III.

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Voici le Malheur
Dans sa plénitude.
Mais à sa main rude
Quelle belle fleur !
« La brûlante épine ! »
Un lis est moins blanc,
« Elle m'entre au flanc. »
Et l'odeur divine !
« Elle m'entre au cœur. »
Le parfum vainqueur !

Sagesse (1880), extrait de « III, II », Paul Verlaine.


† † †


Je roulais sur le ventre. Un autre cri, suivi d'un juron, m'échappa au moment où une grosse flèche courte se ficha à quelques centimètres de mon visage. Un... carreau d'arbalète ?

Je rampais dans les feuilles jusqu'à Briallen, l'agrippai par les épaules pour la retourner vers moi. Son regard vide me donna plus envie de vomir que le trait qui transperçait son thorax de part en part. Un sanglot me secoua.

(Le chat noir avait encore frappé.)

- Espèce de faible d'esprit ! T'en as abattu une ! Elles valent moins cher froides !

- Attrapons-là avant que les autres arrivent, alors ! Je n'ai pas envie de partager le prix de sa tête avec eux !

Une pierre tomba dans mon estomac dès que deux hommes vêtue de tissus marrons rapiécés, protégés par des plaques de cuir bouillies, avec des visages et des mains sales, descendirent d'une butte pour me faire face, arbalètes au poing. Je me relevais précipitamment, trébuchai en reculant tout en sortant ma dague noire des plis de ma robe. Je levai mon arme face à eux. Ils louchèrent dessus une seconde avant d'éclater de rire. Je n'avais aucune foutu idée de ce que j'espérais.

Pitié, Lucifer, fais que mes pouvoirs obéissent, pour une fois dans ma vie ! suppliai-je intérieurement.

La cœur battant à tout rompre face à d'historiques chasseurs de sorcières. Ma chevalière s'illumina à mon doigt. Son métal noir se propagea jusqu'à ma main droite, et elle se se mua en bagues d'armes, pareille à des griffes asserrées, reliées entre elles à la manière d'une toile dentelées, souple et inextricable.

Je n'avais pas le temps de faire le vide, de me calmer, de réfléchir, de me connecter profondément à la Magie autour de moi... Je me précipitai sur la porte donnant sur mes pouvoirs, prête à l'enfoncer avec mon épaule et tout mon poids... Et je me cassai le nez contre un mur.

Évidemment, rien ne vint.

- Laisse-toi faire et on ne te fera aucun mal, sorcière.

Comment avaient-ils pu être aussi certains, dès le début alors que nous se faisions qu'avancer à cheval, de ce que nous étions (et de ce qu'avait été Briallen) ?

L'un des hommes s'approcha de moi à grand pas, essaya de m'attraper. Je tordis son bras, donnai un coup de genoux dans son entrejambe, arrachai son arbalète de ses mains. Le carreau partit tout seul, directement dans sa poitrine. Il s'effondra au milieu du lierre dans un gargouillie.

- C'est toi qui vaudras plus un clou quand tu seras froid, dis-je, car il valait toujours mieux insulter son ennemi une fois qu'il était raide mort.

Je fis ensuite face au second homme. Lui-même me regardait avec des yeux comme deux ronds de flanc, surpris que je sache me défendre. La colère déforma ensuite ses traits et il pointa son arbalète contre moi. Je fis de même, me rendis vite compte que je n'avais plus de projectile et que je n'avais pas la moindre idée de comment en remettre un. Il sourit.

L'Épine & la PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant