L'Épine & la Plume

VII.

Cette ville sombre ! 
Tout est crainte ici... 
Le ciel est transi 
D'éclairer tant d'ombre. 
Les pas que tu fais 
Parmi ces bruyères 
Lèvent les poussières 
Au souffle mauvais... 
Voyageur si triste, 
Tu suis quelle piste ?

Sagesse (1880), extrait de « III, II », Paul Verlaine.

† † †

Je suffoquais. La fumée remplaçait l'air dans mes poumons. Tout autour de moi, les flammes mouraient et renaissaient sans cesse. Encore et encore, mon reflet vieillit se battait contre celui qui m'avait à la fois protégé et mentit toute ma vie. Encore et encore, Faith se poignardait, son regard déterminé rivé aux miens. Encore et encore, Giselda me poussait dans le cercle de magie noire. Encore et encore, ces inconnus encapuchonnés de nuit psalmodiaient, ces chaînes de lave m'emportaient vers un ailleurs rempli de dangers.

Puis la pluie tombait sur les flammes, sur moi. La pluie était rouge, distillait une odeur de métal rouillé, avait un goût acide. C'était une pluie de sang. Le sang de Briallen, de Faith qui coulait sur mes mains.

Même les rayons de la Lune ne m'atteignaient plus, voilés par ces nuages rouges... Ou alors... Était-ce la Lune qui donnait cette teinte rubis à tout ce sur quoi elle portait son attention ?

Ensuite, c'étaient des éclairs qui s'abattaient derrière moi. Quand je me retournai, c'était pourtant des Démons enchaînés qui rampaient dans ma direction. Je les reconnaissais tous, évidemment. C'était moi qui les avais exorcisés. Ils parlaient tous, en même temps, sur un même tempo.

Pas de rose sans épines.
Pas de lumières sans ténèbres.
Pas d'Enfer sans bonnes intentions.

Une sang-mêlée s'incline.
Sans bergère, un agneau de marbre.
Le chasseur traque le chat en perdition.

Pas de rose sans épines.
Pas de lumières sans ténèbres.
Pas d'Enfer sans bonnes intentions.

Je devais courir. Courir. Juste courir. À travers mes cauchemars, à travers mes peurs, à travers le temps. Mais ce chasseur drapé de rouge m'attendait, prêt à faire durer la chasse aussi longtemps qu'il le désirerait.

Mes poumons s'emplirent comme si, un instant plus tôt, j'avais été en train de me noyer. J'étais essoufflée, mon cœur cognait contre mes côtes. Et le ciel était si bleu. Trop bleu. Il était voûté au-dessus de moi, allait me tomber dessus.

Ce ne fut qu'après quelques battements de cils que je compris que ce n'était pas le ciel, seulement des yeux.

— Sa... Salut...

Je savais qu'il s'appelait Roscelin, mais je n'étais pas sûr de savoir pourquoi ni comment je le savais.

— Salutation.

Sa drôle de réponse réhaussa un coin de mes lèvres.

— Je suis où ?

Il pencha la tête de côté, comme un oiseau.

— Dans la grange de l'auberge, dit-il d'un ton évident. Vous avez joué la supercherie pour qu'on nous héberge, la nuit dernière. Vous ne vous en souvenez plus ?

Je soupirais.

Si. Si je m'en souvenais. Mon esprit perturbé avait juste besoin d'un peu de temps pour remettre tous ses rouages en route.