Chapitre 65 : L'ange gardien

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L'adolescent était installé avec nonchalance à une table, dans un couloir du lycée. Il avait beau être extraverti et plein d'énergie, parfois, il aimait s'isoler et se retrouver seul avec lui même. Griffonnant dans un carnet de croquis quelques tracés pour un dessin qu'il lui faudrait retravailler, il était concentré. Une ombre attira son attention et il releva la tête, voyant devant lui trois garçons de sa classe. Il ne leur parlait pas beaucoup, il était donc surpris de leur venue soudaine.
- Bah alors Deidara, t'es tout seul ? Tes potes sont pas avec toi ?
Le blond fronça les sourcils, cette approche lui paraissait louche.
- Ils sont en cours, ou quelque part dans le coin je ne sais pas. Vous cherchez quelqu'un ?
L'un de ses interlocuteurs sourit.
- Non, c'est toi qu'on voulait voir. On a trouvé ton compte Twitter le week end dernier.
- Et alors ?
Le jeune homme sentait bien une certaine tension dans cette situation, mais il ne voyait pas où était le problème. Ses posts sur les réseaux ne parlaient d'aucun de ses camarades, seulement ses amis, il ne manquait de respect à personne, aucune communauté, aucun groupe, aussi ne se sentait-il pas le moins du monde inquiet à l'idée que son compte soit vu par d'autres personnes. Un autre l'éclaira.
- Alors on a vu ce que tu tweetes sur toi. On savait pas que t'étais pd.
La mine de Deidara s'assombrit. Il avait oublié l'homophobie ambiante de la société, même au XXIème siècle.
- Qu'est ce que ça peut vous foutre ? lâcha-t-il d'un ton plus sec.
- Hey, tu vas te calmer un peu, rétorqua celui qui avait parlé le premier, visiblement contrarié que le blond ne se sente ni gêné, ni en danger.
Ils étaient venus le confronter avec l'intention de lui faire comprendre qu'il n'était pas normal, qu'il ne devait pas ne serait ce qu'oser en parler sur Internet, ils voulaient l'effrayer, le contraindre à se faire discret, à éprouver de la honte. Mais Deidara ne semblait pas impressionné, et cela ne leur plaisait pas.
- Moi si j'étais un détraqué mental, reprit le troisième garçon avec un sourire, en voyant quelqu'un l'apprendre, je m'écraserais pas mal. T'as un culot monstre de nous répondre ainsi, alors qu'on pourrait te balancer à tout le monde.
- Non mais je rêve ? ricana Deidara. Un détraqué mental ? Et c'est moi qui suis culotté. Vous sortez d'où vous trois ? Du XIXème siècle ? Non mais vous croyez quoi ? Que je vais flipper ? Vous êtes des gros nazes, les gars. Non seulement j'ai aucune honte mais je n'ai pas à en avoir, en revanche, l'homophobie est un délit, alors vous devriez peut être être gênés de vous comporter comme des merdes. Je n'en parle pas justement pour ne pas me faire emmerder par des abrutis dans votre genre, mais dans l'absolu, j'en ai rien à foutre que vous le disiez, je ne fais rien de mal. Bougez de là maintenant, vous gâchez mon champ de vision.
Piqué par sa répartie, l'un de ses interlocuteurs le saisit par le col du t-shirt, et le poing de Deidara alla s'écraser aussitôt dans son visage, signant les prémices d'une bagarre violente. Un surveillant arriva rapidement pour les séparer, et si Deidara avait un oeil au beurre noir, il sourit avec fierté en voyant les nez de ses adversaires qu'il avait fracturés, et le sang qui s'écoulait lentement de leurs narines et de leurs lèvres fendues. Pendant qu'ils étaient tous les quatre entraînés dans le bureau de la vie scolaire pour expliquer les évènements, Sasori arriva dans le couloir. Itachi, qui était près de lui, lui expliqua ce qu'il s'était passé, puisque s'il n'avait pas eu le temps d'intervenir, il avait eu le temps d'en voir plus que l'adolescent aux cheveux rouges.

**********

Les trois lycéens rentraient chez eux, marchant sur le trottoir, il faisait déjà nuit, il n'était pas si tard, mais la saison rendait les journées courtes.
- Vous pensez qu'il va tenir encore longtemps ? Je déteste son assurance dès qu'on essaye de le remettre à sa place cette pédale.
Un soupir lui répondit.
- C'est pas une cible facile, mais sur le long terme, personne ne peut encaisser, on va redoubler d'efforts jusqu'à ce qu'il ait honte d'aimer les mecs. Si on le laisse comme ça, ils vont tous penser que c'est normal de sucer des bites quand on est un homme, et on va se retrouver à devoir se méfier de peur d'être approchés par ces tapettes qui se multiplient et qui prennent la confiance.
- C'est sûr, mais il m'énerve, ça fait déjà deux semaines qu'on essaie de lui pourrir la vie, et on s'est déjà pris plein d'heures de colle à cause des bagarres. On peut même pas casser la gueule d'un pd en paix.
- Ouais, mais lui aussi il en a pris des heures de colle. Il n'est pas protégé par le système, t'inquiète.
Ils tournèrent dans une rue déserte, qui faisait partie de leur chemin.
- Vous allez plutôt arrêter d'emmerder Deidara.
La voix avait résonné avec un ton glacial dans leur dos. Surpris, n'ayant entendu aucun bruit de pas, senti aucune présence, ni vu personne, les trois adolescents firent volte face, sursautant légèrement avant de se reprendre. Devant eux, il n'y avait qu'un autre garçon de leur classe. Ils mirent un certain temps à le reconnaître car ce dernier était très effacé dans le groupe, mais ils voyaient souvent la victime de leur harcèlement et de leur haine traîner auprès de lui. Le visage impassible, les cheveux rouges. Il semblait calme, trop calme pour un type qui paraissait si chétif comparé à leur gabarit à eux. Trop calme pour quelqu'un de seul, face à trois adolescents agressifs dans une ruelle vide et sombre.
- T'es quand même pas idiot au point de nous avoir suivis pour espérer négocier la tranquillité de ton pote pd ? lança alors celui qui se tenait au milieu.
- Non, répondit l'autre avec nonchalance. Je ne suis pas venu négocier.
- Oh, alors tu veux demander poliment ? Tu crois qu'avec ta tronche de gosse innocent et prépubère tu obtiendras notre pitié ?
Sasori pencha légèrement la tête sur le côté.
- Non plus.
Il s'approcha d'eux jusqu'à n'être séparé de ses interlocuteurs que par quelques centimètres. Ils purent tous voir ses iris ambrés si intenses.
- Je suis venu m'assurer que vous ne vous en prendrez plus à lui. Ni à aucune autre personne non hétéro au passage.
Ils n'eurent pas le temps de rire, les coups étaient partis vite. Pendant quelques minutes, les seuls sons qui tranchèrent le silence de la nuit furent les impacts violents des corps sur le sol et les gémissements de douleur. Les trois garçons étaient allongés, presque inconscients, la vision trouble, quand leur agresseur fracassa leurs téléphones sur le sol, jusqu'à ce qu'il n'en reste que des morceaux irrécupérables.
- Vous n'aurez plus besoin de ça, après tout, si vous vous en servez pour harceler des gens sur les réseaux, autant vous les enlever.
La voix de Sasori leur semblait lointaine. Il s'accroupit et saisit le cou de l'un d'eux pour le forcer à être attentif.
- Si vous adressez de nouveau la parole à Deidara, je recommencerai. Et la prochaine fois, je vous tuerai. Ou je vous briserai les jambes pour que vous ne marchiez plus jamais. Je vous déconseille d'aller baver que c'est moi qui vous ai cassé la gueule, déjà ça détruirait votre réputation de mec populaire à la virilité déjà si fragile, et ensuite vous n'avez aucune preuve, alors que moi, j'ai déjà préparé un alibi. Est ce que je suis clair ?
L'adolescent senti les larmes couler sur ses joues à cause de la pression sur sa gorge et de la douleur. Ce n'était pas la première fois que ses amis et lui se battaient, jamais ils n'avaient fait face à une telle violence, à une telle technique. Sasori ne mentait pas quand il disait qu'il pourrait les tuer, il en était certain. Déclamer des menaces avec une telle tranquillité, sans exprimer la moindre humanité, c'était effarant. Il hocha doucement la tête, et en quelques secondes, plus personne n'était là. Sa vision se troubla, que s'était-il passé même ? Rien de tout cela ne semblait réel. La seule certitude qu'il avait était que ses deux amis et lui gisaient dans la rue, avec une douleur lancinante aux côtes, aux jambes, au visage.

**********

Deidara traversa le couloir après avoir rangé ses livres dans son casier. Il aperçut au loin Sasori, installé avec négligence sur un banc, et il avança pour le rejoindre. Sur sa gauche, au croisement du couloir, il tomba face à ses trois harceleurs. Tendu, il s'apprêta à répondre à leurs provocations, ou à se défendre physiquement, mais à peine eut-il croiser leurs regards que ceux ci détournèrent les yeux avant de le dépasser pour s'éloigner de lui. Surpris par leur fuite, il se retourna, constatant avec étonnement leur démarche boiteuse et leurs frissons dès que quelqu'un les frôlait au niveau de la taille. Ils avaient aussi le visage marqué, comme s'ils s'étaient battus. Ce n'était pas la première fois que ces trois là revenaient avec des bleus ou des coquards, mais habituellement, ils s'en vantaient, racontant à qui voulait l'entendre la grande bagarre qui leur avait offert ces souvenirs de guerre. Cette fois, ils n'avaient rien dit, et se faisaient très discrets. Le blond s'installa près de son ami, qui écrivait des premières réflexions sur un sujet de dissertation de français.
- C'est étrange, lâcha Deidara.
- Qu'est ce qui est étrange ? l'interrogea l'autre sans cesser d'écrire.
- Les trois gros cons de la classe, ceux qui me faisaient chier depuis un moment, tu sais je t'en avais parlé, surtout qu'ils m'ont faire prendre des heures de colle les enfoirés. Non seulement on dirait qu'ils ont pris une raclée, mais en plus ils ont baissé les yeux en me croisant alors qu'ils étaient bien décidés à me faire payer mon existence à chaque fois qu'ils me voyaient.
- Très étrange en effet.
Deidara réfléchit un moment. Il était habitué aux silences de son ami, au fait de mener les conversations seul. Le son du stylo sur le papier accompagna ses réflexions, et il sembla prendre conscience de quelque chose.
- Sasori, pourquoi hier soir tu m'as demandé de poster sur mes réseaux que je t'avais encore battu sur Mario Kart alors que t'étais pas encore arrivé chez moi ?
- T'avais oublié de t'en vanter la dernière fois qu'on a joué.
- C'est quand même bizarre de m'avoir demandé ça.
L'adolescent aux cheveux écarlates soupira.
- Pourquoi tu l'as fait si tu trouves ça bizarre ?
- Parce que je te fais confiance.
Il y eut un nouveau blanc entre les adolescents.
- C'est toi qui leur as fait ça, n'est ce pas ?
Le blond n'obtint aucune réponse. Mais il n'en avait pas besoin, il savait lire en lui, lire en ses émotions non exprimées, lire en ses mots non prononcés.
- Tu vas te mettre dans la merde un jour à jouer comme ça avec la légalité. Mais merci, t'es vraiment un ange.


Fanfiction Naruto - AkatsukiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant