44

386 28 23
                                    

ELIF

Rien n'a changé...

J'avance à travers les rues de cet endroit où j'ai grandi et j'observe chaque recoin, chaque endroit. Les façades des immeubles sont toujours pareilles, les commerces, l'agitation...

Rien n'a changé...

Plus j'avance, plus les souvenirs remontent à la surface. Chaque endroit où je pose les yeux me rappelle un souvenir en particulier.

La boulangerie de monsieur Johnson me rappelle tous les bons pains tout chauds que mon père ramenait quand il rentrait du travail. La boutique de fleur de madame Rose où papa achetait toujours des fleurs pour maman parce qu'elle ne savait pas en prendre soin. Papa lui disait qu'elle était un danger pour les plantes et en retour elle lui donnait un coup dans le côté.

Je souris à ce souvenir. Les fleurs se fanaient toujours au bout de deux jours, leur durée de vie la plus longue fut d'une semaine parce que j'étais en vacances et que maman me payait pour les arroser à sa place. Sans que papa n'en sache jamais rien, même si je crois bien qu'il se doutait de quelque chose.

Rien n'a changé.

Je suis revenue à Charleston hier, dimanche. Le samedi après ce que j'ai appris et ma discussion avec Noan, je suis rentrée chez moi et j'ai passé le reste de la matinée à cogiter, pleurer et me remettre de mes émotions.

Lorsque Myra est arrivée, je lui ai tout de suite tout raconté. Elle était au courant que j'allais voir Noan, c'est même elle qui m'y a obligé. Je lui ai tout dit et je lui ai aussi fait part de ma décision soudaine de retourner dans ma ville natale juste pour quelques jours.

J'en avais besoin.

J'en ai besoin. Pour me ressourcer, pour en parler à mes parents même s'ils ne sont plus là. En général, je ne reviens à Charleston qu'à la date de décès pour déposer des fleurs sur leur tombe. Je ne passe jamais plus d'une journée. Je viens juste sur leur tombe, j'y passe une ou deux heures et après je pars prendre mon train pour retourner à ma nouvelle vie.

Cependant aujourd'hui, j'ai eu à cœur de revenir dans mon ancien quartier. Je suis arrivée tard la veille alors je n'ai pas eu le temps de partir sur la tombe de mes parents. J'ai pris une petite chambre dans un motel à seulement quinze minutes en bus de mon ancien lieu d'habitation. D'habitude, je n'aime pas revenir ici parce que j'ai toujours eu peur de faire face à mon passé. De ressentir ce que je ressens actuellement, de la nostalgie, de la joie, de la peine. Je me fustigeais suffisamment pour leur mort alors je ne pensais pas mériter de ressentir tout ça. Je ne voulais pas revoir tous ces flashbacks et me rappeler de combien j'ai été heureuse ici.

Je ne voulais pas revoir toutes ces personnes qui nous ont connu et voir de la pitié dans leur regard.

Mais aujourd'hui, je suis pourtant là à déambuler dans ces rues que je connais comme ma poche et revoir ces visages à la fois familiers et étrangers. J'essaie malgré tout de me faire discrète.

La seule personne que j'ai vraiment envie de revoir c'est Madame Evry. Cette femme adorable qui m'a vu grandir et qui a participé d'une certaine manière à mon éducation. Lorsque j'avais pris la décision de partir et que je lui en ai parlé, elle ne m'a pas retenu. Au contraire, elle m'y a encourager en me souhaitant de trouver la paix, la joie mais surtout l'amour. Ce jour-là, elle m'a pris dans ses bras en me disant de ne pas l'oublier et de revenir la voir souvent pour lui montrer quelle belle femme je deviens.

Et voila que c'est au bout de 3 ans que je reviens. Après des années sans avoir pris la moindre nouvelle d'elle, je reviens comme une fleur. J'espère malgré tout pouvoir me faire pardonner de mon abandon soudain et pouvoir lui parler de tout ce que j'ai vécu.

Shades Of LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant