Chapitre 11.

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Non, il n'était pas mort. Cette pensée, fermement ancrée dans un coin de son esprit, le taraudait. Définitivement, Hinata n'était pas mort. Quand ils l'avaient fourré dans le sac, il s'était dit que ça y était, que tout était fini, et il s'était évanoui. Combien de temps était-il resté inconscient ? Difficile à dire. Toujours est-il qu'il avait repris connaissance, secoué par les cahots de l'adulte qui le portait sur ses épaules. L'homme puait, mais le sac encore plus. Un sale remugle de viande avariée. Hinata était mal dans le sac. Il n'y voyait rien.

Ils l'emmènent quelque part et le laissèrent tomber par terre. Impossible de savoir où. Et pour cause, puisqu'il était toujours dans le sac. Ça leur avait pris environ dix minutes pour l'amener là où il était, au sommet de l'escalier. Un long escalier. Avec beaucoup de marches. Sans doute un étage élevé.
Au début, dès qu'il faisait mine de bouger, un adulte lui balançait un coup de tatane et, s'il pleurnichait, il en ramassait un autre. Ensuite, l'un d'eux s'était assis sur lui. Ça avait duré un moment et puis, quand il avait cessé de se débattre, l'homme s'était levé. Ensuite, Shōyō avait fait le mort et ils l'avaient laissé tranquille.

Alors, comme ça, il était toujours vivant. Pour l'instant, du moins. Mais, à moins d'un retournement du sort comme on n'en faisait plus, il ne verrait probablement pas le jour se lever car il ne faisait aucun doute que les adultes prévoyaient de le manger. N'était-ce pas ce qui arrivait aux jeunes qu'ils capturaient ? Si ce n'était déjà fait, c'est juste qu'ils étaient rassasiés... pour le moment.
Tandis qu'il était allongé là, muet comme une carpe et aussi immobile qu'un gisant sur une pierre tombale, il avait deviné qu'ils mangeaient. Ils avaient dû attraper un autre gamin avant lui. Heureusement, celui-ci était déjà mort. Hinata n'aurait pas supporté de l'entendre parlementer, appeler à l'aide, hurler de peur...

Les entendre dévorer leur proie était déjà assez insupportable comme ça. Des bruits spongieux résonnaient dans la pièce, entrecoupés par le déchirement des chairs qu'on arrache et, de temps à autre, par le craquement sec d'un os qu'on brise. Sans parler des borborygmes de satisfaction qui accompagnaient la bruyante mastication des mandibules, les longues succions et les rots tonitruants. Parfois, ça craquait sous la dent, ou l'un des convives crachait. Il y eut même une sorte d'échauffourée.

De son côté, Hinata hésitait entre la joie de se voir accorder un répit, et la compassion pour l'autre gamin. Comme il était content de ne rien voir ! L'odeur du sang était assez difficile à supporter comme ça. Ça lui donnait envie de vomir.
Il avait eu si peur. Peur comme jamais de sa courte vie, bien que les moments de terreur n'aient jamais manqué. Comme lorsque son père et sa mère l'avaient abandonné. Ça s'était passé la nuit. Sa mère était entrée dans la chambre qu'il partageait avec sa petite sœur, Natsu. Maman avait l'air d'aller très mal. Elle avait les traits tirés, le teint jaune. D'épaisses poches noirâtres soulignaient ses yeux et elle transpirait à grosses gouttes. Des pustules grisâtres avaient poussé autour de son nez, comme sur une adolescente ravagée par l'acné. Elle tremblait, claquait si fort des dents qu'un battement sans fin s'échappait de sa bouche. Elle l'avait réveillé et l'avait serré dans ses bras. Il avait senti ses larmes dans son cou. Elle lui avait dit que papa et maman devaient partir. Elle avait ajouté qu'il n'y avait plus rien qu'elle puisse faire pour sa sœur et lui, et que, si elle restait, elle risquait même de représenter un danger pour eux.

Il s'était alors remémoré comment Jeannette, une mère française célibataire qui habitait au-dessus de chez eux, avait tuer ses propres enfants avant de se jeter par la fenêtre. Ils connaissaient les petits, Jack et Kelsie, pour avoir plus d'une fois joué avec eux. Mais partout de terribles choses s'étaient produites. Pire que dans Docteur Who. Pire que dans n'importe quel film d'horreur.

Maman lui avait demandé de veiller sur Natsu et il s'y était employé. Du mieux qu'il avait pu. Sauf que, bon, il ne pouvait pas non plus faire des miracles. Il n'était qu'un enfant. Et voilà que maintenant il n'était plus à ses côtés. Elle devait être terrorisée sans lui. Il espéra que ses parents comprendraient. Car, il fallait se rendre a l'évidence, il était trop jeune pour s'occuper réellement de quelqu'un.

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