Le diable, je suis obligée d'y croire, car je le sens en moi !
Charles Baudelaire.
† † †
Puisque mes pouvoirs me désobéissaient perpétuellement et provoquaient des catastrophes, j'allais délibérément les laisser partir à volo.
— Vous êtes sûr que cela va fonctionner ?
Un rire sec m'échappa.
— Bien sûr que non.
Les gens dans la cage palirent pour une raison mystérieuse. De toute façon, j'étais la seule vraie sorcière ici et leur seule chance de s'enfuir. Ils n'avaient pas le choix.
Je fermais les yeux, me laissais aller à la Magie qui me traversait, n'attendant que d'être effleurée, saisie, modelée entre mes doigts... Jusqu'au moment où je la lâcherais pour la laisser reprendre sa forme et son cours d'origine.
J'ouvris la porte sans effort, flegmatique. Juste pour une fois, il n'y aurait pas de chevalière magique pour m'aider à contrôler mes pouvoirs. Les crépitements remontèrent en moi. Une sensation de chaleur enlaça mon esprit. Comme lors de mon contrôle raté de Sortilèges, charmes et versification – qui me paraissait bien loin à ce moment-là – j'en appelais aux noms de Nahama, la Démone liée à l'eau, et de Lilith, la première femme libre comme l'air, puis à Eisheth, celle qui présidait aux flammes.
Juste sous le châssis de notre geôle, l'humidité ambiante s'agglomérait en petit nuage, des lumières s'agitaient dans son ventre voluptueux. De minuscules éclairs commencèrent à frapper le métal du châssis, des roues arrière, des barreaux.
Le mur en moi trembla. Puis des tremblements incontrôlables prirent possession de mes mains, de mes bras, de tout mon corps. Cette fois-ci, je n'essayais pas de tout arrêter. Au contraire.
Les chevaux s'arrêtèrent net, piaffèrent, rafusèrent d'aller plus loin, malgré le cocher qui agitait son fouet comme un chef d'orchestre et les deux brigands qui tiraient sur leurs longes.
Mon nuage artificiel convulsa comme un essaim de guêpes en colère, doubla, tripla, quadrupla de volume. Les éclairs fusaient vers tous les bouts de métal à proximité, même ceux portés par les chasseurs de sorcières. Ces derniers commencèrent à paniquer et moi, je tremblais tellement que je savais qu'il était plus que temps que je relâchasse la Magie que j'avais emmagasinée.
— Protégez vos yeux ! ordonnais-je à mes compagnons d'infortune.
Pour montrer l'exemple, je me détournais. Pendant que tout le monde cachait sa tête derrière ses bras, je surpris mon inconnu, les yeux glués au phénomène magique, les paupières grandes ouvertes. Ce crétin allait terminer avec les rétines cramées !
Tant pis pour lui. J'écrasai mes paupières les unes contre les autres, et mes mains sur ses yeux. Même si je savais que ce ne serait pas suffisant.
La détonation survint enfin. Comme la première fois dans la salle de cours, elle ne fit pas vraiment de dégât, mais provoqua une lumière éblouissante. Quand je rouvris les yeux, les flammes se propageaient déjà. Je plaquai mes mains contre la serrure de la cage, le sang battant à mes tempes comme jamais auparavant.
Cette fois-ci, je jouais vraiment ma vie. Aucun superviseur ne débarquerait pour me sauver la mise.
Le métal fondit rapidement entre mes doigts, je donnais des coups d'épaules dans la porte, vite imitée par les prisonniers. La geôle grande ouverte nous vomit d'un coup. Avant de me faire écraser, je rassemblai mes jupes pour détaler comme un lapin, droit vers le chariot rassemblant nos effets personnels.
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L'Épine & la Plume
ParanormalRose-Elizabeth est la sorcière la plus mauvaise jamais née au coven de Salisbury, tout proche de Stonehenge. Les seuls domaines dans lesquels Rose-Elizabeth est douée sont l'exorcisme et la démonologie. Afin de trouver sa place, la jeune femme est e...