XIII.

21 1 6
                                    

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : »Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Les Fleurs du Mal (1857), extrait de « L'Horloge », Charles Baudelaire.


† † †


Nous laissâmes mon balai volant caché derrière un calvaire couvert de lierre et cernée de fougères. Duncan nous attendait déjà, en compagnie de Piper et Sirius.

— Où est Faith ?

— J'en sais rien, que Diable, grommela Sirius en mordillant son ongle. Elle ne répond pas à nos messages.

— Tant pis pour elle si elle a la gueule trop enfarinée pour effectuer notre première grande mission, rabroua Piper, sur le point de prendre sa forme mi-louve mi-humaine. Elle s'en mordra les doigts lorsqu'on lui racontera tout ce qu'on aura fait !

— Piper n'a pas tort, intervint Duncan en jetant un coup d'œil à la position de la Lune, rouge, dans le ciel.

Il semblait humer quelque chose dans l'air. Les pupilles dilatées, les lèvres gonflées à cause de ses quatre canines dégainées hors du fourreau que représentaient ses gencives, un pli soucieux creusé entre ses sourcils.

— Il est plus que temps qu'on se mette en place, ajouta le vampire.

— Les superviseurs de l'Ordre ne laisseront pas passer notre retard, confirma Rhodes.

Je soupirai, un brin inquiète pour Faith qui vivait avec son miroir greffé à sa main, mais acquiesçai. Nous nous séparâmes, je traversai le cimetière abandonné, enjambai quelques pierres tombales échouées. Munie d'un sort de discrétion – sans surprise, procuré par Sirius – je faisais mes pas aussi légers que possible pour qu'ils se fondent dans les bruissements de la nuit. Arrivée au pied de l'église abandonnée, je montais jusqu'à un vitrail brisé en escaladant du lierre et des bas-reliefs. J'évitais de faire crisser mes semelles sur les brisures colorées, puis je me cachais derrière les garde-fous en granite sculpté qui suivaient les galeries suspendues, longeant elles-mêmes les travées de la nef centrales et le déambulatoire.

Je m'attendais à être obligé d'utiliser la Marque du familier pour voir quelque chose dans ce lieu abandonné, mais le plafond complètement crevé offrait un large panorama sur le ciel étoilé et la Lune de Sang, tandis qu'une centaine de bougies rouges étaient éparpillées en contrebas.

Mes yeux s'arrondirent comme jamais auparavant.

L'Ordre avait vu juste. J'assistais bel et bien à une messe noire. Juste-là. À seulement quelques mètres en dessous moi !

Une odeur métallique, acide, flottait dans l'air. Je ne doutais pas que l'immense pentagramme, composé de lettres, de sigils et de sceaux démoniaques, sur le sol du chœur, avait été peint avec du sang. Je plissais les yeux pour distinguer les pentacles – symbole de l'équilibre – brodés sur les capes à capuches dissimulant les visages des nombreuses silhouettes entourant le cercle, ainsi que...

Mon sang se figea.

Une personne était allongée sur l'hôtel. Son visage était couvert par un grand carré de dentelle noire. Je savais pourquoi ce tissu était là : c'était pour faciliter la tâche à la personne filiforme qui approchait avec un grand poignard.

Je jetais le plan au feu.

Ma chevalière se déployant déjà en griffes, je sautai par-dessus le garde-fou, atterrissai avec une roulade, courai droit vers le sacrificateur. Des cris et des ordres explosèrent dans tous les coins. Les participants de la messe noire paniquaient plus que ce à quoi je m'attendais.

L'Épine & la PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant