Shades Of Love

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ELIF (Partie 1)

Après notre rencontre improvisée entre Noan et moi, j'étais impatiente d'être à samedi. Et plus cette impatience grandissait, plus les jours me paraissaient durer des années. Les jours passaient à une allure d'escargot, sans compter le fait qu'il n'était toujours pas revenu à la fac.

Il avait fini par se procurer un nouveau téléphone et m'écrivait chaque matin pour me souhaiter une agréable journée en me disant qu'il avait hâte qu'on se retrouve le samedi. Ses messages me rendaient de bonne humeur, ce que bien sûr Myra avait remarqué. Cependant, elle s'abstenait de m'interroger et je lui en étais reconnaissante. Je n'avais plus vraiment besoin de me cacher puisqu'elle était maintenant au courant que je fréquentais quelqu'un. La seule interrogation qui subsistait était de savoir qui ? mais pour le moment, je voulais conserver encore mon petit jardin secret.

Je prenais aussi quotidiennement les nouvelles de la mère de Noan dont la santé s'améliorait de jours en jours grâce à Dieu.

Depuis notre conversation, je commençais à voir ce dernier différemment et bizarrement je me sentais encore plus proche de lui car j'avais l'impression de partager avec lui une douleur commune. De ce qu'il m'a dit, il a lui aussi perdu un être cher et je ne pouvais que comprendre ce qu'il vivait pour avoir moi-même perdu mes deux parents de manière tragique.

Chacun réagit différemment face à une douleur. Certains essaient de remonter la pente, de s'en sortir et d'aller de l'avant. Tandis que d'autres s'enfoncent dans la noirceur et vivent comme une sorte de trouble post-traumatique en rejetant sur les autres leur douleur, comme s'ils leur en voulaient et les tenaient pour responsables des pertes qu'ils ont subi.

Parfois, ils s'en sortent et parfois non. Ils deviennent pour la plupart alcooliques, violents, mutiques.... En somme, ils adoptent des comportements autodestructeurs et préfèrent vivre dans le passé.

Plus je me remémore les dits de Noan et plus je comprends que le mal-être qu'il vit ne vient pas seulement des pertes qu'il a subi, mais en particulier d'une vie de famille assez compliquée pour ne pas dire désastreuse. Et je crois que tout ceci a amplifié sa peine.

Et aujourd'hui, je commence enfin à cerner et à comprendre ce qu'a voulu me dire Chris quand il m'a dit à la soirée que Noan n'a pas toujours été comme il est à présent. Bien sûr, cela n'excuse pas ses actes mais je commence à comprendre. Et ce fait, plutôt que de m'éloigner de lui me donne envie du contraire.

Je veux me rapprocher encore plus de lui, le comprendre et l'aider à aller de l'avant. Je n'ai moi-même pas totalement accepté la mort de mes parents, mais je me dis que pour deux écorchés de la vie que nous sommes, on pourrait se comprendre et se soigner mutuellement.

Grâce à Myra, j'ai réussi à accepter leur mort et à sortir de la dépression que je vivais inconsciemment. Ayant elle-même vécue le même drame que moi, elle me comprenait et m'aidait à avancer doucement mais surement vers la guérison.

Son aide m'a été plus que précieuse et aujourd'hui j'arrive à parler d'eux et penser à eux sans pleurer. On nous dit souvent que la douleur finit par disparaître et que le temps soigne les blessures mais c'est faux.

La douleur ne disparaît jamais, elle reste sous-jacente. On apprend à vivre avec et à l'accepter petit-à-petit sans pour autant lui donner le pouvoir de nous anéantir. On finit par sortir du déni et accepter que ce soit fini et que nos pleures et nos lamentations ne ramèneront jamais nos morts.

Et c'est là l'étape la plus difficile : l'acceptation. Parce qu'elle est un peu synonyme d'abandon, alors que non. Dans ce cas précis, elle est synonyme de compréhension. Sans elle, on ne pourra jamais s'en sortir et on continuera de vivre toujours enfermé dans le passé, ainsi que de revivre sans cesse ces moments traumatisants de notre existence. En acceptant, on permet à notre mémoire de ne retenir que le meilleur, afin que ces souvenir nous procure plus de joie que de peine.