Chapitre 53 : Souricière

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*nuit du 23 au 24 juin 850*

- Vous êtes sûrs de ce que vous racontez ? Ce ne sont pas des cracks, les dires de Sannes ?

- L'héritière légitime du trône est Historia ?

Hansi confirma mes propos et ceux d'Armin d'un hochement de tête. L'escouade fut choquée par ce que venait de raconter nos supérieurs. Sannes avait fini par avouer la vérité sur la vraie famille royale - les Reiss.

D'après ce que j'avais compris, le premier roi des Murs, Karl Fritz, était arrivé sur ces terres en 743 avec tous ses sujets, terres où mon clan était installé depuis des siècles. Il avait utilisé son pouvoir de Titan Originel pour ériger les trois Murs actuels, résultats de la solidification de titans colossaux, et qui avaient été nommés d'après les trois filles de son ancêtre Ymir Fritz. C'était aussi grâce à ce même pouvoir qu'il avait effacé la mémoire des habitants afin que la version officielle devienne la suivante : qu'ils étaient les seuls survivants des ravages commis par les Titans. Pour ceux dont la mémoire n'avait pas été affectée, Karl Fritz leur avait proposé l'anoblissement en échange de leur silence - seuls trois clans avaient refusé, outrés par une telle demande (les Métamorphomages, les asiatiques et les Ackerman).

Puis il avait pris un faux nom, « Reiss », et depuis ses descendant s'étaient fait passer pour une simple famille de nobles, tout en agissant dans l'ombre du roi fantoche.

C'est là que j'avais réalisé le sens des premières pages dans le journal d'Elias. Pourquoi son interdiction de le lire avait perduré jusqu'à maintenant, ni que son esprit ne soit intervenu auprès des générations suivantes. Elias avait quatorze ans en 743, il avait assisté à la création des Murs et au début des persécutions des siens dès qu'il avait obtenu le pouvoir du Métamorphomage Originel auprès du chef de clan l'ayant précédé. Il avait trouvé refuge à Yorkshire parce que c'était le seul endroit où le gouvernement ne penserait pas à chercher. C'est de là qu'était venue sa haine farouche envers les nobles.

Je comprenais maintenant la raison de l'extrême méfiance des habitants de Yorkshire envers les « étrangers » de leur village, et leur confiance envers mon clan. Ça perdurait depuis des générations. Elias avait raconté aux premiers habitants ce qu'avait fait Karl Reiss ; malgré leur mémoire manipulée, ils avaient malgré tout pris au sérieux les explications de l'adolescent de quatorze ans qu'était mon aïeul à l'époque de la construction des Murs. C'est pour cela qu'une barrière invisible entourant le village, entretenu par les Métamorphomages depuis cent-sept ans, empêchait quiconque désigné comme « ennemi » d'entrer.

Je comprenais à présent beaucoup de choses. Le silence d'Elias, l'interdiction de lire son journal, tenant ainsi sa descendance dans l'ignorance pour la protéger. Et la surprise de ma mère quand, à dix ans, peu avant son décès, je lui avais naïvement posé des questions sur le peu que j'avais lu dans le journal d'Elias, le jour de mon anniversaire.

Des questions me tiraillaient : pourquoi Karl Reiss avait-il fait ça ? Pourquoi n'avait-il pas justement utilisé son pouvoir pour débarrasser le monde des Titans ? Est-ce par rapport à tout cela, à ce qu'avait raconté Djer Sannes, qu'Uli Reiss avait mis sa famille à l'abri pour ne pas qu'elle vive la même chose que lui ?

Mes pensées s'interrompirent suite au bruit d'un papier qu'on accroche sur le mur. Moblit venait de déplier et d'épingler le portrait d'un homme, avec une description en-dessous du portrait dessiné à la main : Rhodes Reiss, le père d'Historia et chef de la famille Reiss. Cheveux noirs de jais coupés courts et moustache de la même couleur, yeux bleus, pas très grand, avec une certaine corpulence. Aucune ressemblance avec sa fille, c'est rien de le dire.

« [𝓣𝓸𝓶𝒆 𝟐 𝓢𝓝𝓚] ℒ𝒆𝓼 𝓐𝓲𝓵𝒆𝓼 𝓭𝒆 𝓵𝓪 ℒ𝓲𝓫𝒆𝓻𝓽𝒆́ »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant