Le singulier aspect de cette solitude
Et d'un grand portrait langoureux,Aux yeux provocateurs comme son attitude,
Révèle un amour ténébreux,
Les Fleurs du Mal (1857), extrait de « Une martyre », Charles Baudelaire.
† † †
C'était en moi que la tempête faisait rage.
Les guêpes s'étaient échappées de leur bocal, elles vrombissaient, piquaient. J'étais tellement en colère... En colère contre moi-même. Ce qui aurait dû être un exorcisme effectué en une nuit, sauvant par la même occasion tous ces malades, s'était transformé en une catastrophe (parce que j'étais une catastrophe ambulante) au cours de laquelle il y avait eu un mort, où personne n'avait été sauvé et où Roscelin avait été touché par la malédiction.
J'avais foiré mon coup. Je croyais pouvoir tout arranger, mais il fallait croire que sans l'Ordre, je n'étais plus capable d'aboutir à un bon exorcisme(, car seule, je faisais tout foirer).
Je me levai de ma chaise. Le sang rugissait si fort à mes oreilles que je ne l'entendis pas se renverser. J'eus besoin de prendre une profonde inspiration pour contenir ce même sang qui menaçait d'entrer en ébullition.
Non. Je ne pouvais pas me permettre de penser ainsi. J'avais merdé, ça, c'était clair. Mais je pouvais encore réparer mes erreurs. J'avais mal évalué la puissance du Démon pestilentiel et cela lui avait permis de s'enfuir. J'étais maintenant certaine d'une chose : un artefact l'ancrait dans notre dimension. Je devais le trouver, le détruire et enfermer le Démon dans ma prison de roses et d'épines.
— Je sais ce que j'ai à faire, Ross, dis-je en me rasseyant à son chevet.
Je pris sa main dans la mienne. Comme elle était froide, je la serrai fort entre les miennes. Je n'avais jamais eu autant de temps pour (dévorer des yeux) observer son visage. Même figés par la fièvre, ses traits étaient si fins, si harmonieux avec cette fossette au menton, cette auréole brune qui aurait dû mettre en valeur ses yeux plus bleus que le Paradis – malheureusement clos.
Endormie là, à la merci d'une sorcière, c'était un Ange souffrant.
Cette sensation de déjà vu revint m'enlacer, inextricable. Je repoussai une boucle disciplinée, effleurai sa joue lisse, tout près de l'ombre projetée par ses longs cils noirs, épais et recourbés.
L'image de cet homme que j'avais croisé, de ça un siècle, me semblait-il, me revint en mémoire. Il n'était pas de la même époque, n'était pas vêtu ou coiffé de la même manière, n'avait pas tout à fait le même éclat au fond des prunelles et, surtout, il avait cette longue cicatrice qui déchirait sa joue gauche, du menton jusqu'à la pommette. Pourtant, je réalisai subitement la frappante ressemblance.
Roscelin se crispa dans son sommeil, gémi. Ne sachant que faire puisque je ne pouvais me permettre de lui faire boire davantage de potion anti-douleur au risque de causer davantage de dégâts, je m'assis au bord de son lit et voulus poser mes mains sur ses épaules, mais il m'en empêcha en les agrippant. Je réalisai qu'il ne devait pas vraiment dormir, sans toutefois être tout à fait réveillé. J'embrassai le dos de ses doigts.
— Ross, soufflai-je. S'il te plaît, résiste à la douleur, résiste à la maladie. Je sais bien que c'est plus facile à dire qu'à faire, mais je sais que tu peux y arriver. Cette nuit, je vais pourfendre une bonne fois pour toutes ce Démon et vous serez tous guéris. Tu seras guéri... Et puis, je...
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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...