en uniforme. Grand, le teint hâlé, des cheveux foncés, bien soignés, il abordait un costume cravate et ouvrait grand les bras en souriant légèrement.

- Tendō ! Bien joué. On commençait à se demander si on te reverrait un jour.

- Aurais-tu douté de moi, Wakatoshi ?

ENEMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant