Puits de Vérité, clair et noir,
Où tremble une étoile livide,
Un phare ironique, infernal,
Flambeau des grâces sataniques,
Soulagement et gloire uniques –
La conscience dans le Mal !

Les Fleurs du Mal (1857), « L'irrémédiable, II », Baudelaire


† † †


Le destin avait vraiment un mauvais sens du timing. C'était son plus grand défaut. Je maintenais et répétais. Le destin avait vraiment un mauvais sens du timing et c'était son plus grand défaut. Autrement, jamais il n'aurait fait entrer Roscelin à ce moment précis.

Impuissante, je regardais mon Ange voler littéralement à mon secours... Être à son tour emprisonné dans le cercle, être entravé par les tentacules de sang pourri, puis soulevé face à moi en position de sacrifice.

Il ne servait plus à rien de fatiguer mes cordes vocales. Il fallait juste que mon sort de suicide terminât son office. Le rire hystérique de Blade Hunter me parvenait à travers un lourd brouillard.

— Rosell ?! Qu'est-ce que tu fais !

Le désespoir infini, la peur et la colère raisonnant dans la voix de Roscelin, lorsqu'il observait mon sang quitter mon corps, goutte après goutte, fit très mal à mon cœur palpitant de plus en plus faiblement.

— Je suis désolée... Nos retrouvailles auront été courtes, mais intenses. C'est mieux ainsi... Il ne doit jamais avoir mon sang...

— Je t'en supplie ! Je t'en supplie ne fait pas ça ! Il y a un autre moyen ! Il y a toujours un autre moyen ! Si...

C'est l'autre moyen, l'interrompis-je.

L'absence du rire de Blade Hunter me fit subitement frémir. Tout à l'heure, pourquoi avait-il commencé à rire alors que je faisais foirer son sortilège ? Et pourquoi avait-il cessé de rire, ensuite ?

Tels les reflets d'un miroir, mon brun et moi baisâmes les yeux vers le gourou. Ce dernier nous fixait avec un sourire satisfait, quoi qu'avec une mine impatiente. Ça n'annonçait rien de bon. Vraiment, rien de bon.

— Maintenant, tous les ingrédients sont réunis.

— Quoi ?...

— La première fois, le sort aurait raté de toute manière, car j'ai compris une chose ensuite. J'ai besoin du sang de la Sang-mêlée et du sang lilial de l'agneau de marbre. Après tout, je suis le chasseur qui l'abat en pleine ascension !

Le désespoir brisa ma concentration, rompit mon propre sort de suicide.

Qu'importe ce que je faisais, les efforts que je déboursais, était-ce toujours voué à l'échec ?

Blade Hunter ajouta une nouvelle strophe à son refrain funèbre :

— Pas d'Enfer sans bonnes intentions. Chaque perle liliale d'innocence. Donne son endurance et sa puissance. Rééquilibre les plateaux de la balance.

L'aiguillon se planta dans la poitrine de Roscelin.

— Roscelin !

Crier son prénom, une fois seulement, brisa ma respiration.

Ce n'était pas possible. Je ne pouvais pas y croire. Je ne voulais pas y croire.

J'étais obligée d'y croire.

Mon sang servirait d'offrande à chaque récessif de cette terre afin de libérer ses pouvoirs latents, tandis que celui de Roscelin donnerait son essence vitale pour qu'il y en ait pour tout le monde. À la fin de ce sortilège, il ne resterait de nous que des cadavres vidés de leur essence...

L'Épine & la PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant