Chapitre 49.

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- Là, ça fait mal ?

- Aïe ! Oui !

- Et là ?

- Aussi ! D'façon, j'ai mal partout !

  Shimizu adressa à Yukie un sourire qui se voulait rassurant.

- Je ne crois pas que ton bras soit cassé. Enfin, pour autant que je peux en juger après un examen comme celui-là. En revanche, tu vas avoir une sacrée ecchymose, un gros bleu, quoi.

- Tu parles d'un scoop.

- T'es vraiment pas coopérative, tu sais.

- Je ne veux pas être coopérative. Et pour mes côtes ?

- Là, par contre, il y a peut-être des fractures. Mais aucun os ne semble déplacé. Donc, comme y a pas grand-chose à faire dans ces cas-là, tu dois juste faire très attention, et éviter de rigoler.

- Ça tombe bien, j'ai pas le cœur à rire.

  Yukie promena son regard sur le plafond, ornementé de pompeuses moulures en stuc, dorées à la feuille, d'où pendaient une série de lustres poussiéreux. Marrant comme on pouvait vite se faire à ce genre d'environnement.

- Tu devrais quand même monter à l'infirmerie avec Kuroo, dit Kiyoko. Que Azumane et les infirmières s'occupent de toi. Ils sont super équipés là-haut.

- Pas question que je les laisse me triturer, répondit fermement Yukie. Ça va aller.

  Une affirmation que contredisaient les douleurs qui la lançaient de partout. Son flanc n'était plus qu'un hématome. Elle pouvait à peine bouger le bras.
  Et puis elle n'arrêtait pas de penser à Iwaizumi.
  Ils l'avaient enterré dans les jardins du palais, ce matin même, dès qu'ils étaient revenus. Debout sous la pluie, dans un silence funèbre, ils avaient tous assisté à la mise en terre. Yukie avait voulu prononcer quelques mots, comme Hajime l'avait fait lorsqu'ils avaient incinéré Daichi, mais elle n'avait pas su quoi dire.

- Je vais aller te chercher des antidouleurs, dit Shimizu.

- Ok, merci.

- Et essaie de penser à des choses positives. Ça te fera guérir plus vite.

- Des choses positives... ? Je vais essayer.

- Je sais que c'est pas facile.

- Tu vois, Shimizu. Le truc c'est que, si on est venus ici, c'était pour vivre mieux. On pensait que tout s'arrangerait dès qu'on serait arrivés. Mais, finalement, c'est presque pire qu'avant.

- Allons, allons ! Tu crois pas que tu oublies un peu comment c'était à Waitrose ? Rappelle-toi. L'enfer. Pratiquement pas une semaine ne s'écoulait sans que l'on perdre un des nôtres.

- Au moins, avant, on savait dans quel camp on était. On était soudés. On était proches. Maintenant, on est trop nombreux. On se disperse. Les liens se distendent. À la limite, tout est plus compliqué.

  L'arrivée soudaine d'Akaashi coupa court à la discussion.

- Je viens d'aller voir Kuroo, dit-il. Il est à l'infirmerie avec la fille qu'on a repêcher près de Green Park.

- Ah, tiens, c'est vrai, répondit Yukie. Je l'avais complètement oubliée, celle-là. Comment va-t-elle ?

- Pas terrible, je crois.

- Et Kuroo ?

- Bah, au moins, il est conscient, mais il n'arrête pas de dégueuler. On dirait du jaune d'œuf.

- De la bile, précisa Kiyoko. Ça arrive souvent en cas de commotion cérébrale.

- Y a quelqu'un avec lui ? demanda Yukie.

- Y avait Kenma et moi, mais Azumane nous a demandé de partir. Il a dit qu'il avait besoin de repos. Et toi ? Ça va ?

- Oui, oui, t'inquiète.

  Keiji se laissa tomber sur une chaise.

- Bon, tant mieux. Parce qu'y a Ushijima qui veut te voir pour parler de ce qui s'est passé ce matin.

- J'ai rien à lui dire.

- On lui doit bien...

- On ne lui doit rien du tout ! explosa Yukie.

- En fait, si, répondit Keiji. Ils nous ont donné à manger, ils nous ont hébergés... Alors, c'est peut-être une tête de fion, mais il est loin d'être débile et il s'est construit un truc pas vilain ici. On va quand même pas tout foutre en l'air maintenant ?

- Écoute, je vais pas passer mon temps à me battre à sa place, répondit Yukie. C'est pas une vie.

- Sans doute, mais, pour l'instant, c'est la seule qu'on a, rétorqua Keiji. Et où qu'on aille dans Tokyo, ça sera la même chose. Il faudra se battre. C'est le monde d'aujourd'hui qui est comme ça. Alors autant qu'on se batte pour quelque chose qui en vaut la peine. Et autant qu'on soit du côté de ceux qui ont le plus de chances de l'emporter.

- Ah, je vois le genre. Maintenant, imaginons que ce soient les branleurs de ce matin qui, pour une raison ou une autre, prennent le dessus. Tu te rangerais de leur côté ?

  Akaashi poussa un profond soupir en passant lentement la main dans ses cheveux noir.
  Il remâcha la question un moment, mais ne répondit pas.

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