Allongée sur son lit, Yukie se perdit dans la contemplation des ombres vacillantes que la lueur des bougies projetait sur le plafond de l'infirmerie. Elle se sentait à plat. Physiquement. Aussi plate qu'une feuille de papier. Ruminer ce que lui avait fait Ushijima et repenser à la double trahison de Keiji et Kōtarō l'avaient vidée de toute émotion. À la colère avaient succédé la honte puis la crainte... Elle se sentait stupide, injuriée, bafouée. Elle n'avait plus rien à quoi se raccrocher sinon à cette douleur aux côtes que, paradoxalement, elle trouvait presque réconfortante. Au-delà de la fatigue, elle attendait avec résignation ce que le sort allait lui réserver.
Une feuille blanche.- J'en ai marre d'être comme ça, dit-elle.
- Je vois ce que tu veux dire, répondit Kuroo, lui aussi étendu sur son lit, les yeux rivés au plafond.
- Je suis sûre qu'y a un pharaon qui s'est fait graver ça sur sa tombe.
- Ouais ? Le temps passe, mais, au fond, rien ne change vraiment, hein ?
- J'sais pas, dit Yukie, je ne vois pas d'autre époque où les trois quarts de la population mondiale ont été anéantis par une maladie inconnue.
- Qu'est-ce que tu fais de la mort noire ? La grande peste. Si mes souvenirs sont bons, elle a emporté la moitié de la population. Malgré tout, l'espèce humaine a survécu. Et si c'est déjà arrivé, y a pas de raisons que ça change.
- Je te trouve bien optimiste.
- Et alors, c'est interdit ?
- Du tout. C'est juste que, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, la vie est plutôt moche ces temps-ci.
- Ah, t'as remarqué aussi ?
Simultanément, ils se tournèrent l'un vers l'autre.
- T'en fais pas, dit Kuroo avec un sourire. On va s'en sortir. C'est moi qui te le dis.
- Tu sais quoi ? répondit Yukie. T'es beaucoup plus sympa quand t'es pas avec les autres. Tu te la joues moins.
- Faut être dur pour survivre, fillette. Cacher ses points faibles.
- Ouais, pour toi qui as toujours vécu comme ça, c'est peut-être facile, mais moi, avant, j'étais une fille ordinaire. Rien de spécial. Même pas particulièrement sportive.
- Tu sais rien de moi, fillette.
- Mais si, voyons ! Des types dans ton genre, j'en ai connu des tonnes, avant le désastre, qui se pavanaient dans les rues en faisant peur aux gens. Je sais même pas comment Kenma a pu tomber sous ton charme, ajouta-t-elle en riant.
- Tu sais que j'étais extrêmement timide quand j'étais plus jeune ?
- Ah bon ?
- Eh ouais. Quand j'ai rencontré Kenma, on était encore que des gamins, j'étais mortifié à l'idée de parler à quelqu'un d'inconnu. J'aurais presque pu me mettre à pleurer.
- Waouh, mais c'est tout naze, ça, comme réaction.
- À qui le dis-tu... ? Mais petit à petit on a appris à se connaître et puis... (il soupira un grand coup, empêchant de naître un sourire sur son visage), je l'aime. Ça contraste avec le grand guerrier dur à cuire, hein ? Mais je te jure que si on sort vivant de toute cette merde, je l'épouse.
Yukie éclata de rire.
- Ok, sortons d'ici alors ! Après on avisera.
- D'acc. Mais, en admettant qu'on arrive à se tirer d'ici, on irait où ?
- On a Tokyo pour nous, Kuroo. C'est pas les endroits qui manquent.
- Sans doute, mais on connaît rien dans ce coin. On sait pas où ça craint.
- Allez, répondit Yukie, y a bien d'autres gamins comme nous quelque part. On ne peut pas être les seuls.
- Peut-être, mais y a peu de chances que ce soit aussi sûr qu'ici, aussi structuré. Ushijima a quand même fait du bon boulot au palais.
Ils frôlèrent tous deux la crise cardiaque en entendant une voix s'élever à l'autre bout de la pièce.
- Ushijima ment.
Dans le feu de la discussion, ils avaient oublié jusqu'à la présence de la fille au visage bandé qu'ils avaient secourue à Green Park.
Ils la regardèrent, stupéfaits. Ses yeux scintillaient dans la pénombre.- Qu'est-ce que tu dis ? demanda Kuroo qui avait pourtant très bien entendu.
- Ushijima ment, répéta-t-elle. Il vous mène en bateau depuis le début. Pourquoi croyez-vous qu'il me retient ici, à l'écart ?
- Ben... à cause de tes blessures ? répondit Kuroo, perplexe.
Ça sautait aux yeux, non ?
- Elles ne sont pas aussi graves qu'elles en ont l'air. Les coupures au visage sont impressionnantes parce qu'elles saignent beaucoup, mais Azumane m'a très bien soigné. Ok, je vais peut-être ressembler à une vieille planche à pain, mais c'est que de la peau. Non, la vérité, c'est que Ushijima voulait éviter que je me mêle à vous, que je parle. Dès que j'ai compris qu'il me retenait prisonnière, j'ai plus décroché un mot, à peine esquissé un geste. Juste écouté.
- J'comprend pas, dit Kuroo. Tu viens d'où ?
- Du musée.
- Le musée ? Quel musée ? demanda Kuroo.
- Le musée d'histoire, répondit la fille. On est plein là-bas. Et c'est bien mieux qu'ici. Il y a un tas de maisons aux alentours et d'endroits où trouver de quoi manger, même si, nous aussi, on plante.
- Exactement comme Ushijima, en somme ? dit Kuroo.
- Exactement comme Ushijima. Sauf qu'il ne veut pas que vous le sachiez.
- Tu m'étonnes, commenta Kuroo.
- Et y a pas que nous, ajouta la fille. Y a des gamins partout dans Tokyo, bien installés dans des endroits sûrs, à l'abri, qui survivent. On a déjà proposé à Ushijima de tous s'allier, de partager, mais il a refusé. Ça ne l'intéresse pas. Ce qu'il veut, c'est tout pour lui.
- Le roi Ushijima, ironisa Yukie.
- Avec mes amis du musée, poursuivit la fille, on était à la recherche d'un groupe de copains à moi que j'avais perdus de vue, y a un an de ça. On a entendu dire qu'ils étaient peut-être de l'autre côté de la ville. Habitués à la vie au centre-ville, on pensait que ça serait facile d'aller les chercher. On s'est pas méfiés. On a pensé qu'on rencontrerait bien quelques adultes, mais c'était plus comme avant. Tu parles ! On n'était pas partis depuis une heure... que... on est tombés sur ces affreux... en chasse...
Trop émue pour continuer, elle marqua une pause, le regard perdu au loin.
- Tout va bien, la rassura Yukie.
- Je veux rentrer chez moi.
- Au musée ? demanda Kuroo.
- Oui. Si vous m'aidez à quitter cet endroit, je vous emmène avec moi.
- Si y a des gamins un peu partout, bien établis, pourquoi on aurait besoin de venir avec toi ? fit valoir Kuroo.
- Parce que... Eh bien... Par pur égoïsme. Parce que je veux rentrer chez moi.
- Une raison bien suffisante à mes yeux, dit Yukie. En plus, au moins, c'est franc, pas une nouvelle embrouille à coucher dehors.
- Parfait ! s'exclama Kuroo. On est partis !
- Je voudrais pas jouer les rabat-joie, objecta Yukie, mais je vous rappelle qu'on est enfermés.
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ENEMY
FanfictionL'épidémie a frappé tous ceux qui avaient vingt-deux ans passés. D'abord elle les a rendus fous. Ensuite elle a ravagé leurs corps. Et les a transformés en zombis terrifiants. Attention, certaines scènes peuvent choquer. UA Haikyuu Histoire lon...