« [𝓣𝓸𝓶𝒆 𝟐 𝓢𝓝𝓚] ℒ𝒆𝓼 𝓐𝓲𝓵𝒆𝓼 𝓭𝒆 𝓵𝓪 ℒ𝓲𝓫𝒆𝓻𝓽𝒆́ »

Chapitre 30 : Réunion de crise

*7 mai 850 - soir*

Cela avait été une sacrée situation qui s'en était suivie, après ces retrouvailles amicales peu habituelles et la réception des uniformes du Bataillon pour les recrues, dans les sous-sols du quartier général où aucune oreille indiscrète ne pourrait nous entendre. Jean avait mis les choses au clair avec Eren, au sujet de son pouvoir de Titan. (Notre « face de cheval » s'était révélé assez surpris en découvrant que le brun ne se souvenait pas d'avoir attaqué Mikasa, lors de la perte de contrôle de son Titan.) Il s'était montré un peu trop franc, même envers Mikasa qui se montrait, on ne va pas se mentir, trop protectrice envers Eren - « Écoute, Mikasa, on n'est pas tous dans ton cas, à vouloir forcément mourir juste pour les beaux yeux d'Eren. » -, et envers le principal intéressé - on risquerait de connaître le même sort que Marco, qu'Eren ne s'en rendrait même pas compte - cela avait néanmoins le mérite de remettre les pendules à l'heure chez les nouvelles recrues. De s'assurer de la garantie avant de mettre nos propres vies en jeu, et si ça en valait vraiment la peine. D'un air sombre Jean avait rétorqué à Eren de ne pas nous faire de blague, et qu'on comptait tous sur lui.

Évidemment, j'avais aussi eu le droit à mon propre interrogatoire. Tous me demandaient pourquoi je n'avais jamais parlé de mon frère auparavant. Bon, je reconnaissais que je ne m'étendais pas forcément sur le sujet, et que mes soucis avaient pris le pas sur mes pensées. Mais mes camarades reconnaissaient ne pas s'être davantage montrés plus curieux, de ne jamais avoir songé me poser la question à ce sujet.

On ne pouvait jamais deviner ce que la personne traverse comme épreuves douloureuses, avant de l'avoir vécu soi-même.

Jean avait vécu le traumatisme en perdant son meilleur ami, comme moi, je l'avais vécu, en perdant mes parents et Théa des années auparavant.

Il pleurera Marco pendant longtemps, même si Jean ne le montrait pas.

Très peu de temps avant le dîner, mes sens, ainsi qu'un oppressement dans la poitrine, me prévinrent d'un remue-ménage naissant dans la chambre où Giacomo Sinise avait été laissé, tôt ce matin. Je fis alors demi-tour et je traversai rapidement les couloirs, Buck sur mes talons. Quelques autres recrues de ma promotion passant par là furent surpris de me croiser en sens inverse ; je n'y prêtai aucune attention. En entrant dans la pièce en question, les paroles d'Annelies parvinrent à mes oreilles :

- Quel soulagement ! Je suis heureuse que vous soyez guéri, Giacomo.

Sacrée Annelies, sa douceur et son cœur d'or prenaient toujours de court l'interlocuteur, peu importait ses origines. Cela faisait même quasiment fondre beaucoup de gens.

Des grognements de douleur vinrent du lit avant qu'une voix rauque ne les interrompe.

- Comment sais-tu mon nom, gamine ?

Giacomo Sinise venait de se redresser difficilement dans son lit, le teint pâle et en sueur, le torse recouvert de bandages, ses cheveux mi-longs recouvrant son visage. Son regard perçant fixait intensément ma petite sœur, qui détourna un instant le sien pour jeter un œil à Bambi (la chouette était posée sur l'une de ses épaules), avant de reporter son attention sur l'homme, silencieuse. Son calme ébranla Sinise.

- Ah, c'est vrai. Ta frangine t'en a touché deux mots.

- Elle connait seulement votre nom, Sinise, raillai-je, sortant ainsi de mon silence. Ne dites plus un mot à l'attention d'Annelies, ou vous regretterez notre décision de vous avoir sauvé de la mort.

Aucun des deux ne s'attendait à me voir débarquer de sitôt dans la chambre. Et à mon regard noir lancé à Giacomo Sinise, alors que je m'avançais vers le centre de la chambre, le principal intéressé comprit que je ne plaisantais pas. Que ce n'était pas le moment de me faire chier. Lors du moment où je l'avais encastré dans le mur, trois ans plus tôt, il savait pertinemment de quoi j'étais capable.