PROLOGUE

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La solitude.

Cette sensation, ce sentiment qui vous oppresse la poitrine. Qui vous donne l'impression d'être seul dans un monde peuplé de milliards de personnes. Vous avez cette impression que personne ne vous voit, que personne ne vous entend ni ne vous ressent. Vous marchez dans la rue et vous êtes invisible, inaccessible, transparent, tout comme le vent.

C'est ce que je ressens. C'est ce que je vis. Chaque jour. Chaque instant. Lorsque je marche, lorsque je parle, lorsque je regarde autour de moi. Cette sensation me brûle l'estomac, m'oppresse et me fait pratiquement suffoquer.

Depuis trois ans, trois longues et interminables années. Ce jour où je les ai perdus, ce jour où ils sont partis dans cet accident. Mes parents, ceux grâce à qui je vis, ceux qui se sont tant sacrifiés pour moi. Ceux qui m'ont façonné.

Tout ce dont je me souviens de cette nuit horrible c'est que notre voiture a été renversée par un chauffard qui conduisait en état d'ivresse et qui est aussi mort sur le coup. Un jeune homme d'à peine vingt-cinq ans m'ont dit les policiers à mon réveil, 5 cinq mois plus tard à l'hôpital. Je continue toujours de me demander pourquoi je ne suis pas morte avec eux et pourquoi j'ai eu cette malchance de vivre à leur place. Les ambulanciers m'ont dit qu'ils ont trouvé notre voiture en feu et écrasée contre un arbre.

Ils ont pu me sauver de justesse car les portières arrière n'étaient pas coincées. Le corps de ma mère gisait sur le capot car elle a traversé le parebrise. Elle est morte sur le coup. Mon père avait les deux jambes coincées mais il était toujours en vie à l'arrivée des secours. Il est mort pendant l'opération à cause d'un morceau de verre qui s'était implanté dans sa poitrine et qui avait endommagé un organe vital : son cœur. Moi je n'ai eu qu'une hémorragie interne, une commotion cérébrale, une cicatrice assez moyenne dans le cou à cause des éclats de verre et des points de sutures. Je suis restée cinq mois dans le coma, mais ils sont morts tous les deux.

Aujourd'hui marque les trois ans de leur décès, j'ai maintenant vingt et un ans mais j'ai l'impression de revivre cette soirée encore et encore.

J'ai l'impression que je ne m'en sortirais jamais et pourtant il le faut, il faut que je tourne la page et que je m'en sorte pour eux, mais surtout pour moi. C'est pourquoi, assise devant les pierres tombales des deux personnes qui comptent le plus pour moi, je prends cette décision qui me brise le cœur mais qui est nécessaire, celle de m'en aller et de tout reprendre à zéro. Je leur promets de revenir aussi souvent que possible mais il faut que je parte sinon je sombrerais encore plus.

Je fixe leur tombe une dernière fois en essuyant mes larmes et en leur disant que je les aime. Puis, munie de mes deux valises, je me retourne et marche vers la sortie du cimetière.

Ainsi débute un nouveau chapitre de ma vie. Peut-être le regretterais-je, mais il m'est indispensable. Assise dans le train qui me conduit vers ma nouvelle vie, je fixe le paysage et les rues dans lesquelles j'ai grandi en me remémorant les meilleurs moments. Je serre contre ma poitrine notre photo de famille en me promettant et en leur promettant de m'en sortir quoi qu'il m'en coûte et de ne pas les décevoir. C'est ça mon leitmotiv. C'est ça mon objectif. 

Shades Of LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant