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L'oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers.

Les Fleurs du Mal (1857), extrait de « Les plaintes d'un Icare », Charles Baudelaire.


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Sans crier garde, j'agrippai la couronne d'épines. Elle entailla profondément mes doigts, fit couler quelques gouttes de douleur écarlate, mais pas de perles de rosée. Je jetai la couronne loin, très loin de mon palpitant. Je la foulai du pied avec acharnement, la rejetai encore plus loin. Là où plus jamais elle ne pourrait entraver mon cœur.

— Ross, je t'aime.

Le sourire qu'il m'offrit était le joyau le plus brillant que j'avais jamais vu. Lorsque l'auréole de Micheäl m'avait brûlé les yeux, Roscelin, lui m'offrait liesse et réconfort.

— Je t'aime tant. Je peux à peine respirer. J'ai été patiente, mais je n'en peux plus. Abrège mes souffrances, ordonnai-je en agrippant sa nuque pour le rapprocher encore de moi. Fais ce dont tu rêves depuis le début. Aime-moi aussi fort que tu le puisses.

— À tes ordres, Rosell, acquiesça-t-il tout en mordillant mon oreille.

Enfer ! comme j'aimais lorsqu'il faisait ça !

— Je ne sais quel sort tu m'as jeté, mais tu m'as rendu trop fou d'amour pour que je te refuse l'entrée du Paradis... Ni pour que je fasse preuve de la moindre restriction à ton égard.

Roscelin n'essayait plus de discipliner mes boucles rousses en les coinçant derrière une oreille. Ces gestes polissons étaient dépassés. Un hoquet de stupeur m'échappa lorsqu'il me souleva dans ses bras, avec précaution et empressement mêlés, et me déposa en travers de mon immense matelas couvert de jacquard rouge. Ce lit à baldaquin avait toujours été trop grand pour une seule personne. Il se positionna au-dessus de moi, éclipsa la lueur de la bougie de la table de chevet.

Il saisit entre ses doigts une de mes mèches, étalées autour de ma tête. Il l'étudia avec attention.

— On dirait que tu portes une auréole rouge.

— Des cornes m'iraient mieux.

Il revint à mes yeux. Une fois encore, mon cœur se jeta contre mes côtes.

— Ton regard sur le monde, avec tes quatre pupilles, a changé.

— C'est toi qui m'as changée.

— Tu m'as fait évoluer, aussi. Pour ça, Rosell, je t'aime encore plus, si cela est possible, avoua-t-il avant de se pencher sur ma bouche.

Les papillons de nuit s'envolèrent dans mon ventre, s'échappèrent, droit vers la lumière.

Maintenant que nous nous étions mis à nu, l'un devant l'autre, tout semblait évident. Que je sois une sorcière et lui un Ange n'avait pas d'importance. Le monde extérieur pouvait bien aller se faire foutre ; tout ce qui comptait, c'était nous, nous, nous, nous et nous et seulement nous.

L'Épine & la PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant