Assis tout seul dans les cuisines du palais, où il était venu se réfugier pour trouver un peu de calme et de chaleur, Bokuto était en train de manger une grosse assiettée de spaghettis à la sauce tomate. Il voulait un peu de temps pour lui avant le combat. Se concentrer. Et aussi faire le plein de sucres lents, comme un marathonien avant le départ d'une course. Il avait joué les fiers-à-bras là-haut, endossé l'habit du dur à cuire, pourtant, au fond de lui, il savait que ça n'allait pas être aussi facile que ça. Yūji était le genre de brute dont il fallait se méfier.
Quelqu'un frappa à la porte. Levant une seconde le nez de son assiette, il aperçut Tendō, un petit bouclier rond à la main.
- Je te cherchais.
- Eh ben tu m'as trouvé.
- Ouais, dit Satori en laissant bruyamment tomber le bouclier sur la table. C'est qu'un truc d'apparat, mais ça pourrait toujours t'être utile.
Bokuto se leva et saisit l'objet. Il était constitué d'une fine feuille de métal montée sur une armature de bois et de cuir. Il passa son bras dans l'anse et referma les doigts sur la poignée.
- Pas mal, dit-il en esquissant quelques mouvements. Léger, équilibré. Dommage que j'aie pas eu ça plus tôt.
Satori prit place à table et demanda :
- T'es sûr que tu peux le battre ?
- Si je l'étais pas, j'aurais aucune chance.
- Je vais voir si je peux trouver un bout d'armure ou kekchose.
- Laisse tomber, ça ferait que me ralentir, répondit Bokuto en retirant le bouclier pour retourner à son dîner. En plus, j'y suis pas habitué. Ça ira comme ça.
Il avait revêtu sa tenue de combat : survêtement et tennis. Elle contrastait avec celle de Tendō. C'était quoi, ce manteau en patchwork, d'abord ?
- Dis-moi un truc, Oudini...
- Ouais ?
- Ushijima a un costume de banquier, tout le monde ici est plutôt fringué strict, genre uniforme d'école, alors que toi, on te vois jamais sans ce vieux machin miteux. Faut que tu m'expliques.
- Avant, j'habitais Ginza, répondit Satori.
- Quartier de rupins.
- Si tu veux. Ce qui s'est passé, c'est que quand est survenu ce que vous appelez le désastre...
- Pourquoi, t'appelles ça comment, toi ?
- Je ne l'appelle pas. Ce qui est... est. Point à la ligne. Mais, bon, comme je disais, quand c'est arrivé, je me trouvais dans une grande maison. Un truc immense. Avec une ribambelle de mômes. Essentiellement des copains, au début, et puis plein d'autres qui sont venus se greffer. C'était le pied à ce moment-là. Y avait plein de baraques de richards, autour, où l'on a ramasser des trucs pas croyables, en quantité délirante. On a pensé qu'on était sortis d'affaire. Et puis...
- Des adultes.
- Ouais. Des adultes. Et pas des tendres. Or, parmi nous, y avait pas un seul guerrier de ton calibre, Bo'. On n'avait pas la moindre chance. Y avait une fille avec nous, Perséphone.
- Prénom grec...
- Si tu le dis. Quoi qu'il en soit, la première à se faire avoir à été sa sœur. Ensuite, on a partagé entre nous tout ce qu'elle possédait. Perséphone a pris sa robe du soir préférée et elle en a découpé un bout. Puis elle l'a cousu sur un autre tissu. En souvenir. Ensuite, chaque fois qu'un gamin mourait, elle faisait pareil avec un de ses vêtements. En quelques semaines, elle s'est retrouvée avec une sorte de couverture matelassée. Elle m'a montré comment elle faisait. Et puis, tu sais comment c'était à l'époque, y avait pas grand-chose à faire pour passer le temps, alors j'ai appris à coudre. Quand Perséphone est morte, j'ai ajouté son carré. Pour finir, on a été forcés de quitter ce quartier, parce que c'était plus tenable. On est allés en ville, là où c'était plus calme. Certains sont morts en route. Mais pas tous. Azumane était là, ainsi que deux ou trois autres qui sont maintenant au palais. Finalement, quand on est arrivés ici, j'ai monter la couverture en manteau. Pour garder près de moi le souvenir de tous ces morts. Tu sais combien y a de carrés ?
- Aucune idée.
- Quarante-trois. Euh, non, quarante-quatre en comptant celui de Hajime que j'ai ajouté aujourd'hui, dit Satori en montrant un morceau de tissu neuf. Et celui-là, c'est Daichi.
- T'as pris sa chemise ?
- Il en avait plus besoin.
- Ouah, mec, t'es glauque. Ma parole. Super glauque. Sans ça, t'en penses quoi que Ushijima te mène par le bout du nez ?
- Et toi ? répondit Tendō du tac au tac.
- Pff, du moment que j'ai de quoi béqueter et un endroit au sec où dormir, moi, ça me va. J'ai pas envie d'être chef. Trop de trucs à penser. Mais toi... tu l'aimes bien, au moins, ton Ushijima ?
- Il est secoué, dit Satori. Et ça s'arrange pas avec le temps. Mais, pour l'instant, ça marche. Il a dix-huit ans, tu sais ? C'est vieux.
- Ah ouais ?
- Ouais. Des fois, je me demande si c'est ça qui le rend comme il est. Je l'observe. Je guette les signes annonciateurs. Tu sais, les furoncles et tout ça. Pour l'instant, rien. N'empêche, personne sait ce qui va se passer quand on va arriver à l'âge adulte...
- J'aime pas penser à ça, mec, répondit Bokuto. Je préfère autant pas en parler.
- Non. Tu as raison. Désolé, s'excusa Satori.
Il étudia silencieusement Kōtarō un instant puis ajouta :
- Si tu gagne ce soir, Bo', tu vas te retrouver en position de force, tu sais. Tu pourrais le renverser... si tu voulais.
- Je t'ai dit, ça m'intéresse pas d'être chef.
- À toi tout seul, peut-être, mais à nous deux, on ferait une sacrée équipe.
- Tu parles, j'aurais trop peur de te tourner le dos et de me retrouver avec un poignard entre les omoplates. J'ai toujours su qu'on pouvait pas te faire confiance, mec.
- Je suis un survivant, Bo'. Un winner. Comme toi. Tu vois, sur ce manteau, y a quarante-quatre trépassés mais un seul vivant pour le porter.
- Tu vas ajouter un autre carré, ce soir ? Après le combat ?
Satori haussa les épaules.
- Espérons seulement que ce sera pas le tien, répondit-il en se levant.
- Compte là-dessus. D'façon, avec le bouclier que tu m'a filé, y peut rien m'arriver. Terushima a qu'à bien se tenir.
- T'imagines que j'aie dû lui en donner un aussi.
- Quoi ?
- Fallait bien que le combat soit égal.
- T'es qu'une saloperie de vipère, Tendō, tu sais ça ? Si ça se trouve, t'as eu exactement la même discussion avec Yūji, je me trompe ? Bah, allez, tu me débectes...
Pour toute réponse, Satori éclata de rire et quitta la pièce.

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ENEMY
FanfictionL'épidémie a frappé tous ceux qui avaient vingt-deux ans passés. D'abord elle les a rendus fous. Ensuite elle a ravagé leurs corps. Et les a transformés en zombis terrifiants. Attention, certaines scènes peuvent choquer. UA Haikyuu Histoire lon...