J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.Je souffre et je veilleSans me reposer :J'ai peur d'un baiser !
Romance sans paroles (1874), Extrait de « A poor young shepherd », Paul Verlaine.
† † †
Comme la curiosité était, à mon sens, le seul défaut véritablement notable chez Roscelin, il se montra très intéressé par mon passé et mon époque. Décidant qu'il valait mieux y aller dans l'ordre, je lui racontai quelques bribes de mon enfance, notamment ma rencontre avec Tann.
Le brun trouva presque logique que mon familier fut un présent offert par une princesse démoniaque, ce qui me fit rire parce que c'était bien l'une des choses les plus illogiques que je lui racontais.
Quoi qu'il en soit, pour ma notion de la normalité, c'était bien plus illogique que notre monde surnaturel caché au nez et à la barbe des humains, la séparation entre Lamia et Nephilim, la Prophétie, ma vie au coven de Salisbury, l'Académie de Magie, mon amitié avec un vampire et mon inimitié avec une louve-garou...
Mais ça l'était moins que mes pouvoirs magiques foireux, mon talent pour la démonologie et l'exorcisme, ou encore cette capacité à pactiser sans contrat que je m'étais découverte.
— Tu crois que tout cela vient du fait que tu sois la... Eum... La sang-mêlé ?
Dans un long râle de désespoir, je me laissais tomber sur le côté. Je m'étalais de tout mon long sur le dos, sur le tapis épais. En pouffant, Roscelin me rejoignit.
— Peut-être ? Pas sûr non plus... J'en sais trop rien, soupirai-je. Tu sais, je suis assez perdue de façon générale. J'aimerais juste retourner à mon époque pour demander des comptes à mes géniteurs, comprendre comment ils ont pu faire une connerie aussi grosse que d'avoir un enfant ensemble... Et puis comprendre pourquoi ils m'ont abandonnés à la porte du coven. N'auraient-ils pas pu me garder auprès d'eux, et nous aurions coulé des jours heureux, cachés rien que tous les trois, dans un coin reculé du monde ?
— Peut-être qu'ils ont voulu brouiller les pistes ? Peut-être qu'ils avaient peur que tu te fasses tuer, si qui que ce soit l'apprenait ?
— Peut-être...
Les sorciers et les sorcières n'étaient pas reconnus pour être les créatures les plus gentilles du règne surnaturel. Si on avait appris que j'étais à la fois Lamia et Nephilim, sans doute m'aurait-on tuée, de peur que je ne brisa l'équilibre de notre espèce. De notre monde ?
Je ne me sentais pourtant pas l'âme d'une destructrice d'univers... Au contraire, je crois que sans la messe noire, je n'aurais jamais compris ce que j'étais. Personne n'aurait compris. En-tout-cas, pas avant un long moment encore. Mais puisque j'allais retourner au XXIe siècle, est-ce que l'Ordre, présent à la messe noire, allait me pourchasser parce qu'il aurait compris que j'étais plus qu'une sorcière nulle avec pour seul talent l'exorcisme ?
La main de Roscelin, pressant mes doigts que je maltraitais en les tordant, me fit sursauter. Il s'était tourné sur le côté afin de m'observer. Je l'imitais.
Notre proximité me frappa. Son visage était juste en face du mien, nos souffles se mêlaient, sa chaleur irradiait, nos regards se noyaient l'un dans l'autre, j'avais juste à étendre le cou et...
— Je n'ai pas envie de parler de ça maintenant, annonçais-je, la bouche sèche.
— Que veux-tu, alors ?
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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...